Emmanuel Macron – Marine Le Pen : inédit mais prévisible!

Jean-Luc Mélenchon rêvait d’une Vie République, les électeurs français lui ont fait un pied de nez en régénérant la Ve du général de Gaulle et en excluant tout simplement du second tour de la présidentielle, ensemble, tous les partis de gouvernement qui se sont succédé depuis 1958. Une révolution : oui, mais dans les urnes.

C’est maintenant clair, le ou la prochaine locataire de l’Élysée n’appartiendra à aucune écurie des partis de gouvernement traditionnels qui ont fait naufrage au premier tour de l’élection présidentielle. C’est une première : ni la droite républicaine, ni la gauche réformatrice ne seront au second tour de scrutin. Exclues l’une et l’autre, d’un même mouvement de rejet de l’opinion, elles obligent les commentateurs à revoir toutes leurs grilles de lecture politique et à repenser les codes de l’alternance gauche / droite. « Le couperet de la guillotine électorale s’est abattu sur le bipartisme tel que nous le connaissions depuis 30 ans », commente le tranchant éditorialiste de La Dépêche de Toulouse. Et il a raison. Les chiffres sont sans appel, Marine Le Pen (21,3% au premier tour) contre Emmanuel Macron (24,01%) : l’affiche est inédite. Mais c’était ce que prévoyaient tous les sondages depuis plus de trois mois. Cette fois au moins, leur méthode des quotas a fonctionné. C’est à noter. Pour prévisible qu’il fût, le scrutin de dimanche invite à l’échelon national à quelques réflexions.

Les partis classiques de gouvernement sont hors course. Sorti des chantiers de l’ère mitterrandienne, le Parti socialiste était une belle machine à régner, sinon à gouverner. Il avait encore suffisamment de tirant d’eau pour faire élire un François Hollande en 2012. Le voilà, barré par Hamon, échoué à 6,36 % des suffrages. En vrac, privé de son aile réformatrice, qui est allée tâter du Macron, et de son aile gauche, désormais « insoumise » aux côtés de Mélenchon. Prêt à sombrer, si quelqu’un en reprend le gouvernail. Et qui ? Surtout à un mois des législatives. À moins que l’avenir du PS ne se lise dans les ralliements au candidat Macron qui pourrait en assurer la survie post mortem, tant il est désormais évident que l’aventure Hollande se poursuivra dans l’errance Macron.

La droite républicaine n’est pas mieux.

Exclue de la liste des reçus au second tour pour la première fois de son histoire, elle s’apprête à dire : « Merci qui ? Merci Fillon ». Il y a six mois, chacun en convenait : la droite parlementaire, qui avait sorti François Fillon de son chapeau des primaires, ne pouvait pas être battue au scrutin présidentiel. Et puis quoi ? Quelque 20 % des suffrages après et le candidat des Républicains qui se faisait payer ses costards obligent la droite à se rhabiller à la hâte pour ne pas prendre de veste aux législatives. Eric Woerth se délecte en affirmant : « Ce n’est pas la droite qui a perdu, c’est Fillon ! ». Et de fait, 24 heures après sa défaite qui le disqualifiait, François Fillon estimait « ne plus avoir la légitimité pour conduire le parti aux législatives » et s’effaçait du dispositif électoral des Républicains. La guerre de succession est donc ouverte. Mais la direction du mouvement devrait s’assumer collégialement, du moins provisoirement. Certains espèrent même que Nicolas Sarkozy rentre à nouveau dans le jeu, dans la perspective d’imposer sa majorité parlementaire au nouveau locataire de l’Élysée…

Car, et c’est le point faible qui rassemble Emmanuel Macron et Marine Le Pen, chacun aura besoin, s’il est élu, d’une majorité sur laquelle s’appuyer en juin prochain. Sur le papier, la tâche apparaît plus aisée pour Macron, qui engrange les ralliements. Mais ce sont les électeurs qui décideront et ils peuvent choisir de placer l’une ou l’autre en cohabitation difficile. Le point qui va les opposer sera, d’un côté, le rapport qu’ils entretiennent à la sécurité, l’immigration et le terrorisme et à l’Europe, de l’autre. « Mondialisation contre patriotisme des frontières », comme le résumait lundi l’éditorialiste du Monde ? Caricatural, mais pas faux. Le Pen ou Macron, chacun des prétendants a été qualifié pour le second tour de la présidentielle avec moins d’un quart des suffrages exprimés : ils ont une quinzaine de jours pour élargir leurs assises électorales et le « plus » ou « moins » d’Europe sera nécessairement au cœur du débat. À se demander si ce n’est pas François Hollande, président hors sol depuis dimanche dernier, qui aurait gagné ce premier tour, lui qui appelle aujourd’hui à voter Macron au second, avec une certaine sympathie et sûrement autant d’amertume.

M.Sp