La géolocalisation des téléphones bientôt possible

Une révolution pour les enquêtes judiciaires à l’échelle du Caillou : l’OPT va enfin implanter un système rendant possible la géolocalisation en temps réel des téléphones mobiles, une technique qui existe ailleurs depuis une quinzaine d’années. Elle permettra de trouver plus facilement les délinquants, mais aussi les victimes ou les fugueurs.

Face à la hausse des faits de délinquance (+27,6 % entre 2016 et 2017), l’OPT, seul opérateur du territoire et naturellement porteur de missions de service public, va investir pour venir en aide à la justice. Depuis des années, celle-ci réclamait pour ses enquêtes une solution de localisation des téléphones via le réseau mobile, mais aucun accord n’avait pu être trouvé pour le financement du système et son implémentation sur le réseau actuel, une opération évaluée entre 60 et 100 millions de francs.

Les priorités de l’Office ont évolué et le principe est désormais acquis, a assuré Gaël Yanno. Et sous réserve de l’accord du conseil d’administration, dont il est le président, la géolocalisation sera rendue possible au premier trimestre 2019, voire « avant, si c’est possible ». Seul le niveau de précision de la géolocalisation reste encore à déterminer par la justice et l’OPT.

Disparitions, délinquance, terrorisme

Plusieurs solutions techniques existent en matière de géolocalisation. Concrètement, l’OPT va proposer à son conseil d’administration de mettre en place des fonctionnalités sur ses équipements existants (3G, 4G, …) qui permettront – via une interface – d’apporter des données brutes au ministère public. Il s’agira de relier le réseau technique de l’OPT avec le logiciel des forces de l’ordre, déjà existant en Métropole. Sur réquisition signée du procureur, les enquêteurs pourront ainsi, sans l’intervention de l’OPT, choisir un numéro de téléphone et le mettre sous localisation. Ils pourront suivre l’abonné en temps réel, connaître ses déplacements passés, le tout même hors communication et ce quel que soit le type de téléphone.

La nouvelle est forcément bien accueillie par la justice et les forces de l’ordre dont le travail va être grandement facilité. « Cela va dans le sens de l’histoire, du développement de la police technique et scientifique, après l’utilisation de l’ADN et des empreintes digitales qui sont maintenant parfaitement connues. La téléphonie va être un outil de plus », commente le procureur de la République, Alexis Bouroz. Outre les délinquants, la géolocalisation permettra de retrouver les personnes en danger (fugues, Alzheimer, personnes suicidaires ou séquestrées…), ou perdues dans la nature.

Le procureur ajoute que cet outil devient indispensable dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. « Les enjeux sont tels qu’on ne peut pas se permettre sur un territoire de ne pas disposer de ce type d’outils puisque le danger ne peut que s’accentuer à mon avis ».

Philippe Gervolino, directeur général de l’OPT, Alexis Bouroz, procureur de la Répubique et Gaël Yanno, président du conseil d’administration de l’OPT.

Téléphone grave danger (TGD)

L’OPT va par ailleurs s’impliquer dans un autre système de géolocalisation, cette fois « volontaire », qui permettra de lutter contre les agressions dont sont victimes les femmes en Nouvelle-Calédonie. L’Office collabore avec le groupe de travail piloté par la Nouvelle- Calédonie pour la mise en place du dispositif TGD, Téléphone grave danger, dont la généralisation a été décidée en avril 2013 par le ministère de la Justice et celui des Droits des femmes et au sujet duquel la Nouvelle- Calédonie restait une « exception ». Le procureur de la République pourra ici décider d’attribuer aux personnes particulièrement vulnérables, victimes de violences, notamment conjugales, qui le souhaitent, pour une durée de six mois renouvelable, un téléphone mobile un peu particulier.

Le TGD dispose en effet d’un bouton d’urgence vers un service de téléassistance accessible 7j/7 et 24h/24, avec géolocalisation automatique pour alerter – même sans parler – les autorités compétentes. Une plateforme téléphonique reçoit les appels et évalue la situation. Le téléassistant, relié par un canal dédié aux services de la police nationale et aux unités de la gendarmerie, peut ensuite demander l’intervention des forces de l’ordre et permettre de sauver des personnes ou d’interpeller les auteurs sur les lieux. Avec 25 % des femmes victimes de violences sur le territoire, on ne peut une nouvelle fois que se réjouir de la mise en œuvre d’un tel dispositif.


L’OPT va plus loin

Outre ces avancées notoires assurées en partenariat avec la justice, l’Office des postes et télécommunications collabore avec la CCI-NC sur le dispositif « Alerte commerce et entreprises », qui permet de prévenir par SMS les professionnels en cas de méfaits commis dans leur commune.

D’abord instauré à Nouméa en 2014, puis Bourail en 2016, il est en cours d’extension sur l’ensemble des communes, compte tenu de l’évolution de la délinquance. Et alors que les coûts liés à un éventuel accroissement du trafic SMS n’incombent pas aux collectivités, l’OPT va prendre à sa charge l’ensemble du trafic généré par le dispositif.

Enfin, décidément sensibilisé à la sécurité publique, l’OPT, sollicité par le haut-commissariat de la République, va libérer 160 mètres carrés dans l’immeuble Porcheron, avenue Foch, pour l’agrandissement des locaux de la police, en mal de place en particulier dans ses cellules de dégrisement…

C.Maingourd ©C.M./AFP