Acte I au Théâtre de l’Île : Des souris et des hommes

La saison du Théâtre de l’Île démarre fort avec Des souris et des hommes, une adaptation du roman de John Steinbeck mise en scène par Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic. Une pièce vivement saluée par la critique depuis… 2002 avec 410 représentations !

Ambiance chaleureuse au Théâtre de l’Île. Pas moins de 13 artistes sont arrivés de métropole pour prendre possession des planches de Nouville. Une « vraie troupe », « soudée », où « tous les âges se côtoient » et qu’il fait bon d’accueillir en Nouvelle-Calédonie, aux dires de Marie-Eve Delatte, responsable de la communication du théâtre.

Sa joie est partagée par le metteur en scène Jean-Philippe Evariste, « ravi » de se trouver ici. « Voilà plus de 15 ans que nous jouons cette pièce, c’est une rareté, mais chaque représentation est particulière sans compter qu’il y a un vrai voyage cette fois. Les émotions sont nouvelles. »

La satisfaction est d’autant plus grande que les 10 comédiens ont pu trouver un décor entièrement refait à l’image des scènes parisiennes, « un petit écrin » où ils se sentent déjà comme chez eux. Les accessoires sont choisis, tout comme le chien qui leur tiendra compagnie durant les cinq représentations. Ne reste plus qu’à faire éclater le talent de cette équipe au service du chef d’œuvre de John Steinbeck.

Une histoire forte

Le roman, publié en 1937, est l’un des plus célèbres de l’écrivain avec Les Raisins de la colère. Il raconte dans l’Amérique rurale des années 30, l’histoire de deux amis d’enfance, George et Lennie, qui errent sur les routes de Californie, de ranch en ranch où ils travaillent comme ouvriers agricoles saisonniers. Ils partagent le même rêve : posséder une petite exploitation pour y vivre bien, comme des rentiers et y élever des lapins. Leur amitié est sincère, mais demeure compliquée : Lennie, fragile intellectuellement, rencontre des ennuis. Il adore caresser des souris, mais ne parvient pas toujours à dominer sa puissance, si bien qu’elles ne lui résistent souvent pas. Un jour, la jeune et belle femme de son patron vient se confier à lui. Il tente de refuser la conversation car il se sait vulnérable. Mais ému par ses propos, il lui caresse les cheveux, malheureusement si fort qu’elle finit par prendre peur…

John Steinbeck s’est fait le porte-parole des oubliés du rêve américain, en s’attachant à décrire avec tendresse la vie souvent douloureuse de ceux que les crises économiques du pays ont frappés de plein fouet.

Pour la portée sociale de son œuvre, il a obtenu le prix Nobel de littérature en 1962. Mais Des souris et des hommes est avant tout une histoire d’amitié et de différences avec un message et fraternel échappant au temps : « Il faut essayer de comprendre les hommes. Si deux hommes essayent de se comprendre, ils seront bons l’un envers l’autre. Bien connaître un homme ne conduit jamais à la haine, mais presque toujours à l’amour. »

L’adaptation théâtrale

Comme un clin d’œil à cette histoire, la pièce de théâtre Des souris et des hommes est également née d’une d’amitié. Jean-Philippe Evariste, dans le rôle de George, et Philippe Ivancic, dans celui de Lennie, ont tous deux joué sous la direction de Jean-Laurent Cochet. En 1998, ils montent la Compagnie des brigandins (qui deviendra En toutes circonstances) avec laquelle ils produisent Le Roman de Renart et Sur les pas de Molière.

En 2002, ils montent Des souris et des hommes, avec Anne Bourgeois, au Théâtre 13 de Paris. La pièce est d’emblée un triomphe et s’ensuivent plusieurs tournées en 2004, en 2008 puis en 2010, 2012 et 2013. En 2015, ils sont nominés aux Molières du Théâtre privé.

En 2017, la pièce plaît toujours autant et Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic sont « fiers de la porter haut et fort ».

« On ne lasse absolument pas, nous dit le premier. La pièce est un chef-d’œuvre, les personnages sont forts, et les thèmes encore d’actualité. Tous ont quelque chose à défendre, à dénoncer. »

Le choix a été fait de créer l’œuvre « au plus près du travail de l’auteur », qui lui-même avait vécu près de ces hommes pour dépeindre leur vie avec le plus de véracité possible.

Ici, l’humanité est « puisée au plus profond des comédiens », pour montrer des hommes avec leurs obsessions inavouées, leurs rêves enfouis. « Les déplacements, les costumes le décor, la lumière sont au service de chaque parole et instant d’émotion »… La mise en dialogue ressemble plus à des « monologues croisés » qu’à de « vrais moments de communication ».

Le succès de la pièce ne se dément pas. Néanmoins au fil du temps, elle « a mûri » et elle a été raccourcie aussi. C’est cette version plus courte qui sera présentée en Nouvelle-Calédonie. Un début de saison excitant, et prometteur.