La TGC à nouveau reportée ?

Les dernières réunions autour de la TGC laissent entrevoir un nouveau report de la mise en œuvre de la taxe générale sur la consommation. Souhaitable pour les uns, impensable pour les autres, le renvoi au 1er janvier 2019 de la TGC pourrait engendrer un climat social tendu.

Le bruit courait depuis maintenant quelques mois. La TGC, fruit des accords économiques sociaux signés dans la foulée des fortes mobilisations syndicales contre la vie chère de 2013, allait être reportée. En 2016, les membres de l’intersyndicale s’étaient à nouveau mobilisés devant le Congrès pour soutenir l’adoption du texte. C’est désormais son déploiement au 1er juillet qui est remis en cause. La réunion de collégialité du gouvernement du mardi 10 avril est venue lever les derniers doutes.

Le gouvernement envisage bien un report de la mise en œuvre de la TGC au 1er janvier 2019. Un projet de loi a été adopté en ce sens, mardi matin, par une majorité (*). L’exécutif estime que les conditions pour une bonne application de la loi ne sont pas réunies.

Le fond du problème réside dans l’arrêt des discussions autour de la compétitivité. Cette loi, votée en même temps que celle sur la TGC, avait pour but d’éviter l’effet inflationniste, souvent observé lors de l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée. L’idée était de travailler sur deux volets : la compétitivité par filière et la compétitivité sociale. Les divergences entre syndicats et mouvement patronal se sont rapidement faites sentir.

Nouvelles hausses de prix difficilement supportables

Dans un tel contexte et sans accord de compétitivité, l’application de la TGC conduirait presque assurément à une nouvelle hausse des prix. Elle viendrait s’ajouter à une inflation relativement élevée, alors que la croissance est plutôt atone. Entre février 2106 et 2017, le niveau des prix a progressé de 1,7 % (En remontant un peu, on observe que le niveau des prix a progressé de près de 8,5 % entre 2010 et 2018).

Si l’on peut attribuer une part de responsabilité de cette dégradation récente du pouvoir d’achat à la marche à blanc de la TGC, elle ne peut être que partielle. Les taux réduits étant de 0,25 %, 0,35 %, 0,5 % et 1 %. Reste que l’analyse est difficile du fait du manque de données. Les derniers chiffres proposés par l’Institut de la statistique et des études économiques en matière de croissance, par exemple, remontent à 2015 et sont des données provisoires.

Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement et les élus dans leur ensemble auront du mal à expliquer à la population une nouvelle hausse du coût de la vie en lien avec l’adoption d’un texte censé lutter contre la vie chère et, qui plus est, quatre mois avant la tenue du référendum. Ce scénario pourrait conduire à une mobilisation sociale importante. Dans le même temps, l’intersyndicale souligne le fait que ses membres refuseront tout coup de canif dans le calendrier, expliquant que l’ensemble des acteurs a eu le temps nécessaire pour se préparer. Un tel report pourrait donc bien rimer avec un appel à la grève générale.

Le gouvernement dans une situation délicate

Le maintien de la date est partagé par le Medef-NC. Le mouvement patronal souhaite l’instauration de la TGC et redoute que ce nouveau délai se traduise par un nouvel enterrement de la réforme. Mais la convergence des points de vue des syndicats et du patronat s’arrête là. Sur la question de la compétitivité, le patronat assure avoir fait sa part du travail, en particulier sur la compétitivité des filières. Les discussions ont, en revanche, tourné court sur la compétitivité sociale. Chacun se renvoie la balle.

Si le gouvernement cherche à gagner du temps, c’est surtout pour éviter d’avoir à encadrer les marges des acteurs économiques et de réglementer les prix. Comme le prévoit l’article 19 de la loi sur la compétitivité, si aucun accord n’est trouvé avant le 1er avril 2017, un gel des taux de marge conduisant mécaniquement à une baisse des prix sera appliqué.

Comme le soulignent les organisations patronales, l’application de cet article qui avait tant fait débat au Congrès lors de son adoption, pourrait conduire à de la casse sociale, mais aussi des conséquences sur l’investissement. Philippe Germain en convient, l’application stricte de cet article pourrait se traduire par des destructions d’emplois sans que l’on puisse toutefois savoir dans quelle mesure.

Afin d’éviter cette casse, Philippe Germain indique que l’on pourrait toujours imaginer un encadrement uniquement sur les « secteurs stratégiques » peu concurrentiels, autrement dit les produits de grande consommation et les pièces détachées pour l’automobile. Le président du gouvernement se retrouve donc dans une position plutôt inconfortable : d’un côté, les patrons demandent à ce qu’on leur fasse confiance pour éviter une inflation et de l’autre, les syndicats réclament tout simplement l’application de l’article 19. La volonté du gouvernement de relancer les discussions autour d’accords de compétitivité semble vaine. Une nouvelle réunion se tiendra vendredi et permettra d’en dire davantage.

Dans tous les cas, ce sera au Congrès de décider, in fine, si la loi doit s’appliquer au 1er juillet ou si elle doit être reportée au 1er janvier 2019. Quel que soit le cas de figure, tout le monde ne sortira pas indemne de cette réforme. Selon les situations, les entreprises pourraient voir chuter leurs résultats et les syndicats jouent d’une certaine manière leur crédibilité auprès de bases militantes, de moins en moins convaincues, tout comme les élus de la classe politique. En cas d’échec, les consommateurs et les salariés pourraient enfin être les dindons d’une triste farce d’une réforme sur laquelle des gouvernements travaillent depuis plus d’une dizaine d’années.

M.D.

©AFP