L’éducation pour la santé en milieu scolaire

La Direction de l’enseignement de la Nouvelle Calédonie (DENC), l’équipe Do Kamo et l’Agence sanitaire et sociale ont organisé jeudi et vendredi, à l’UNC, deux séminaires en faveur de l’éducation pour la santé à l’école. Une opération de formation qui s’est inscrite dans le cadre de la venue sur le territoire du docteur Didier Jourdan, professeur et chercheur universitaire, spécialiste de la question.

Les deux séminaires initiés par la DENC, qui sont déroulés la semaine dernière à l’Université de la Nouvelle-Calédonie et ont rassemblé des centaines d’acteurs territoriaux de l’enseignement, de la santé et du sport, sont la première pierre concrète à l’édifice de la problématique territoriale de la santé en milieu scolaire. Pour la première fois depuis l’adoption en 2016 du plan de santé Do Kamo et le texte fondateur du projet éducatif de la Nouvelle-Calédonie, les intervenants de ces deux secteurs se sont retrouvés pour tenter de trouver des solutions ou du moins des axes de travail.

En ouverture de ces deux séminaires, Hélène Iékawé, membre du gouvernement en charge de l’enseignement, n’y est pas allée par quatre chemins en rappelant les chiffres du Baromètre santé chez les jeunes portant sur la consommation de stupéfiants, de conduite à risque et de l’obésité (voir encadré). Selon elle, il faut « rapidement agir. Il faut arrêter de banaliser la situation, la société a changé. La santé de nos enfants passe par l’éducation et l’éducation par l’école. Il faut aujourd’hui travailler pour trouver les outils d’une éducation à la santé à l’école et de les intégrer dans les nouveaux programmes scolaires ». L’élue rajoutant : « L’école est le lieu par excellence de la formation des futurs citoyens et il faut des citoyens en bonne santé. La prévention en matière de santé dans les établissements scolaires sera gage de réussite pour notre société future. »

Pour aller dans ce sens, Valentine Eurisouké, membre du gouvernement en charge de la santé a, lors de ces deux séminaires, insisté sur le fait que la « question du bien-être de l’enfant est une problématique récurrente qui a été mise en exergue ces dix dernières années par les différents rapports et diagnostics dans le cadre du projet Do Kamo. Pour cette raison, l’éducation pour la santé et le suivi médico-social doivent participer grandement à la réussite de tous. La santé de nos enfants doit être la principale préoccupation des institutions pour garantir un avenir meilleur et cela passe par le milieu scolaire ». Et d’ajouter : « Dorénavant, l’enseignement et la santé sont étroitement liés. Chaque élève doit disposer de connaissances, des compétences et de la culture lui permettant de prendre en charge sa propre santé de façon autonome et responsable. »

Des paroles aux actions

Si les rencontres de la semaine dernière ont permis de vérifier que les représentants politiques ont la volonté d’associer les compétences des secteurs de la santé et de l’enseignement pour garantir une meilleure santé à nos enfants via une éducation en milieu scolaire, reste qu’il faut maintenant des actions concrètes. C’est ainsi que le premier séminaire, de formation, organisé pour les inspecteurs et conseillers pédagogiques de la DENC, en collaboration avec l’Agence sanitaire et sociale et l’équipe Do Kamo, sur « l’éducation par la santé » a permis d’initier la conception d’outils pour l’éducation de la santé à l’école et de les intégrer dans les nouveaux programmes scolaires. Des outils traitant des comportements à risque, de la violence, de l’hygiène, des addictions ou encore de l’obésité.

Le lendemain, le second séminaire relatif à « la santé en milieu scolaire » avait l’objectif d’encourager et d’accompagner une dynamique de travail transversale entre les secteurs de l’enseignement, de la santé et du sport, pour mettre en œuvre des projets d’éducation pour la santé à l’école. Cette démarche a associé différents acteurs comme les représentants du vice-rectorat (parcours civique avec un volet éducation pour la santé), les provinces (école du dialogue, Inov’école, Just Play), des enseignants, des médecins, etc. Si les ateliers et des échanges ont permis d’entrevoir des projets, des pistes de travail, c’est surtout l’intervention du professeur Didier Jourdan, le spécialiste de la prévention, de la promotion de la santé et de l’éducation à la santé, (voir ci-contre) qui a été le plus écouté et discuté par l’assistance.

Arriver à se construire ensemble

Même si le professeur Didier Jourdan a débuté son intervention en avouant qu’il ne connaissait pas les spécificités calédoniennes en matière d’éducation pour la santé en milieu scolaire, ses travaux et recherches, depuis de nombreuses années, lui ont permis d’avancer que « la problématique était identique à ce que l’on trouve ailleurs ». Ses interventions ont bien entendu poussé de nombreuses portes surtout lorsqu’il avance que « Le bien-être à l’école passe par l’apprentissage de la tolérance et du respect de la différence » ou qu’il faut « arriver à se construire tous ensemble. »

Sur le plan Do Kamo, le spécialiste a avoué qu’il était très complet et qu’il s’agissait « d’un plan de nouvelle génération. On s’occupe non pas de comment vont agir les institutions, mais de comment vont agir les gens. Ce qui est essentiel ». Pour lui, garantir une bonne santé en milieu scolaire, passe par « la mise en place d’une politique territoriale de santé à l’école renforcée, d’une charte qualité et d’indicateurs, il faut construire un cadre de vie adapté, un plan de formation. »

Didier Jourdan a tenu à préciser que la politique de santé à l’école vise à la création d’un environnement et d’un climat scolaire favorables à la santé de tous les élèves. Au moyen, par exemple, d’un parcours éducatif santé, en offrant un environnement physique de qualité.

Pour conclure et comme il l’écrit dans son rapport sur la santé des enfants remis aux ministères de l’Éducation et de la Santé : « Le défi de notre génération est celui de la réussite de tous les élèves. Nous ne pouvons accepter de laisser certains de nos jeunes au bord du chemin ! Faire vivre au quotidien, dans les actes, une école efficace, bienveillante et inclusive doit se situer au cœur de nos préoccupations. La politique éducative de santé constitue l’armature de ce projet. »
Le message est clair. Aux acteurs territoriaux maintenant de se concerter, d’où ces séminaires, pour mettre rapidement en place un projet d’éducation pour la santé en milieu scolaire.


La santé de nos jeunes

Près de 60 % des jeunes Calédoniens ont déjà expérimenté l’alcool et 40 % en ont consommé dans les 30 jours. C’est en province Nord que la consommation est la plus répandue (44 %). La quantité consommée augmente avec l’âge, 11 % des 10-12 ans consomment occasionnellement de l’alcool, ils sont 60 % des 16- 18 ans. 38 % avouent être montés récemment dans un véhicule alors que le conducteur avait consommé de l’alcool.

Concernant, le kava, la consommation chez les jeunes est marginale (13 % déclarent en avoir déjà consommé et 5 % dans les 30 jours.) Pour la cigarette, si près de trois quart des jeunes avouent être exposés au tabagisme de leur entourage, un jeune sur deux a déjà fumé une cigarette, une proportion nettement plus élevée que d’autres pays (ex : 36 % en Nouvelle-Zélande et 22 % aux Fidji).

Enfin, pour le cannabis, environ 20 % des 10-18 ans déclarent en avoir déjà fumé et 14 % rapportent en avoir consommé au cours du mois précédent. 26 % des 16-18 ans déclarent fumer du cannabis de manière régulière.

Pour l’obésité, 7,8 % des enfants de 6 ans, 11,4 % des enfants de 9 ans et 20,5 % des enfants de 12 ans sont obèses en Nouvelle-Calédonie.


Didier Jourdan

Professeur et chercheur universitaire, il est l’auteur de 400 publications, articles dans des revues internationales référencées, livres, communications scientifiques, revues destinées aux professionnels de la santé, de l’éducation et de la formation. À la demande des ex-ministres de l’Éducation et de la Santé, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine, il a apporté sa contribution au renouvellement de la politique d’éducation à la santé au travers d’un rapport concernant les enfants et les adolescents. Il est également à l’origine de la création du réseau des universités pour la recherche et la formation en éducation à la santé (UNIRES). Il a été directeur de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) de Clermont-Ferrand. Au niveau international, Il a été coprésident du comité scientifique de la conférence de haut niveau de l’OMS, à Paris, en décembre 2016 et il est à l’origine de la création de la chaire Unesco « Écoles, éducation et santé ».

C.Sch