Wolbachia : un premier lâcher de moustiques plein d’espoir

Les partenaires du World Mosquito Program ont procédé, mercredi à Nouméa, à une cérémonie symbolique de lâcher de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia. Un prélude à la campagne de dispersion qui se tiendra ces six prochains mois dans tous les quartiers de la capitale et dont l’objectif est de nous débarrasser progressivement de la dengue.

Qui aurait cru qu’un jour les Aedes aegypti seraient nos amis… ou du moins nos partenaires ? Pas grand monde. Pourtant, mercredi, les émissaires du projet, la ville de Nouméa, le gouvernement, l’Institut Pasteur et les représentants du WMP Nouméa, étaient ravis de relâcher de tels insectes dans la nature. Quelque 500 moustiques ont été ainsi dispersés symboliquement pour marquer le début de la campagne de terrain du World Mosquito Program qui se tiendra durant six mois à Nouméa. L’espoir est grand : cette technique de lutte biologique contre la dengue, élaborée par l’Université australienne Monash (Melbourne), a fonctionné dans une dizaine de pays.

Tous les 100 mètres

Après une vaste opération de communication, un sondage auprès de la population qui s’est portée favorable à 94 % au projet, les lâchers de moustiques vont débuter ces prochaines semaines, dans chaque quartier de la ville. Ils seront lâchés tous les 100 mètres. Tous seront porteurs de cette bactérie naturelle nommée Wolbachia qui réduit leur capacité et celle de leur progéniture à transmettre les virus de la dengue, mais aussi des autres arboviroses, le Zika et le chikungunya. L’objectif est donc qu’ils se reproduisent et que la majorité de la population des Aedes aegypti porte finalement la bactérie. La période de six mois est jugée su sante pour parvenir à cet objectif. Autre point rassurant, Wolbachia est sans risque pour l’environnement (elle est déjà présente en Calédonie dans 60 % des insectes, fruits, etc.) et n’est pas transmissible à l’homme. La méthode est soutenue par les associations environnementales comme Ensemble pour la planète (EPLP). Plus de 200 pièges ont été installés chez des particuliers et des entreprises. Ils seront relevés une fois par semaine et permettront de suivre l’évolution de la bactérie au sein des populations de moustiques dans les di érentes zones de la ville.

Un choix « ambitieux »

Mercredi, l’humeur était joyeuse place des Cocotiers. Il faut dire que la dengue est un sacré éau et que l’espoir de nous en débarrasser a de quoi donner le sourire. La maladie a fait 3 817 cas depuis le début de l’année et 357 ont nécessité une hospitalisation. On déplore deux décès dont celui d’une fillette de huit ans et de nombreuses complications oculaires ou hépatiques. Les épidémies coûtent aussi une fortune au territoire : 1,6 milliard de francs par exemple en 2013. Cette technique innovante nous offre donc une opportunité d’épargner des vies, de faire des économies et de préserver l’environnement, en limitant un maximum les techniques d’épandage.

Marc Jouan, le directeur de l’Institut Pasteur a fait état d’un « choix ambitieux de politique sanitaire ». Selon lui, les insecticides ont trouvé leurs limites et cette méthode permettra a minima de réduire l’intensité des épidémies et tout ce qu’elles génèrent en stress, complications, dépenses. Sonia Lagarde, maire de Nouméa, a tenu à préciser que les dix ans d’expérience permettaient de se lancer sereinement dans ce projet. Elle s’est par ailleurs dite « très fière » que Nouméa soit la première ville française à expérimenter cette méthode. « La question de telles épidémies se pose ailleurs et d’autres suivront peut-être. On aura alors donné le top départ et c’est formidable ». Tristan Derycke, adjoint au maire chargé notamment de la prévention des risques sanitaires, a remercié tous ceux qui ont cru dans le projet qu’il porte depuis le début et espère qu’il sera élargi au Grand Nouméa, puis à toute la Nouvelle-Calédonie. Des discussions sont déjà engagées en ce sens.

En attendant, les autorités invitent tous les Calédoniens à rester vigilants. Il est indispensable de continuer à se protéger et à détruire les gîtes larvaires sur tout le territoire. Et dans le cas de Nouméa également puisque la prévalence des moustiques porteurs de Wolbachia va prendre un peu de temps. Sans compter que les moustiques continueront toujours à piquer.

C.M