Nickel, de l’eau dans le gaz

« Pas un jour sans une ligne », écrivait  non sans humour l’acteur et écrivain, Philippe Léotard, pas une semaine sans que le nickel ne fasse l’actualité, peut-on aujourd’hui écrire en Nouvelle-Calédonie. Entre un débat télévisé, une conférence du syndicat des exportateurs de minerai devant le Medef-NC et le plan de performance SLN 2018, l’ouvrage n’a pas manqué pour les gazetiers comme pour les nombreux commentateurs avisés de la blogosphère locale.

 

Si la crise du nickel n’est pas nouvelle, elle atteint depuis plusieurs mois un niveau paroxystique tel, qu’elle menace désormais même l’existence de certaines unités de production. C’est le cas de l’usine SLN de Doniambo, comme le démontrent les récentes prises de position de l’industriel et les constants et nécessaires apports d’argent frais pour payer les salaires et les encours.

C’est tout aussi vrai pour l’usine de Goro, qui, si elle constitue une véritable prouesse technique et technologique, n’en présente pas moins un gouffre financier qui pourrait devenir insoutenable, y compris pour un groupe de l’envergure de Vale. C’est encore plus vrai pour l’usine de Vavouto dont la survie n’est due qu’à l’exceptionnelle richesse du massif de Koniambo, sans doute le dernier eldorado de garniérite de la planète.

Le constat est pesant, les inquiétudes légitimes, mais il serait dramatique de ne pas les faire ou de jouer la politique de l’autruche, voire pire, de se dire que « cela ira mieux demain ».

Si le président de la République clame jour après jour un « ça va mieux » qui lui sert à la fois de bilan et de justification, il ne concerne en rien la situation économique de la Nouvelle-Calédonie.

Le cri d’alarme lancé par la CCI, les données analysées par l’Institut d’émission d’outre-mer qui nous avait pourtant habitués ces dernières années à un optimisme béat, n’ont rien de simples gesticulations. Cette fois-ci la crise est là. Mais elle n’est pas seulement liée à des facteurs exogènes et aux cours du London Metal Exchange. Il existe aussi dans ce marasme ambiant des explications internes. L’incertitude sur l’avenir politique y figure évidemment au premier rang, puisqu’ici comme ailleurs, c’est le facteur numéro un qui détermine soit  la confiance dans l’avenir, soit le repli sur soi.

Retour de gaz

La Nouvelle-Calédonie moderne, quand elle crée de la richesse et du progrès, marche sur deux jambes, le nickel et les dotations de l’État.

Les autres secteurs, commerce, industrie, agriculture et services, bénéficient des conditions ainsi créées pour se développer à leur tour.

Aujourd’hui, en raison de la chute des cours des matières premières et des difficultés budgétaires des collectivités publiques, le pays, tel qu’il est gouverné, n’a plus les moyens des ambitions défendues par les exécutifs qu’ils soient provinciaux ou autres, jusqu’aux communes qui sont contraintes, elles aussi, de revoir leurs interventions à la baisse faute d’avoir accès à une fiscalité propre.

C’est dans ce contexte pour le moins tendu que vient de ressurgir l’option d’une centrale à gaz pour alimenter l’usine SLN de Doniambo.

Évoquée par le député Gomès, sous sa quadruple casquette de parlementaire,  membre du conseil d’administration de la STCPI, président du conseil d’administration d’Enercal et élu du congrès et de la province Sud, l’idée n’est pas nouvelle et avait d’ailleurs été vivement écartée par l’intéressé lui-même voici quelques années.

Cette prise de position semble essentiellement reposer sur des questions environnementales et c’est assez paradoxal puisque la justification du charbon reposait justement sur la garantie que le process envisagé par la SLN proposait des solutions « vertueuses » en la matière.

Mais ce qui ne manque pas d’interroger dans cette affaire, c’est bien la question des nouveaux délais qu’elle impliquerait non seulement pour l’industriel mais plus largement pour la Nouvelle-Calédonie en général

En effet, une nouvelle centrale électrique est au cœur du plan de  performance de la SLN.

Or, s’il s’avérait nécessaire de relancer des études de faisabilité, puis de procéder de nouveau à toutes les étapes administratives et aux enquêtes publiques qu’impliquerait un tel revirement, non seulement pour la centrale elle-même mais aussi pour la construction d’un terminal gazier, il est évident que les délais induits serraient considérables.

Ce serait dramatique pour la SLN mais aussi
pour l’activité dans le secteur du BTP qui, depuis la fin des grands chantiers, ne cesse de perdre des emplois.