Médias et réseaux sociaux : la fin des fake news ?

2018 marquera-t-elle un tournant au niveau des médias sociaux ? Fort possible, compte tenu des dernières décisions politiques sur les fake news et des premières positions prises par les géants de l’internet. Les spécialistes de la publicité annoncent du coup un retour aux médias payants pour avoir une information vérifiée et juste.

C es dernières années, l’arrivée massive de nouveaux médias sociaux a attiré vers le cyberespace une importante partie des sommes consacrées au marketing et à la publicité dans le monde. Entre autres conséquences, la dégringolade des revenus des médias traditionnels, mais aussi la multiplication de fausses nouvelles, communément appelées fake news. Aujourd’hui, les spécialistes pensent que le phénomène a atteint ses limites.

Chez les Américains, souvent précurseurs du marketing mondial et de la communication en général, la cote de confiance des journalistes aurait grimpé de neuf points depuis l’élection de Donald Trump, selon un sondage réalisé en octobre. En décembre, le New York Times mentionnait même avoir doublé son lectorat depuis deux ans pour atteindre 3,5 millions d’abonnements payants. Les lecteurs ont donc tendance à délaisser les blogs informels et rarement encadrés pour revenir aux médias traditionnels avec des articles signés et donc « pénalisables », s’il le faut.

Payer pour s’informer

Pour les spécialistes, la fin des blogs gratuits à caractère informel est annoncée. Le public n’a plus confiance à cause de toutes ces fake news répandues ces derniers mois. Ces blogs ou sites, qui ne font pas partie de médias traditionnels, font beaucoup de tort à la presse et la publicité et les géants de la toile l’ont bien compris. Ils ne veulent pas être associés à de fausses ou mauvaises informations qui pourraient nuire à leur activité.

La dernière décision de Facebook, prise début janvier, pourrait apporter la preuve que le public va renouer avec l’idée de devoir payer pour être bien informé et que la publicité du net va trouver d’autres supports. Facebook a annoncé qu’il privilégierait désormais dans ses algorithmes les messages provenant des amis et de la famille au détriment de ceux des autres éditeurs. Et le célèbre réseau social ne serait pas le seul à fixer cet objectif pour 2018, Twitter ayant annoncé avoir la même volonté.

À cela s’ajoute l’arrivée en 2018, pour la publicité en ligne, de nouveaux outils de blocage incorporés dans les navigateurs. Le mois dernier, l’entreprise Criteo, un des leaders de la publicité ciblée, a annoncé que la fonctionnalité ITP (Intelligent Tracking Prevention) de la dernière version du système d’exploitation iOS d’Apple entraînerait une baisse de 15 % de ses revenus annuels, ce qui a aussitôt fait plonger de 28 % le cours de son action à Wall Street.

La punition des fausses informations

Si les blogs sont pour l’heure toujours difficiles à cadrer, et on en sait quelque chose sur le territoire, tous les pays dénoncent surtout les fake news qu’ils peuvent véhiculer avec, au premier plan, celles qui touchent la politique. La France s’est d’ailleurs lancé dans un projet de loi sur la diffusion des fake news qu’Emmanuel Macron veut absolument punir. Pour la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, qui planche sur le dossier depuis trois mois, la loi de 1881 sur la liberté de la presse certes existe (voir encadré), mais, pour s’adapter à la viralité, à la rapidité de diffusion des fausses nouvelles, elle annonce « la possibilité de saisir en référé un juge, ce qui permettra de retirer rapidement, en période électorale par exemple, des nouvelles considérées comme portant atteinte à la transparence d’un scrutin ».

Et si une fake news est lancée voire relayée par un responsable politique sur internet, ce sera le même traitement, précise la ministre : « À partir du moment où c’est sur une plateforme web et qu’il y a un contenu qui peut porter atteinte à la transparence du scrutin en période électorale, on peut imaginer être dans ce cas de figure. » Concernant la publicité, le 3 janvier, Emmanuel Macron évoquait aussi le fait que « les plateformes se verront imposer des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publique l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent ». Françoise Nyssen précise le propos : « Oui, les contenus sponsorisés devront être signalés comme tels et l’identité des annonceurs devront être indiqués clairement. »

Une volonté de combattre les fausses nouvelles qui se multiplie dans tous les pays. Si Donald Trump vient de publier son fake news awards (le record des rumeurs), l’Italie vient de lancer, à deux mois des élections législatives, un site destiné à permettre aux citoyens de signaler de potentielles fausses informations sur le net et d’obtenir certaines vérifications. La police pourra directement mener son enquête et saisir la justice.

Les fake news ont vraiment envahi la toile en 2017, au point que les dictionnaires anglais, Collins, et américain, Dialect Society, en ont fait le mot de l’année. Mais si le phénomène de l’intox et des rumeurs a toujours existé, c’est la rapidité avec laquelle ces dernières sont désormais colportées et diffusées grâce à internet qui pose d’autant plus problème. Il est bien plus difficile de les contrecarrer. Ce à quoi vont lutter l’ensemble des acteurs de la toile et les politiques en 2018 amenant des retombées publicitaires différentes. La révolution est donc bel et bien amorcée !


La position de la FIJ

En France, l’article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse punit « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quel que moyen que ce soit, de nouvelles fausses […] d’une amende de 45 000 euros ».
Mais la première difficulté pour le citoyen, au nom du droit d’être bien informé, c’est d’abord de faire le tri sur les réseaux sociaux entre ce qui relève de la propagande, de la communication et de l’information. Le lecteur croule aujourd’hui sous « l’infobésité », des titres et des photos en désordre qui défilent sous ses yeux sur sa tablette.

En tant que première organisation mondiale de la profession – 600 000 membres dans 186 pays, la FIJ (Fédération internationale des journalistes) rappelle aux citoyens et aux journalistes, de ne pas partager tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux, de ne pas confondre vitesse et précipitation quand il s’agit d’information et surtout de vérifier toutes leurs sources.

Des journalistes, qui pour beaucoup, craignent aussi que le projet de loi voulu par Emmanuel Macron aille trop loin et « cadenasse » l’information…