L’Agence rurale sur les rails

Les élus du Congrès ont voté la création de l’Agence rurale, le jeudi 14 juin. Fusion de l’Apican et de l’Erpa, elle aura la charge des missions de ces deux établissements publics auxquelles s’ajouteront les compétences en matière de gestion de l’eau et des feux de forêt.

La création de l’Agence rurale marquera la disparition de l’Apican et de l’Erpa, ces deux établissements publics chargés de l’indemnisation des agriculteurs en cas de calamités agricoles et de la régulation des prix. Elle aura également deux nouvelles missions autour de l’eau et des feux de forêt. Si les élus du Congrès ont voté sa création, l’agence a été la cible de certaines critiques, notamment des indépendantistes qui reprochent au gouvernement de ne pas suffisamment tenir compte des petits exploitants vivriers.
Mais les élus du Congrès n’ont pas été les seuls à produire des critiques, l’Autorité de la concurrence et le Conseil économique, social et environnemental avaient également formulés un certain nombre de recommandations. La plupart ont été retenus par le gouvernement dans son projet de délibération, comme l’ont fait ressortir les échanges en commission de l’agriculture et de la pêche.

La composition du conseil d’administration de l’établissement public a notamment été revue pour associer des représentants de la société civile et des professionnels. Un manque pour le moins étonnant, pointé autant par le Cese que l’Autorité de la concurrence et à l’origine de dysfonctionnements, les élus n’étant pas nécessairement les mieux placés pour assurer l’équilibre des différents intérêts. Comme le soulignait également l’Autorité de la concurrence, aucune référence n’était faite à l’intérêt général qui doit pourtant sous-tendre les politiques publiques.

Assurer la régulation des prix

L’Agence, qui devrait être mise en œuvre au 1er janvier 2019, aura pour mission d’assurer la régulation des prix, élément important du soutien aux agriculteurs. Elle est également un point clef pour permettre l’accès des Calédoniens à des fruits et légumes frais au meilleur prix. Le rapport de l’Autorité de la concurrence a notamment pointé les imperfections du système actuel sur déclaration qui ne garantit pas toujours une bonne adéquation entre l’offre et la demande, génère des prix élevés et ne permet pas d’éviter les pénuries.

Mais au-delà de ses missions classiques, l’Agence rurale aura également pour prérogative d’assurer une meilleure gestion de l’eau qui est à la base d’une agriculture compétitive. Plusieurs projets sont en cours afin de faciliter l’accès à l’eau pour les agriculteurs, au travers de retenues collinaires ou encore de barrages. Le travail engagé pour la définition d’une politique de l’eau devrait permettre d’éclairer les orientations de l’agence. De la même façon, la gestion des feux de forêt, qui impactent chaque année lourdement le territoire calédonien et d’une manière directe ou indirecte le secteur agricole, sera confiée à l’établissement public.
Mais le tout premier effet qui devrait être visible rapidement après la mise en place de l’Agence rurale seront les économies réalisées sur les charges de personnel au travers du regroupement des équipes de l’Apican et de l’Erpa au siège de ce dernier, à Ducos. Selon les prévisions du gouvernement, les économies attendues devraient être de l’ordre de 100 millions de francs par an.

Une redéfinition nécessaire des politiques publiques

Si l’Agence a vocation à devenir un guichet unique pour les agriculteurs et à simplifier leurs démarches, la répartition des compétences en matière d’agriculture pourrait compliquer son fonctionnement. L’agriculture relevant de la responsabilité des provinces, il sera indispensable de trouver des points de convergence afin d’harmoniser les politiques publiques qui ont des objectifs différents selon que l’on se situe dans en province Nord, des Îles ou Sud. Si elle n’y répond que partiellement, la création de l’agence répond à cet enjeu crucial de construire des politiques à l’échelle du territoire et que complique grandement la provincialisation. Si cette dernière a été une réponse à des oppositions politiques, elle montre aujourd’hui toutes ses limites pour assurer la poursuite du développement de la Nouvelle-Calédonie.

Et la révision des politiques publiques n’est pas un détail. Chaque année, elles coûtent l’équivalent de la richesse produite par l’agriculture calédonienne. En d’autres termes, pour parvenir à produire 100 francs de produits agricoles, les collectivités doivent injecter 100 francs dans l’agriculture. Un niveau de subventions trop élevé qui ne fonctionne pas et ne sert pas l’intérêt des consommateurs, comme ont pu le montrer de nombreuses études, notamment eu Europe. Une autre direction, plus efficace et moins gourmande en argent public devra être déterminée pour parvenir à l’objectif d’autosuffisance alimentaire dont la Nouvelle-Calédonie est encore bien loin.

M.D.