Représentée par des membres d’association, des étudiants ou encore des chefs d’entreprise, la société civile a exprimé au ministre Manuel Valls ses préoccupations et espoirs.
Manuel Valls a déambulé dans les allées du marché de Nouméa pour prendre « le pouls de la société » et a rencontré les lycéens de l’établissement Lapérouse, parce que « tout ce que nous faisons ici, c’est-à-dire trouver un accord » sur l’avenir institutionnel du territoire, « c’est pour la jeunesse ». Entre les deux séquences, le ministre des Outre-mer a échangé dimanche soir avec la société civile à l’université à Nouville. Une discussion avec une centaine d’étudiants, responsables d’association ou chefs d’entreprise durant laquelle finalement le sujet clivant de l’indépendance et du maintien de la Nouvelle- Calédonie dans la République a été très peu abordé.
Les préoccupations sont ailleurs. Sur l’identité, sur la méconnaissance de l’histoire de l’archipel et de ses communautés, mais aussi sur le métissage. Pour un jeune de 28 ans, d’origine futunienne, vietnamienne et caldoche, « si on me demande de choisir un camp, je ne pourrai pas. Ce serait tuer ma famille ». Les liens entre les habitants sont de fait interrogés. Et les oreilles des représentants de parti ont dû siffler. « Le monde politique joue sur des émotions et ne parle pas du fond » a indiqué Thierry Granier, auditeur financier. « Depuis 10-12 ans, il y a un manque de dialogue. » Un défaut d’écoute de la part des élus, ont appuyé des participants. Pierre Welepa, président de la Fédération des œuvres laïques, en est convaincu, « les politiques confisquent le dialogue des altérités » et renvoient les Calédoniens à la question binaire entre les voies loyalistes et indépendantistes. Or « la Nouvelle-Calédonie, ce n’est pas un choix, c’est d’abord de vivre ensemble, de s’entraider ».
« LE MOMENT DE BOUGER »
Le 13 mai 2024 est arrivé avec son cortège de drames. Selon l’analyse de Jules, responsable d’une association de jeunes en démarche de réinsertion, les violences ont un fondement davantage « social qu’identitaire ». Philippe est allé discuter avec des gars sur les barrages à Bourail, et pour l’un des premiers rencontrés, « il faut trouver une solution contre les inégalités sociales ». Voilà l’un des enseignements de la soirée : au regard de la situation de jeunes dans les villes et des tribus, de familles dans la pauvreté, ou de personnes en situation de handicap, « il faut construire autrement » la société, ont insisté plusieurs participants. Avec une demande forte exprimée : « préserver l’éducation dans les quartiers difficiles », espère Francis Maluia, président de l’association Solidarité Rivière-Salée. Pour Rebecca, « la société civile doit se faire entendre ».
Manuel Valls a écouté, relancé les échanges souvent avec humour, et a su interroger. « Je suis sûr qu’il y a une force incroyable dans la société calédonienne. Prenez aussi votre destin en main », a indiqué le ministre d’État. Des élections approchent, tout comme probablement une consultation sur le futur accord politique, « c’est le moment de bouger ». D’ailleurs, « poussez pour qu’il y ait un accord », a souhaité le locataire de la rue Oudinot, encourageant « tous ceux qui veulent retrouver un chemin de la paix à marginaliser ceux qui veulent que ça ne marche pas » et pointant même au passage « les radicaux ».
Yann Mainguet
La convention du prêt AFD signée
Manuel Valls, ministre des Outre-mer, et Alcide Ponga, président du gouvernement, ont signé samedi 29 mars la convention relative à l’octroi du prêt AFD de 119,3 milliards de francs. Un emprunt garanti par l’État, âprement discuté la veille au Congrès, en raison de ses conditions jugées excessives, notamment le taux d’intérêt à plus de 4 %.
Cette somme permettra « de rembourser les avances consenties par l’État et la Banque des territoires en 2024 mais aussi de couvrir les besoins de trésorerie », a noté le visiteur. C’est-à-dire, financer le Ruamm, le chômage partiel, le soutien à Enercal, et compenser la baisse des recettes fiscales, précise l’exécutif calédonien. Manuel Valls a annoncé, en outre, l’extension immédiate de la mesure de défiscalisation prévue dans le projet de loi de finances 2025 pour la reconstruction des commerces détruits lors des émeutes.
À la rencontre des maires
De nombreux maires – 26 sur 33 – ont échangé, dimanche 30 mars à midi à Nouméa, avec le ministre Manuel Valls sur au moins trois dossiers principaux. Tout d’abord, l’aide de l’État aux collectivités en matière de reconstruction. Une enveloppe de 24 milliards de francs pour les bâtiments publics est établie. Pas moins de 47 bâtiments seraient recensés. Le thème de la sécurité dans les communes a de même été abordé. Une recrudescence des phénomènes de délinquance de proximité est observée. Enfin, outre le futur statut des communes, les maires ont décrit l’état de leurs finances. Le budget de répartition 2025 du territoire, tout juste voté, apportera un peu d’air cette année, mais l’inquiétude demeure.