[VISITE] Un appel à la sagesse

L’altercation a tourné autour de la notion de peuple premier. « Moi, on ne me traite pas de peuple second », a clamé le député. « C’est un révisionnisme de ta part, je vais t’offrir une visite au musée des arts premiers », lui a répondu l’ancien Premier ministre. (© F.D.)

Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a entamé sa longue tournée calédonienne samedi 22 février. Une visite en deux temps, économique d’abord puis politique. Chahuté dès le premier jour, le ministre d’État a martelé ses maîtres-mots : respect et dialogue.

La séquence a marqué les esprits. Elle a aussi donné le ton de la visite de Manuel Valls en Nouvelle-Calédonie. Samedi 22 février, le ministre et sa délégation sont venus à Plum rendre un hommage au gendarme Nicolas Molinari, tué à La Coulée mercredi 15 mai 2024. Une visite protocolaire classique, si ce n’était la présence d’une soixantaine de manifestants, drapeau bleu-blanc-rouge à la main.
Alors que le ministre vient discuter avec des Mondoriens exprimant leur détresse et parfois leurs convictions politiques, une participante crie : « On compte sur vous Manouel ». Une expression, ainsi que les « Non, c’est non » scandés par la foule, qui sont un écho aux discours prononcés notamment par Nicolas Metzdorf et Sonia Backès lors du regroupement non indépendantiste du 19 février à Nouméa. Piqué au vif, l’interpellé fait une mise au claire ferme : « Il y a une seule chose que je demande […], c’est toujours le respect ». Manuel Valls repart et recadre, le doigt pointé, Nicolas Metzdorf : « N’oublie pas, tu es député de la République ». Le Calédonien répond aussitôt « Faut nous respecter aussi M. le ministre ». Manuel Valls, Nicolas Metzdorf et Sonia Backès entament un débat tendu autour de la notion de peuple premier, qui tranche avec la retenue habituelle des visites ministérielles.
L’échange n’a duré que quelques minutes, mais il s’est déroulé en public et devant la presse. Sa diffusion n’a pas tardé à irriguer les réseaux sociaux et les médias, locaux comme nationaux.
« Ce sont des débats stériles. Quand vous interrogez la population, les gens ont envie de paix, a réagi ultérieurement Sonia Lagarde, la maire de Nouméa. On a besoin de sagesse. »

EXCUSES
Ce discernement, Manuel Valls est allé le chercher auprès du comité Paroles, Mémoires, Vérité et Réconciliation, lors d’un repas organisé dimanche 23 février au centre culturel Tjibaou. Autour de la table, d’anciens membres du Comité des sages, dont Marie-Claude Tjibaou, Taïeb Aïfa ou le père Apikaoua, et des personnalités de la société civile.

Le comité Paroles, Mémoires, Vérité et Réconciliation, mis en place en 2021, a entamé le repas avec deux coutumes, dont une d’excuses après l’altercation du 22 février. (© F.D.)

Durant la coutume d’accueil, Elie Poigoune a souligné la nécessité d’agir pour que « les gens se parlent, s’écoutent ». Un autre geste coutumier a suivi le premier. Un moment inédit porté par l’archéologue Christophe Sand : « Si le groupe qui est derrière moi a ajouté un autre manou, c’est pour adresser des excuses de la part de tous les Calédoniens qui hier ne se sont pas reconnus dans les paroles qui vous ont été adressées ».
Touché par le geste, le ministre d’État a convenu que cela « n’est pas facile parce que nous avons entendu des mots de haine, le racisme est revenu », avec un sentiment de « terrible régression ». Il a aussi rassuré : « Le dialogue est toujours un peu vif et nous sommes dans un moment où on cherche à imposer ses idées, à impressionner. Nous n’allons pas nous laisser impressionner parce que la tâche est trop importante ».
Alors, avant d’entamer de longues et rudes négociations, Manuel est venu se nourrir auprès des “sages”.

Fabien Dubedout

Commémoration ou manifestation ?

Malgré l’interdiction de manifester, des habitants du Mont-Dore se sont installés en face de la gendarmerie de Plum. (© F.D.)

Distribution de drapeaux tricolores, groupe de sécurité, revendications sur des affiches, et surtout quelques huées… L’arrivée du ministre samedi au Mont-Coffyn à Nouméa pour les honneurs militaires fut des plus particulières. Tout comme le vif accueil agrémenté de « No pasarán » près de la brigade de gendarmerie de Plum, le même jour à midi. Pourtant, selon les formations politiques Les Loyalistes et Rassemblement-LR, ces habitants remontés sont venus pour une commémoration. Et pour cause.
À la lecture d’un arrêté du haut-commissariat, les rassemblements de personnes, manifestations et cortèges sont interdits sur la voie publique à Nouméa et dans le Grand Nouméa jusqu’au lundi 3 mars. La commémoration était dès lors bruyante et animée du côté de la foule. Le collectif Urgence sociale, pointé du doigt pour un regroupement non autorisé de parents d’élève dix jours plus tôt, s’est légitimement interrogé et a dénoncé un « deux poids deux mesures ».

Y.M.