Plus de 222 900 électeurs sont appelés aux urnes dimanche pour le premier tour des élections législatives anticipées. Mais il n’y a pas eu de véritable campagne, et les violences ont déplacé les priorités des habitants.
« Si un bureau de vote est perturbé, on arrête » prévient Eddie Lecourieux, le maire du Mont-Dore. Dix-huit candidats se présenteront au premier tour des élections législatives anticipées dans les deux circonscriptions calédoniennes, ce dimanche 30 juin. Pas moins de 222 900 électeurs sont appelés aux urnes. Le taux de participation s’était arrêté à un peu plus de 32 % au global, en 2022.
La tendance sera particulièrement scrutée ce week-end. Tout d’abord, parce que le délai de préparation du candidat et de réflexion du Calédonien est très court. Seulement trois semaines se seront écoulées depuis l’annonce surprise du président de la République Emmanuel Macron, dimanche 9 juin, de dissoudre l’Assemblée nationale après la désillusion du parti Renaissance aux élections européennes.
Surtout, le regain de violences lié au transfert de leaders de la CCAT en Métropole, pour y être placés en détention provisoire, bouleverse l’organisation du scrutin, à tous les niveaux. Le couvre-feu à partir de 20 heures interdit toute réunion politique le soir. La circulation est encore loin d’être fluide, en Brousse tout comme dans le Grand Nouméa. La distribution des programmes électoraux ne peut pas se faire par voie postale.
Des exactions à l’aéroport de Lifou, par exemple, ont empêché le déplacement de candidats dans la première circonscription. « Le matériel de vote a été acheminé à l’ensemble des communes », toutefois « compte tenu du contexte, la propagande n’a pas été réalisée de manière optimale ou partout », a reconnu mercredi 26 juin le haut-commissaire Louis Le Franc, devant les médias.
« AU RABAIS »
La mairie du Mont-Dore n’a pas disposé de panneaux d’affichage au bord de la route, « pour ne pas qu’on nous les brûle » explique Eddie Lecourieux, qui constate néanmoins « l’envie des gens d’aller voter ». À l’image de Marc, habitant dans ce sud isolé de la commune. Même si « cette élection est “au rabais” selon moi, vu les conditions catastrophiques de campagne, je vais essayer de lire les programmes via les réseaux et regarder les vidéos des candidats ». Mais, tous les élus le reconnaissent, « les électeurs ont la tête ailleurs ». À l’obligation de nourrir la famille, aux soucis financiers, au maintien ou non de son travail, à la sécurisation de sa maison ou de son quartier…
Lors de ses réunions, Philippe Dunoyer, député Renaissance sortant et candidat Horizons dans la première circonscription, évoque la nécessité du « retour de la paix par une solution politique » ainsi que le redressement de l’économie par « un plan Marshall avec l’État ». Son ancien coéquipier parlementaire, désormais concurrent direct, Nicolas Metzdorf estime que « l’on peut négocier avec les indépendantistes démocrates » en vue de la construction d’un accord global pour ouvrir la Nouvelle-Calédonie sur « de nouvelles perspectives ». Celle de la reconstruction avec l’aide de l’État ou encore celle « du respect de la démocratie » après les trois référendums.
Surprise de la seconde circonscription, Emmanuel Tjibaou, l’un des fils de la figure indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, insiste sur le rétablissement « du dialogue ». Le candidat « Indépendantistes et nationalistes » milite pour une prospection, du niveau national à international, en faveur de la reconstruction et pour que « la France prenne en charge la responsabilité de décoloniser jusqu’au bout ».
Dimanche, les électeurs penseront à un profil idéal de candidat, peut-être au contenu d’un programme, mais aussi assurément aux conditions de sécurité. Tous les habitants ne pourront ou n’oseront se déplacer vers l’isoloir. La CCAT a indiqué laisser libre choix pour ce scrutin, mardi à la tribu de la Conception, mais des antennes ont appelé à ne pas y participer.
Yann Mainguet
Sécurisation dans le Grand Nouméa
Les 222 900 électeurs pourront se rendre dimanche dans les 297 bureaux de vote qui seront par endroits regroupés. Le nombre de sites est sensiblement équivalent à celui recensé pour les élections européennes. À Nouméa, sept lieux pour 57 bureaux de vote, Dumbéa trois pour 26, Païta trois pour 19 et le Mont-Dore cinq pour 25. L’électeur pourra s’y rendre de 7 heures à 17 heures.
« Tous les sites où sont regroupés l’ensemble des bureaux de vote dans le Grand Nouméa feront l’objet d’une sécurisation », a précisé mercredi le haut-commissaire Louis Le Franc. Une sécurisation qui « sera assez semblable à celle mise en place lors des élections européennes. Elle sera renforcée, parce que le taux de participation sera très vraisemblablement supérieur ».
Selon le représentant de l’État, aucun maire n’a indiquéne pas vouloir organiser « pour quelques raisons que ce soient » les élections législatives « tant du premier que du second tour », et aucune formation politique « quelle que soit leur sensibilité » n’a déclaré ne pas vouloir tenir ce scrutin.