La musique une drogue « saine »

Si la musique adoucit les mœurs, ses pouvoirs thérapeutiques sont également reconnus depuis plusieurs années. Utilisée dans le milieu hospitalier via l’application Music Care, elle calme la douleur et réduit les états d’anxiété. Mais des chercheurs vont plus loin en avançant que la musique agit sur notre cerveau comme une drogue, une récompense.

Depuis plusieurs années, la musique est utilisée dans la plupart des hôpitaux, dont le CHT Gaston-Bourret, au Médipôle, via l’application professionnelle Music Care (voir encadré). « De la pédiatrie à la gériatrie en passant par les soins intensifs et palliatifs, nous utilisons de plus en plus la musique. Avec plus de référents au sein de l’hôpital, nous traiterions encore davantage de patients tant la musicothérapie est efficace », précise le docteur Luc Brun, responsable de l’unité d’évaluation et de traitement de la douleur.
Music Care est également proposé lors d’examens lourds, essentiellement en cardiologie, pour calmer le patient et faciliter le travail de l’équipe médicale. Au fil des ans et des résultats, la musicothérapie réduit de 30 % à 50 % la douleur. L’application peut également être utilisée par les professions paramédicales dans le cadre d’un traitement et même pour réparer la mémoire.

Pourquoi la musique ?

La musicothérapie, si elle ne remet pas en cause la consommation de médicaments,présente cependant l’avantage de les réduire considérablement. « Quand je suis de garde en réanimation, j’utilise la musique plutôt que les somnifères et cela fonctionne pour un patient sur deux », avance le docteur Luc Brun. Tous les services de l’hôpital sont unanimes : « La musicothérapie a permis de faire chuter la prise d’hypnotiques, d’anxiolytiques et d’antidépresseurs. »

Mais si on sait que le processus est basé sur l’hypno analgésie, on ignorait comment la musique agissait chimiquement sur le corps et le cerveau. La réponse vient d’être donnée par des chercheurs canadiens au moyen d’une batterie de tests chimiques : la musique active les circuits cérébraux de la récompense. En d’autres termes, la musique « déclenche dans notre cerveau les mêmes mécanismes chimiques que ceux activés par la nourriture, le sexe ou la drogue », selon cette étude publiée dans Scientific Reports.

Dans ces recherches menées par le Pr Levitin de l’Université McGill, à Montréal, les scientifiques sont allés plus loin en arrivant à bloquer les effets de la musique en administrant aux patients des médicaments prescrits contre les dépendances. Les chercheurs pouvant en conclure que la musique agissait sur notre cerveau comme une drogue.

Pas de risque pour la santé

Quand on parle de drogue, on envisage inévitablement des risques pour notre santé. Pour les psychiatres, comme le Dr Karila, de l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif, et porte- parole de SOS Addiction, « cette découverte ne m’étonne pas. Mais on sait qu’il n’y a aucun risque sur leur santé, car l’envie irrépressible d’écouter du son est toujours contrôlée ». Les chercheurs canadiens ont donc appuyé leurs résultats en confirmant que la musique agit certes comme les substances d’une drogue, mais ce ne sont pas les mêmes. Ils parlent ici d’un effet qui agirait sur notre cerveau chimiquement un peu comme les sensations de la récompense.

La musique est donc bonne pour notre santé. Elle a déjà prouvé qu’elle aide à réduire la douleur, soulage les patients lors d’interventions lourdes, aide dans le traitement des cancers et on sait désormais qu’elle nous donne les mêmes sensations que celui d’être récompensé. Le seul risque d’écouter de la musique étant celui de devenir sourd si les décibels ne sont pas limités.


La musicothérapie

Cette thérapie utilise les propriétés de la musique comme support afin de rétablir, maintenir ou améliorer les capacités sociales, mentales et physiques d’une personne. Elle entre dans le champ des thérapies à médiation musicale et diffère des techniques dites « psychomusicales » qui touchent le domaine de la relaxation. En France, les études concernant l’action de la musique sur le corps sont récentes. Le premier congrès mondial de musicothérapie a eu lieu en 1974, à l’hôpital de la Salpêtrière.


Music Care

Il s’agit d’une application professionnelle téléchargeable sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone, les patients étant épaulés par le personnel soignant de l’hôpital. Le cœur de ce processus est basé sur l’hypno analgésie, la musique remplaçant la parole pour soulager la douleur. Stéphane Guétin, son concepteur, qui vient fréquemment sur le territoire, explique que la musique « agit directement sur les zones de récompense du cerveau. Il est prouvé que musique stimule la production des endorphines, de la dopamine et réduit celle de mélatonine ». Au final, le patient voit sa douleur se réduire via une stimulation de ses neurotransmetteurs. Music Care est d’abord proposée à l’hôpital, dans le cadre d’un protocole médical, puis le patient y a accès depuis chez lui afin de poursuivre le traitement.

C.SCH