Daniel Goa durcit le ton, mate ses « frondeurs » et retrouve la présidence

Il était absent du Comité des signataires, certainement absorbé par la municipale de Hienghène, Roch Wamytan lui avait volé la vedette sur les marches de Matignon. Contesté à la tête de l’UC, on le disait vacillant sur son fauteuil de président et les appétits s’aiguisaient. Mais retournement de situation le week-end dernier à Ko We Kara : Daniel Goa retrouve la présidence du plus vieux parti de Calédonie, en lui administrant un formidable tour de vis à gauche.

Soyons clairs. – À l’approche du référendum, il ne fallait pas s’attendre à autre chose. Chaque camp allait se réfugier dans les bastions les plus inexpugnables de leur pensée. S’y réfugier. Et attendre la faute de l’adversaire : indépendantiste ou non. La feinte de ce dernier congrès de l’Union calédonienne, c’est qu’écarté du Comité des signataires, Daniel Goa n’a « nullement été engagé » par des conclusions « négociées sans lui ». Aussi, s’est- il senti libre de ses mouvements politiques. Pour les nostalgiques de l’époque Charly Pidjot pourtant, l’occasion semblait rêvée de se débarrasser de « l’apparatchik » Daniel Goa, pour, disaient-ils, « donner un peu d’air au parti ». Au final, leur tragédie a été scellée en trois actes.

1er acte : durcir le ton. – Ouverture du congrès de l’UC à Ko We Kara, Daniel Goa surprend les quelque 200 militants par un discours des plus offensifs et durcit le ton comme jamais : « Mes amis, nous voyons enfin poindre une lumière sur le chemin bordé d’ombres que la cécité coloniale nous empêche de voir depuis 164 ans ! » Le référendum de 2018 en ligne de mire, il s’en prend à l’État colonial qu’il rebaptise pour l’occasion « puissance administrante » et prévient : « Cette consultation référendaire ne sera pas sans conséquence sur notre avenir et notre identité confisquée. Ni perdants ni vainqueurs dans cette consultation qui nous mène irrémédiablement vers la souveraineté. Désormais, c’est nous qui dirons la règle ! Rien ne sera plus pareil au lendemain du référendum, les indépendantistes ne seront plus liés par leur parole… »

2e acte : « Niet à tout accord ». – Tout aussi fier à bras et désireux de reconquérir l’aile gauche la plus contestataire de son parti, Daniel Goa assène à ceux qui, comme lui, n’ont pas participé aux discussions du Comité des signataires devant le président de la République, puis devant son Premier ministre : « Ceux qui veulent un nouvel accord, c’est niet ! Il serait bien inutile et improductif pour les jeunes générations qui viennent. Et nous ne les engagerons pas dans cet avenir à horizon limité. » Ainsi et dans la même tirade, le patron de l’UC affranchit toute la jeunesse kanak des violences sociales et des débordements auxquels l’approche du référendum, qui a bon dos, pourrait les conduire. Pour Daniel Goa, la responsabilité est uniquement imputable à l’État : « Le droit électoral est une compétence régalienne de l’État colonisateur qui doit s’organiser lui-même pour que ce scrutin soit sincère et incontestable. » Et de prévenir : « Le moment venu, si nécessaire, nous pointerons devant la communauté internationale les manquements, les dessous et les travers d’un État passéiste qui ne tient pas parole et se cramponne à des schémas réducteurs d’antan ». Sous-entendu : si le résultat du référendum ne nous convient pas, nous en contesterons la validité !

3e Acte : écraser les frondeurs. – En clair : ce sera l’indépendance ou rien. La messe est dite. Ou plus exactement, provisoirement dite. Car le durcissement du discours de Daniel Goa était surtout à portée interne et visait les « frondeurs » de l’UC, lesquels recherchaient une figure moins « obsolète » que celle de Daniel Goa pour les conduire au référendum. Privés de leurs marges de manœuvre par ce virage à gauche (on ne revient pas sur l’indépendance à tout prix, quand on est indépendantiste !) les frondeurs ne peuvent qu’encaisser leur défaite : 27 suffrages pour Gilbert Tyuienon, 33 pour Christian Téin et 134 voix (sur 194 exprimées) pour Daniel Goa.

Sans appel. – Le score est sans appel. Daniel Goa peut se rassoir sans complexe pour un an dans son fauteuil de président de l’Union calédonienne. Pour l’unité du mouvement et le soutien du clan Wamytan au président réélu, on repassera.


Gérard Reignier dégagé !

Figure tutélaire du secrétariat géné- ral de l’Union calédonienne tant et si bien qu’on le croyait indéboulon- nable, Gérard Reignier a été débar- qué de son poste au profit de Philippe Ajapuhnya, un ex-adjoint. Certaine- ment jugé trop proche de la ligne Wamytan, qu’il avait accompagné au Comité des signataires, Gérard Rei- gnier a pourtant porté la parole de l’UC et souvent du FLNKS avec une rare compétence et toujours beaucoup de justesse et d’à-propos dans les mots qu’il sait choisir, pour ne rien ajouter, ni retirer aux paroles des élus. Daniel Goa prive l’UC de l’un de ses meilleurs communicants. Le sait-il ?

M.Sp.