Cette souveraineté que nous prépare le FLNKS

À quinze mois du référendum, les indépendantistes avancent leurs pions et depuis le dernier bureau politique du FLNKS, on en sait un peu plus sur leur projet de société. Pas l’essentiel, comme les modes de scrutin ou les mannes financières à trouver, mais un espace de dialogue se dessine peut- être, pour l’après-2018…

« Portrait-robot » d’un futur État. – Partagée ou non, la souveraineté, c’est l’indépendance ! Ce n’est pas le FLNKS qui dirait le contraire. Le front indépendantiste l’explique d’ailleurs, dans un petit fascicule de 16 pages très colorées, au format poche et pudiquement intitulé « Le projet du FLNKS Kanaky-Nouvelle- Calédonie souveraine ». Une synthèse de « plusieurs mois de travail », dit-on au résultat succinct, qui permet néanmoins de dresser un portrait-robot du futur État auquel aspirent les formations indépendantistes. Qui ont toutes délégué deux représentants à ce « groupe de travail » pour en dresser les contours.

À l’anglo-saxonne. – Si l’on met de côté tous les aspect fiscaux et financiers qui permettent à un État souverain d’exister sur la scène internationale, Kanaky-Nouvelle-Calédonie réitère toutes les promesses de l’Accord de Nouméa, rajoute une pincée de laïcité et un bon zeste de socialisme : « La valeur jamais oubliée des anciens », lit-on. Pour son mode de fonctionnement institutionnel, les indépendantistes ne sont pas allés chercher loin et s’inspirent des démocraties anglo-saxonnes.

Un Premier ministre aux commandes. – Après la France, « forcément impliquée dans le processus parce qu’État colonisateur » (sous- entendu, continuant à payer !), le nouveau pays virtuel obéirait aux critères d’une démocratie parlementaire. Un Président élu au suffrage universel, mais sans réel pouvoir. Deux assemblées : le Congrès pour édicter les lois, le Sénat (une forme de Sénat coutumier élargi, promet-on « aux autres communautés ») tiendrait lieu de Haute Assemblée. L’exécutif serait aux mains d’un Premier ministre, élu a priori par un collège des deux chambres. Rien de vraiment nouveau. Mais une rupture avec le modèle de démocratie présidentielle, que l’on connaît en France depuis le général de Gaulle et la Constitution de 1958.

Mais qui pour payer ? – Après l’indépendance, le projet du FLNKS prévoit aussi de conserver le CFP comme monnaie (indexé sur l’euro ?) et de créer une « armée nationale, dimensionnée selon nos besoins », précise le petit livret. Pour le reste, par exemple, la couverture de la zone océane, les rédacteurs évoquent « des accords négociés soit avec la France, soit avec les autres pays de la région Pacifique ». En somme, la réflexion, peut-être aboutie sur le plan institutionnel, bute encore et toujours sur le même principe de réalité : qui pour former ? Qui pour payer ?

Un projet flou à dessein. – Plus intrigant encore, le projet du FLNKS est muet sur plusieurs points névralgiques : qui est citoyen et qui le devient ? Qui est électeur et à quels scrutins ? Sur le plan institutionnel : comment sont élus les membres du Congrès ou comment sont désignés les membres du Sénat ? Le projet du FLNKS, « qui a vocation à être amendé » est incomplet et flou sur bien des points… Mais sûrement à dessein.

Un espace pour le dialogue… – Pourtant, il n’en fallait pas davantage pour que les têtes pensantes de la plateforme notent avec dédain ces manques, se moquent des incohérences et confirment le diagnostic d’amateurisme des indépendantistes, diagnostic déjà posé par Philippe Gomès lors des dernières législatives. À y regarder de près, c’est tout l’inverse. « Si nous ne figeons pas à ce stade le mode d’élection, c’est que bien des options restent ouvertes », répondent certaines voix indépendantistes. Un peu, et sans l’exprimer clairement, comme une incitation à franchir la porte des négociations au lendemain du référendum. À condition qu’il soit largement et confortablement gagné par les partisans de la Calédonie dans la France…

M.Sp.

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