[VISITE] Manuel Valls donne rendez-vous fin avril

« Il reste beaucoup de travail, mais l’état d’esprit est toujours le même : la sincérité et un dialogue direct » autour de la table, s’est félicité le ministre Manuel Valls, entouré du haut-commissaire Louis Le Franc, et du conseiller spécial du Premier ministre Éric Thiers. © Y.M.

Personne n’a claqué la porte durant les quatre jours de visite. Les partenaires se retrouveront fin avril à Nouméa autour du projet remis par le ministre des Outre-mer, avec l’objectif de parvenir à un accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Avec une pincée d’humour, devant les représentants de la société civile dimanche 30 mars en soirée, Manuel Valls a joué franc jeu. « Les élus se sont parlés, c’est un miracle. Il en faut un deuxième… C’est l’accord. » Au terme d’une visite de quatre jours, inscrite dans le prolongement du déplacement de fin février, le ministre d’État des Outre-mer, « lucide » face aux difficultés, n’a pas conclu mardi 1er avril un compromis politique avec les délégations invitées autour de la table. Néanmoins, « nous avons franchi un pas décisif », a observé Manuel Valls, qui a dévoilé une déclaration commune des parties engagées.

La conclusion comprend trois points. Tout d’abord, l’ensemble des partenaires politiques calédoniens participant « aux discussions préparatoires aux négociations » se sont accordés sur la nécessité de lancer ces pourparlers « dans le cadre d’une troisième séquence » programmée à Nouméa à partir du 29 avril. L’objectif de cette nouvelle phase sera alors de « parvenir à un accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Enfin, ces négociations s’appuieront sur le projet d’accord proposé par le gouvernement tricolore dimanche 30 mars. Ce document, confidentiel à ce stade, s’articule autour de six grandes thématiques issues des travaux antérieurs tant à Paris qu’à Nouméa. « Elles constituent les piliers d’un compromis politique », a expliqué le visiteur à l’ouverture de la séance plénière samedi 29 mars.

Parmi ces points indissociables en vue d’un accord global, figurent les modalités d’exercice du droit à l’autodétermination, le partage et l’évolution des compétences régaliennes, ou encore la citoyenneté calédonienne et le corps électoral.

Ce calendrier de la fin avril ou de début mai n’est pas anodin. Puisqu’il faut prévoir le temps utile aux évolutions institutionnelles, constitutionnelles, puis aux consultations nécessaires, dans la perspective des élections provinciales en fin d’année. En outre, le ministre n’a pas mentionné cette date, mais beaucoup y pensent, il serait peut-être maladroit de faire coïncider le jour anniversaire du 13 mai avec une séance de pleines négociations à Nouméa.

«À PETITS PAS»

Saluée par tous, la méthode basée sur le dialogue fonctionne pour l’instant. Même s’il y a eu des coups de gueule, semble-t-il lors des réunions, personne n’a menacé de quitter la table. « Nous avançons à petits pas. Nous nous disons des choses qu’il était nécessaire de se dire », a noté mardi 1er avril sans jugement Sonia Backès, cheffe de file du mouvement Les Loyalistes. Malgré tout, « les positions sont très éloignées sur un certain nombre de sujets ». Au premier rang de ces divergences, se place l’exercice de l’autodétermination, un droit inaliénable protégé par la Constitution et les textes internationaux sur le fondement de la Charte des Nations unies. Non-indépendantistes et indépendantistes s’accrochent sur les conditions de déclenchement.

Les délégations politiques comme celle du FLNKS avec le député Emmanuel Tjibaou ont gagné, chaque jour, de samedi à mardi, la résidence du haut-commissariat pour des échanges sur une perspective d’accord. © Y.M.

Le rôle des institutions, les compétences attribuées aux provinces, mais aussi l’apposition statut coutumier et statut de droit commun sont également des sujets d’opposition forte. « L’avenir de la Nouvelle- Calédonie passe par une égalité en matière de droit de l’ensemble des Calédoniens, a appuyé Virginie Ruffenach du Rassemblement-LR. Nous ne sommes pas pour un accord à tout prix ou un mauvais accord. Nous ferons un accord s’il est convenable, de notre point de vue, pour l’ensemble des Calédoniens. » De l’avis de Calédonie ensemble, le temps avance, il est essentiel de s’entendre, car « il est urgent de rétablir la stabilité politique qui est le préalable à la restauration de la confiance, seule susceptible de permettre à notre pays de retrouver une nouvelle dynamique en matière d’investissement, de création d’emplois et de consommation des ménages », soutient le parti représenté par Philippe Dunoyer et Philippe Gomès lors des négociations.

« SE TENIR À LA HAUTEUR DES ENJEUX »

La question est désormais centrale : cette entente institutionnelle est-elle possible ? Conscient des hautes difficultés, Manuel Valls croit en la signature de tous. « L’esprit de responsabilité est là. Personne n’envisage l’échec. Un échec serait terrible pour la Nouvelle-Calédonie », a souligné le ministre peu avant son départ vers l’aéroport de La Tontouta, mardi soir.

Les yeux se tournent vers le FLNKS et l’Union calédonienne, formations qui ont annoncé les étapes vers l’accession du territoire à la pleine souveraineté. Emmanuel Tjibaou, chef de la délégation, et ses collègues vont « retourner au sein des structures pour présenter la base de discussion, et amener des éléments pour préparer la séquence suivante ». Le président de l’UC en est convaincu : « Il faut se tenir à la hauteur des enjeux pour les familles endeuillées autant que pour les entreprises détruites ». Un capital social doit donc être reconstruit et « cela passe par les politiques mais certainement, aussi, par la société civile ».

Avant le retour du ministre Manuel Valls et du conseiller spécial du Premier ministre Éric Thiers à Nouméa fin avril, les échanges vont se poursuivre avec Paris via des visioconférences sur les thèmes capitaux. Le locataire de la rue Oudinot croit « que l’accord est possible cette fois-ci ».

Yann Mainguet

Six thématiques capitales

Le document transmis dimanche 30 mars par Manuel Valls, appelé aussi « projet d’accord », s’articule autour de six grandes thématiques. « Chacun a pleinement conscience qu’elles sont indissociables, qu’elles relèvent d’une approche globale de la situation calédonienne en vue d’un accord tout aussi global », avait indiqué le ministre à l’ouverture de la séance plénière, samedi 29 mars. Selon Manuel Valls, « cette liste de thématiques constitue une base structurante du dialogue, construite à partir des échanges préparatoires. Elle n’est pas exhaustive ».

Modalités d’exercice du droit à l’autodétermination : trajectoire de sortie de l’accord de Nouméa, période de stabilisation et de construction, conditions et calendrier d’un éventuel référendum de projet.

Partage et évolution des compétences régaliennes : relations internationales, défense, sécurité, justice, monnaie, et scénarios d’un nouvel équilibre de souveraineté.

Gouvernance locale : réformes institutionnelles pour répondre aux défis de l’instabilité politique, de la complexité administrative et de l’efficacité de l’action publique, répartition des sièges au Congrès, pouvoir fiscal des provinces et clé de répartition des dotations.

Citoyenneté calédonienne et corps électoral : définition et critères d’acquisition.

Loi fondamentale : élaboration d’une loi fondamentale propre à la Nouvelle-Calédonie définissant les principes, les institutions et les valeurs partagées, procédure d’adoption, inscription dans la Constitution française.

Suivi, validation et pérennisation de l’accord : modalités de révision, calendrier électoral, articulation avec la révision constitutionnelle, mise en place d’un comité de suivi.

 

Un passage au marché de Nouméa pour prendre le pouls de la société figurait au programme de la visite du ministre. © Y.M.

Le planning

Calédonie ensemble a sorti l’agenda. Si un accord est trouvé, il faudra ensuite le constitutionnaliser (2-3 mois), le soumettre par référendum aux Calédoniens (2-3 mois), le décliner dans une loi organique (2-3 mois) avant de réviser les listes électorales (2-3 mois) et d’organiser de nouvelles élections provinciales.