Zones d’ombre sur les zones franches

Le Conseil économique social et environnemental s’est penché sur le projet de zones franches porté par le gouvernement, mais mis en œuvre par les provinces. Le Cese s’est prononcé en faveur du texte, mais neuf conseillers ont donné un avis réservé ou contre. Ils regrettent notamment le manque d’évaluation autour de ce projet.

Dans quel état se trouve réellement l’économie calédonienne ? Il est bien difficile de répondre par manque d’outils à jour, mais il est fort probable qu’elle ne se porte pas au mieux si l’on regarde les chiffres les plus récents. D’ici un mois, l’Institut de la statistique et des études économiques devrait être en mesure de produire les chiffres du chômage pour le deuxième trimestre 2020. Un indicateur attendu qui donnera une idée de l’ampleur de la crise. Cette situation n’est malheureusement pas uniquement le fruit de la crise sanitaire. Bien avant, l’économie calédonienne donnait des signes de faiblesse, même si quelques frémissements avaient été perçus en 2019. C’est dans ce contexte qu’avait été imaginé ce dispositif de zones franches.

L’idée est que les provinces puissent définir des zones au sein desquelles les sociétés seraient exonérées de l’impôt sur les bénéfices ou sur le revenu au cours des trois premières années, puis de manière partielle pendant les trois années suivantes (les entreprises individuelles, ou patentés, seraient imposées à 25 % la quatrième année, 50 % la cinquième et 75 % la sixième année avant de retrouver une imposition « normale »). À cela pourrait également s’ajouter une exonération de la contribution foncière pendant trois ans au titre du bien situé dans la zone franche. La contribution des patentes et des centimes additionnels seraient aussi également concernées. Les conseillers du Cese ont fait valoir que la rentabilité d’une entreprise est généralement atteinte au bout de la quatrième, voire la cinquième année, ce qui nécessiterait une adaptation du dispositif pour l’allonger de deux années avec une exonération complète pendant quatre ou cinq ans à défaut de quoi il pourrait ne pas être suffisamment incitatif.

Pas d’étude d’impact

Du point de vue géographique, le projet du gouvernement repose sur quatre grandes zones : le Grand Nouméa, la zone VKPP (Voh-Koné-Pouembout-Poya), les îles (Loyauté, Bélep et l’île des Pins) et toutes les autres zones du territoire. La commission du développement économique, de la fiscalité et du budget s’interroge sur les critères retenus, à savoir la densité de la population, le taux d’emploi et les recettes fiscales, qui ont tous des bases géographiques différentes. Pour les recettes fiscales, la zone de référence est la commune alors que pour les deux autres critères, le gouvernement a retenu les Iris, îlots regroupés pour l’information statistique, qui permettent de découper un territoire en unités identiques selon des éléments communs tels que le nombre de personnes. Le texte retient également l’insuffisance de desserte maritime ou aérienne sans qu’aucune précision ne soit apportée ni étude sur la question. Face aux interrogations, Christopher Gyges, le membre du gouvernement en charge de l’économie, a expliqué qu’un atlas était en cours de réalisation.

De nombreuses questions

De la même manière, une partie la commission du Cese s’est étonnée qu’aucune étude d’impact sur les finances publiques n’ait été réalisée, comme cela se pratique la plupart du temps. Dans un contexte budgétaire contraint, une loi de programmation fiscale en préparation et l’exécutif qui a martelé vouloir évaluer les niches fiscales pour supprimer celles qui sont superflues, la réponse du gouvernement avait de quoi interloquer. « Je n’ai pas la science infuse », indiquait le membre du gouvernement, précisant toutefois qu’il s’engageait à présenter un bilan annuel du dispositif sans pour autant que cet engagement soit inscrit dans les textes. Si la mise en œuvre relève des provinces, l’impact sur les recettes sera bien enregistré par le gouvernement. L’indicateur de la réussite sera la création d’emploi. Une vision qui ne prend pas en compte un élément important, celui du coût de chaque emploi pour la collectivité. En contrepartie du manque à gagner fiscal, le gouvernement compte sur une hausse des recettes de la TGC (taxe générale sur la consommation) liée à l’activité nouvelle.

Le Cese recommande, par ailleurs, que les zones franches incluent d’autres critères et en particulier, l’environnement. S’il est prévu que les provinces doivent donner certains éléments relevant de l’environnement dans le dossier de demande de création d’une zone franche, leur prise en compte dans l’acceptation par le gouvernement reste très floue. L’institution rappelle enfin qu’il existe déjà un dispositif de ce type sur terres coutumières depuis 2012, la Zodep pour zone de développement prioritaire. Les conseillers s’inquiètent que les zones franches viennent concurrencer les Zodep pour lesquelles ils ont également demandé une évaluation, qui n’a toujours pas été faite au bout de huit ans. Si la plupart des chefs d’entreprise attendent avec impatience ce dispositif depuis près d’un an, les questionnements qui subsistent sont nombreux autant du point de vue de l’efficacité des zones franches que de celui du rééquilibrage et plus généralement de l’aménagement du territoire.

L’avis du Cese est en ligne sur www.cese.nc


Santé : le Cese valide la création du GIP SI2S

Le Cese s’est prononcé en faveur de la création du GIP SI2S (« système d’information santé social »), malgré de nombreuses réserves lors de l’examen du texte en commission. Les représentants des structures hospitalières ainsi que des institutions ont toutefois pu lever les questionnements des conseillers autour de ce projet, essentiel à la réforme du système de protection sociale. Le GIP « système d’information santé social » en est la première pierre : il permettra d’informatiser et d’uniformiser les informations de santé de manière sécurisée. Par ailleurs, il ouvrira la voie au dossier de santé numérique afin d’améliorer la prise en charge des patients tout en rationalisant les dépenses.

M.D.