Être reconnu pour se reconstruire

Stéphane Roques se bat maintenant depuis plus d’un an pour être reconnu en tant que victime. Ce Montdorien avait été frôlé par une balle en février 2017 au cours des derniers événements de Saint-Louis. Profondément choqué, cet homme essaie aujourd’hui de se reconstruire.

Il est 7 h 45, ce dimanche 19 février lorsque Stéphane Roques rentre chez lui au Mont-Dore Sud. Depuis la mort de William Decoiré, les blocages, les caillassages et les tirs sur les véhicules se multiplient sans que les forces de l’ordre ne parviennent à ramener le calme dans la tribu de Saint-Louis. Alors qu’il passe au niveau de la tribu, il sent comme une douleur à la tête. Il ne le saura qu’un peu plus tard, il vient d’échapper à la mort. La douleur était en fait une balle qui lui a frôlé la tête. Il va voir les gendarmes en poste et effectue une première déposition. Un peu plus tard, les gendarmes se présentent à son domicile pour lui faire signer les documents et une réquisition du médecin judiciaire. Ce dernier conclura à une forte abrasion sur le crâne due à un projectile à grande vitesse.

Sur le coup, Stéphane Roques ne réalise pas bien ce qui vient de lui arriver. La demande d’un « responsable des renseignements généraux » de se taire ne l’étonne pas plus que ça, étant donné le contexte pour le moins tendu. Sur les conseils de l’association Citoyen Mondorien, il se rend toutefois chez la psychologue qui tient une permanence le mardi, à Plum. C’est là qu’il prend conscience de ce qui lui est arrivé. Il accuse le coup et, sur les conseils de la psychologue, se rend chez un psychiatre. Ce dernier lui donne un arrêt maladie de 45 jours.

S’il a toujours du mal aujourd’hui, pendant près de deux mois, Stéphane Roques sera incapable de passer devant Saint-Louis et donc de quitter le sud du Mont-Dore. Au mois de septembre, sa plainte nit par être traitée par la justice. Elle est classée sans suite faute d’avoir retrouvé le tireur. Sous antidépresseurs et avec dix kilos de moins, il décide de relancer l’association pour l’accès au droit et d’aide aux victimes a n d’être reconnu comme victime, notamment parce que travailler lui est devenu difficile.

De longues procédures

En janvier, il reçoit néanmoins un courrier qui lui précise que son dossier est rejeté faute d’agresseur, de balle et, selon la déclaration des gendarmes passés lui faire signer son procès- verbal, du fait que Stéphane Roques paraissait totalement sain d’esprit le jour de l’accident.

Aujourd’hui, il a repris le travail tant bien que mal. Mais son état psychologique l’empêche d’exercer une activité normale et l’a conduit dans une situation financière délicate au point que sa société a dû être mise en liquidation. Être reconnu comme une victime lui permettrait d’être indemnisé, mais dans le fond, ce qui motive Stéphane Roques, c’est avant tout de pouvoir avancer et digérer cet épisode.

Pour lui, le fait de ne pas être reconnu comme tel relève tout simplement de l’injustice. Et il n’était pas le seul dans ce cas. L’association Citoyen Mondorien a recensé entre 70 et 80 victimes. Aujourd’hui, il resterait seulement deux dossiers en cours, dont celui de Stéphane Roques. Le temps a fait son œuvre et par découragement, l’immense majorité des personnes est passée à autre chose. Après deux autres procédures, le dossier devait une nouvelle fois être étudié par la justice le jeudi 24 mai. En attendant, il lui reste le goût amer d’être délaissé et isolé, mais aussi l’incompréhension de ce manque de reconnaissance de la part de l’État et la justice.

M.D