Anthony Kavanagh : « Ce show est un strip-tease émotionnel »

Le plus Québécois des humoristes sera sur la scène de l’Arène du Sud ce jeudi soir pour un « spectacle d’humour et d’amour », sous forme d’hommage à la vie.

Ce n’est pas la première fois que vous vous déplacez jusqu’en Nouvelle-Calédonie. Quel souvenir gardez-vous de votre premier séjour ?

Je suis venu il y a cinq ans pour un spectacle et j’ai adoré l’expérience, même si c’est à chaque fois trop court. Il y a cinq ans, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’ai trouvé cela magnifique. Il y a une douceur de vivre ici. Nouméa me rappelle la Californie, avec ses maisons, le côté un peu aride, le look des gens… Il n’y a pas de sentiment d’agressivité ou de violence. En tout les cas, je ne le ressens pas. Ce que je vois, c’est un mélange de cultures et des gens qui arrivent à vivre ensemble. C’est ce que j’aime à La Réunion, en Guyane, ici… Ce sont des modèles pour la Métropole. La dernière fois que je suis venu, je suis allé à l’île des Pins, c’est le plus bel endroit que j’ai vu de ma vie. Quand je suis stressé, je ferme les yeux et je me revois dans la piscine naturelle. J’imagine l’eau transparente, le sable blanc, les poissons et les pins tout autour… Et je me sens mieux.

Comment aviez-vous trouvé le public calédonien ?

Hyper chaleureux ! Il y a cinq ans, notre avion avait eu un problème technique. Si on l’avait su une demi-heure avant, on aurait pu refaire un deuxième show sans problème tant la salle s’était remplie vite. Je suis toujours très touché de me retrouver à l’autre bout du monde et de voir que des gens se déplacent pour venir me voir. Ce spectacle-ci n’a été annoncé qu’il y a un mois et les places se sont vendues très vite.

Les shows d’humoristes n’ont pourtant pas manqué ces derniers mois en Nouvelle-Calédonie…

C’est vrai. C’est sûrement parce que les gens ont besoin de rire. Quand on rit, on sécrète des endorphines, ça booste le système immunitaire, ça détend… Il n’y a que des bienfaits. L’humour, c’est formidable. C’est bon pour le cœur, pour la pression artérielle, pour tout à vrai dire.

L’humour, c’est aussi votre arme depuis toujours ?

Oui, j’imagine… C’est l’antidépresseur numéro un. J’ai toujours fait rire mes amis ou mes parents, mais je n’étais pas le clown de la classe. Par exemple, au lycée, je faisais rire le mec à côté de moi qui était la « grande gueule » de la classe. Je l’utilisais comme haut- parleur, il répétait ma vanne à haute voix, puis se faisait mettre dehors. Mais comme je faisais rire mes potes, ce sont eux qui m’ont forcé à participer à un spectacle étudiant au lycée. J’avais 14 ans. C’est ce qui m’a donné envie de faire ce métier. En sortant de scène, je savais que j’avais trouvé ma voie. Je n’avais jamais eu aussi peur de ma vie. J’ai ressenti une vague d’adrénaline, mais aussi beaucoup de plaisir à faire rire tous ces gens dans la salle. Du jour au lendemain, tout le monde me connaissait dans ce lycée de 2 000 élèves. Même les lles, qui étaient au niveau du bac et qui jusque-là n’en avaient rien à faire, ne se comportaient plus de la même façon avec moi.

C’est la rançon du succès ?

En réalité, c’est positif… Et négatif. Cette expérience au lycée a été un microcosme du vrai showbiz et m’a aidé à appréhender plus tard la célébrité. Le Québec, lui, m’a aidé pour la France.

C’est très révélateur des travers de l’être humain. C’est d’ailleurs lui, le sujet de votre spectacle Showman. Pourquoi cet intérêt pour l’homme avec un grand H ?

Avec les années, je me suis scindé en deux, avec d’un côté le personnage public et de l’autre le personnage privé. Je n’ai plus envie de n’être que cet homme-là sur scène. J’ai envie de m’exprimer différemment. À chaque spectacle, il faut se réinventer pour durer. J’ai envie d’être sérieux, même si on rit beaucoup dans ce show. C’est un spectacle d’humour et d’amour. Un hommage à la vie.

Que raconte ce show justement ?

Le spectacle commence après ma mort. Je me retrouve dans une salle d’attente avec le public et je comprends que je suis encore sur scène, l’endroit où j’ai passé le plus de temps dans ma vie. Je m’aperçois que les gens qui sont dans la salle sont des âmes qui vont descendre s’incarner pour la première fois sur Terre. Je leur propose de tricher et de leur ler des tuyaux en leur racontant ce qui m’est arrivé pendant ma vie. Je leur parle de mon aventure humaine, de la famille, du couple, du boulot, du deuil… Tout ce qui fait partie de ce manège qu’on appelle la vie sur Terre, en me basant sur de vraies anecdotes de ma vie personnelle. Je voulais donner de la profondeur au spectacle, sans jouer non plus les donneurs de leçon.

Comment expliquez-vous ce changement d’état d’esprit ?

C’est l’expérience, je pense. Cela fait vingt- huit ans que je fais ce métier. C’est un show d’humour et une conférence en même temps. J’ai envie que les gens sortent du spectacle en ayant ri, mais en étant aussi reconnaissants d’être en vie, d’avoir envie de vivre. Je voulais faire du bien tout en me faisant du bien aussi, car on enseigne toujours ce que l’on a envie d’apprendre.

Aborder un sujet sérieux mais en restant très positif en somme ?

Super positif, oui. Ce n’est que ça ! Je voulais rester dans ce côté positif car il y a beaucoup de cynisme en ce moment, beaucoup de violence. On est inondé par tout cela. Je n’ai rien contre les shows cyniques. Mon dernier spectacle était beaucoup plus caustique. Mais je voulais qu’il y ait de l’amour, que les gens aient chaud au cœur. Tout est question d’équilibre. C’est aussi un pari, car ce show est un strip-tease émotionnel. Le spectacle commence par cette espèce d’arrogance propre à l’humoriste et plus l’histoire avance, plus je retire des couches. À la n, je me retrouve complètement mis à nu, sensible, je parle de vraies sou rances, de deuil. Il y a des gens qui pleurent de rire et d’autres qui pleurent tout court. Il n’y a plus de masque.

Showman d’Anthony Kavanagh, à 20 h, à l’Arène du Sud, à Païta.

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C.C