Violences conjugales : des avancées dans le cadre du Grenelle

Vendredi, s’est déroulé à Dumbéa le premier comité de suivi du Grenelle contre les violences conjugales, sept mois après sa mise en œuvre symbolisée par la signature d’une charte d’engagement par les autorités locales. Le gouvernement avait fait du sujet une « grande cause territoriale ».

Le constat des violences intrafamiliales reste dramatique en Nouvelle- Calédonie. On sait que, globalement, le taux de violence à l’égard des femmes est six fois plus élevé qu’en Métropole et touche toutes les communautés. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental datant de 2017 soulignait que 17 % des femmes avaient été victimes d’agressions physiques par conjoint dans les douze derniers mois. En 2018, 1 233 plaintes pour violences conjugales avaient été enregistrées par les forces de l’ordre et deux féminicides. En 2019, les violences intrafamiliales ont progressé de 14,6 % sur les dix premiers mois.

La gendarmerie, représentée par le général Christophe Marietti, a expliqué avoir recensé 470 faits de violences intrafamiliales depuis le début de l’année contre 850 au total pour 2019 (10 % de la délinquance). Le procureur de la République, Yves Dupas, a dressé le même constat, avec déjà 430 procédures engagées entre janvier et mai, alors que 916 avaient été recensées au total en 2019 et 614 en 2018. Sur ces cinq premiers mois, 124 affaires ont été jugées et 20 % ont donné lieu à une présentation devant le procureur de la République. Le confinement, comme on pouvait le craindre, n’a pas apporté d’accalmie en la matière, bien au contraire. De tels chiffres, ont-ils insisté, doivent obliger les autorités à redoubler d’effort.

Information et prévention

Heureusement, vendredi, les observateurs ont pu constater que les engagements pris lors du Grenelle, une émanation du dispositif métropolitain, n’ont pas été de vaines paroles. Des avancées certaines ont été observées. Lors du confinement, d’abord, les autorités ont tenu à ne pas laisser les femmes livrées à elles-mêmes. Le gouvernement a mis en œuvre, avec l’OPT, les SMS de signalement, des numéros verts pour les associations, le signalement en pharmacie et la distribution de 30 000 cartes de contacts d’urgence. Des actions qui sont pérennisées. Les subventions attribuées par le gouvernement aux associations sont sanctuarisées et l’OPT s’est engagé à prendre en charge les abonnements et communications des associations.

La carte de localisation des différents dispositifs et partenaires (http://carto.cavad- nc.georep.nc) s’est encore enrichie. C’est l’un des dispositifs du gouvernement en ligne « les plus consultés ». Un site internet (stop-violences-femmes.nc) sera mis en ligne au mois d’août, avec l’ensemble des données en la matière et des textes traduits en plusieurs langues.
La Croix-Rouge va, d’ici la fin de l’année, instaurer son dispositif mobile solidaire (DSM), un bus qui aura vocation à sillonner le territoire pour mieux détecter les situations d’urgence, en partenariat avec l’Adavi et l’association Femmes et violences conjugales. En matière de sensibilisation des plus jeunes, des référents ont été nommés dans tous les établissements scolaires et la labellisation 3E, pour une éducation à l’égalité, se poursuit dans le secondaire et le primaire. De nouveaux modules de formation doivent être proposés aux enseignants et aux élèves. La province Sud a lancé un appel à projets pour promouvoir des projets associatifs en faveur de la promotion entre les femmes et les hommes (lire page 2).

Protection

En matière d’accueil, le DAV, dispositif d’accueil d’urgence des victimes d’agressions au sein du Médipôle, est pleinement opérationnel. Il reçoit entre trois et cinq nouvelles personnes chaque semaine (84 depuis le début de l’année).

L’accueil d’urgence doit aussi se développer dans les provinces. Dans le Sud, un nouveau foyer à N’Du sera opérationnel en 2021 ainsi que des appartements relais. L’avancée est particulièrement probante en Brousse. 16 familles d’accueil volontaires ont été formées dans quatre aires coutumières dans le Nord et le Sud et 12 nouvelles familles identifiées. Des structures d’accueil communautaires sont aussi en train de voir le jour à Lifou, Maré, Ouvéa et Tiga. Six femmes et 12 enfants ont déjà été pris en charge.

La justice a fait du traitement rapide des plaintes une priorité, tout comme des ordonnances de protection qui doivent néanmoins être développées en milieu coutumier. Trois appareils « Téléphone grave danger » sont disponibles dont deux ont déjà été attribués. Le bracelet anti-rapprochement devrait être développé dans les prochains mois et un stage de citoyenneté pour prévenir la récidive pourra être intégré dans les sanctions. La saisie des armes, dès lors que l’on est dans un contexte de violence, est également dans les cartons. Un bureau d’aide aux victimes a vu le jour à Koné.

La police et la gendarmerie poursuivent leur travail sur l’amélioration de l’accueil des victimes avec notamment des intervenants sociaux, psychologues, des salles rénovées, la formation des équipes sur le terrain. La tâche est particulièrement ardue pour la gendarmerie et ses trente brigades. Objectif : ne pas rater le « moment déterminant », lorsqu’une victime est prête à s’exprimer.

Enfin des chiffres !

C’est probablement la meilleure nouvelle de ce comité de suivi du Grenelle : la confirmation par l’Isee qu’une enquête sera menée pour actualiser, enfin, les chiffres de la délinquance intrafamiliale en Nouvelle-Calédonie et nous éclairer sur la réalité de la situation « parce que toutes les femmes ne portent pas plainte ». C’était attendu de très longue date.

L’enquête intitulée « Cadre de vie et sécurité » est financée par l’État, la Nouvelle-Calédonie et l’Isee. Elle portera sur les différentes atteintes, violences et agressions auxquelles sont confrontés les Calédoniens dont les violences intrafamiliales. Elle sera menée l’année prochaine pour des résultats en 2022. 6 300 ménages seront interrogés (du jamais- vu sauf lors du recensement) et l’étude permettra de porter des conclusions par province, quartier et conditions de vie. Elle proposera des questionnaires par ménage et individuels. Sur les questions sensibles, les personnes pourront répondre de façon autonome à l’aide d’un casque et d’un clavier, même en présence du conjoint…


Dans le monde économique

Christopher Gyges, membre du gouvernement, a proposé une charte d’engagement associant les partenaires économiques et les associations pour un accompagnement bienveillant des personnes victimes de violences conjugales qui peuvent « intervenir ou se prolonger dans le cadre de l’entreprise ». Pour l’émancipation économique des femmes, l’Adie continue son action visant à développer la création d’entreprise en accompagnant les projets par le biais de microcrédits qui peuvent être effectués de manière individuelle ou par groupe. Il s’agit de « lutter contre le gâchis des talents » et de « structurer l’économie sociale et solidaire », selon Alexandre Rutecki, le directeur de l’Adie.

C.M.