Ces entreprises qui optimisent nos ressources

En 2016, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et ses partenaires économiques et institutionnels ont souhaité soutenir des entreprises calédoniennes aux projets innovants, inscrits dans un modèle d’économie dite circulaire. Un modèle qui repose sur l’optimisation des ressources depuis la production jusqu’à la gestion des déchets.

Économie circulaire. Le terme rentre peu à peu dans les esprits et se concrétise doucement. Depuis que l’on s’intéresse à la protection de l’environnement et à notre impact sur la planète, les hommes cherchent un modèle de production et de consommation plus durable, qui pourrait succéder (ou à défaut se juxtaposer) au modèle économique que l’on connaît et qui prévaut depuis la Révolution industrielle, à savoir l’économie dite linéaire (extraire, produire, consommer et jeter).Ce modèle reposait à l’origine sur des ressources abondantes. Il a permis d’accélérer le progrès et à des milliards d’individus d’accéder à une prospérité matérielle. Mais il trouve aujourd’hui ses limites face aux défis environnementaux, d’emploi et d’augmentation de la population. C’est face à ce constat que l’économie circulaire est apparue. Son objectif : passer à un modèle de création de valeur positive sur le plan social, économique mais aussi environnemental.

Soutien à l’éco-conception

« En Nouvelle-Calédonie ce concept a d’autant plus de sens que nous sommes sur une île, juge Claire Tatin, chargée de mission environnement à l’Ademe. Les problématiques liées aux ressources et à la réduction des déchets sont décuplées et l’intérêt encore plus fort. » Entreprises et consommateurs ne sont pas insensibles à ces problématiques et de nouvelles initiatives, publiques ou privées, voient régulièrement le jour. Seulement, estime Claire Tatin, « l’idée que protection de l’environnement ou recyclage peuvent rimer avec intérêt économique a encore du chemin à faire. »

C’est justement pour encourager les initiatives et soutenir des projets pour une meilleure utilisation de nos ressources que l’Ademe a lancé, pour la première fois, un appel à projet ciblant des idées innovantes répondant à plusieurs critères de l’économie circulaire. 12 dossiers ont été déposés et six projets ont été sélectionnés à l’issue d’un comité technique rassemblant l’Ademe, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les provinces, les trois chambres consulaires, l’Adécal et les grappes d’entreprises Synergie, Cap’Agro et Acotred. Les entreprises et artisans lauréats seront accompagnés par le comité technique de l’économie circulaire, en partenariat avec les acteurs locaux sous forme d’aides techniques (expertises, agrandissement des projets, amélioration de la technicité,…) et financières (études, investissements, …).

MVK : une batterie révolutionnaire

Parmi les lauréats, figure Kevin Mu, un professionnel de la rénovation qui a eu une idée assez géniale : créer une batterie unique et durable pouvant convenir à tous les appareils électroportatifs (OEP) (perceuses, visseuses, marteaux-piqueurs, perforateurs, ponceuses, rabots, …) quels que soient leur marque et leur âge grâce à un sabot adaptateur universel.

« Aujourd’hui, les batteries au lithium sont toutes différentes selon les marques et pas compatibles entre elles, explique-t-il. Quant aux anciens outils de plus de sept ou huit ans, ils dépendent de batteries au NiCad ou Nimh, qui sont extrêmement difficiles à trouver. Elles existent en générique, mais elles sont toujours plus polluantes, tiennent moins longtemps et sont plus lourdes. »

Confronté à ce problème de fin de vie des appareils faute de batteries, Kevin Mu a cherché une solution. Et c’est ainsi qu’il a développé, tout seul, de façon artisanale d’abord, un kit comprenant une batterie, un chargeur et un sabot adaptateur convenant à tous les appareils. L’objectif étant de remplacer les batteries obsolètes, les batteries qui ne se fabriquent plus et d’éviter la multiplication des batteries et chargeurs encombrant les ateliers, les chantiers ou les maisons. Et plus largement de contribuer au prolongement de durée de vie des produits et de favoriser leur réemploi.

Le brevet a été déposé et les prototypes sont fonctionnels. Reste à finaliser la partie recherche et développement du projet, en collaboration avec By Engineering, qui pourrait prendre du temps. Accompagné par l’incubateur du pôle innovation de l’Adecal accueilli à l’IRD, Kevin Mu a investi des fonds propres et demandé une subvention de 10 millions de francs de la BPI (Banque publique d’investissement) – Sud Inno et d’autres possibilités pourraient émerger suite à l’appel à projet de l’Ademe. Kevin Mu avait déjà remporté le 3e Prix de l’environnement lors des Trophées de l’entreprise et cette labellisation est aussi la bienvenue.

« C’est une satisfaction professionnelle, parce qu’elle permet d’être remarqué, mais aussi personnelle », confie l’inventeur, sensibilisé à la cause environnementale par sa femme et qui n’imagine le développement de son projet que dans une démarche raisonnée. « On ne peut pas avoir un impact zéro, admet-t-il. Il faudra bien créer ces batteries. Mais l’idée est bien de compenser cette fabrication en luttant contre l’obsolescence programmée des produits. » Pour l’instant, il mène tout de front, sa profession, ce projet, en espérant aussi que le travail paye, qu’il puisse développer une activité rentable, s’étendre à l’international. Une nouvelle preuve que tout cela n’est pas incompatible…

Les autres lauréats

Éco-recycle

Depuis 2014, cette petite structure artisanale démantèle, répare et reconditionne les déchets électroniques, électriques et électroménagers (DEEE) qu’elle remet sur le marché. Les objectifs d’Éco-recycle sont de limiter au maximum la production de déchets électriques et électroniques sur le territoire.

Recy’verre

La société, créée en 2013, est spécialisée dans le broyage des déchets de verre en provenance des points d’apport volontaire installés dans les communes. Recy’verre valorise ces déchets en les transformant en produits utilisables dans l’aménagement paysager et le BTP (sable, granulés, granulats, intrants).

Ressac

L’entreprise fabrique, depuis 2016, des articles de maroquinerie avec des matières premières puisées dans nos déchets.

Métal’morphose

Métal’morphose fabrique des objets d’intérieur et d’exterieur (mobilier design, objets d’art, déco, …) avec des matières premières puisées dans les déchets industriels métalliques.


L’économie circulaire, en bref

Elle est définie comme étant un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité et l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien-être des individus.

En clair, on parle d’optimisation des matières premières, d’absence de gaspillage, de réparation des produits et, plus largement, d’une façon d’appréhender un futur durable. L’économie circulaire diffère en cela de notre modèle actuel, qui repose principalement sur une économie linéaire qui se résume à extraire, produire, consommer et jeter. Elle s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels, dans lesquels l’utilisation des ressources crée à la fois de la valeur économique, sociale et environnementale.

 

C.Maingourd. 

Sources Ademe, Institut de l’économie circulaire.