Vers une réduction de l’éclairage public ?

Le cluster Synergie travaille à la mise en place d’une réglementation sur l’éclairage public afin d’en améliorer la qualité énergétique, la longévité, mais aussi d’en diminuer les nuisances pour la population et l’environnement. L’objectif est de mener une réflexion globale sur le sujet et d’instaurer un cadre commun à tous.

 

♦ Absence de réglementation

Le cluster Synergie (lire par ailleurs) joue un rôle de porte-voix sur cette proposition de réglementation. « C’est une initiative collective de bureaux d’études, de distributeurs de matériel et d’exploitants qui a permis d’aboutir à l’élaboration de ce projet », introduit Loïc Martin-Cocher, manager de Synergie. Le Cluster souhaite désormais rencontrer les communes et le gouvernement pour leur présenter la démarche.

 

♦ Pourquoi on éclaire ?

L’éclairage est souvent justifié pour des raisons de sécurité des biens et des personnes et de lutte contre le vandalisme et les attroupements. L’idée de les éteindre est assez mal vu, explique Loïc Martin-Cocher, notamment dans les grandes villes. « C’est dans l’inconscient collectif. On part du fait que s’il y a de la lumière, il y a davantage de sécurité. Or, des études prouvent que c’est l’inverse. »

 

♦ C’est cher et ça pollue

L’éclairage public représente un poste de dépenses important pour les communes et génère de la pollution lumineuse qui nuit à la faune et à la flore, oiseaux, poissons, coraux, plantes, etc. « On s’est inspiré d’un arrêté métropolitain de décembre 2018 dans lequel il y a des obligations sur les moyens à mettre en œuvre pour limiter l’impact environnemental de l’éclairage artificiel », poursuit le manager. Sur les sept usages évoqués par cet arrêté, Synergie en a retenu cinq : éclairage routier, du patrimoine et des bâtiments administratifs, culturels et commerciaux, des équipements sportifs, des parkings et des chantiers.

 

♦ Diminuer la puissance

Concernant les éclairages des voiries, des cheminements piétons, des parcs et des jardins, Synergie préconise d’abaisser la puissance de l’éclairage de 70 % entre 22 heures et 4 heures dans toutes les communes du territoire. Parmi les propositions, que la lumière émise soit la moins gênante possible en dehors de la zone qu’elle éclaire et limiter la température à 3 000 kelvins. « Les kelvins permettent de mesurer la température de couleur. Plus c’est élevé, plus la lumière sera blanche et aura des conséquences sur la faune, il faut rester sur une température chaude, c’est-à-dire dans les tons jaunes. »

Autre point surveillé, la quantité de lumière qui arrive au sol. Il est question de 35 lumens par m2 en agglomération. « À titre de comparaison, on est plutôt de l’ordre de 60 à 80 dans le cadre du travail, précise Loïc Martin-Cocher. Pour la sécurité routière, il vaut mieux avoir un peu plus de points d’éclairage moins puissants que de grosses masses lumineuses qui font des effets stroboscopiques quand on roule. »

 

♦ Bâtiments, commerces et industries

Dans le cas des bâtiments historiques, architecturaux, culturels, administratifs et industriels ou commerciaux (y compris les panneaux publicitaires), Synergie plaide pour une extinction totale à 23 heures ou maximum une heure après la fin de l’activité, avec une attention particulière pour les activités situées dans des espaces d’observation astronomique et dans les réserves naturelles, comme l’usine du Sud.

Le même genre de règles est suggéré pour les équipements sportifs, c’est-à-dire éteindre au maximum une heure après la fin de l’activité afin d’éviter des halos lumineux comme au stade de Magenta, ainsi que pour les parkings avec une extinction après l’activité ou, a minima, un abaissement de 70 % de la puissance de l’éclairage entre 22 heures et 4 heures.

 

♦ Allumer seulement en cas de besoin

Des solutions permettent que le déclenche- ment et l’extinction des lampadaires se fassent automatiquement, en fonction de la luminosité ambiante. « Ça va s’allumer plus tôt si c’est couvert ou plus tard s’il fait beau », indique Loïc Martin-Cocher. L’allumage peut aussi se faire en fonction de l’heure qu’il est, il suffit alors de paramétrer les installations. Seule une dérogation est proposée pour les illuminations de Noël.

 

♦ Protéger les logements

Cela arrive fréquemment dans les zones urbaines, l’éclairage public, qu’il provienne de lampadaires, d’enseignes, de bâtiments ou de panneaux publicitaires, gêne parfois les personnes jusque chez elles. « C’est un autre objectif, prévenir la pollution lumineuse intrusive de l’extérieur vers les logements, notamment quand cela arrive dans la chambre à coucher, ce qui peut créer des désordres sociaux, mais aussi dans l’autre sens, d’avoir des éclairages intérieurs qui éclairent fortement la voirie. »

 

♦ Interdire la lumière sur la mer

Synergie souhaiterait également interdire l’éclairage des plans d’eau et du domaine maritime. « L’idée, c’est d’interdire la lumière orientée vers la mer, qu’elle émane d’établissements de nuit ou de l’éclairage public, insiste le manager du cluster. Des solutions techniques existent pour que le faisceau s’arrête aux zones de la plus haute marée. »

D’autres exigences seraient imposées à l’ensemble des structures qui exercent dans le domaine, telles que l’amélioration de la performance et de la durée de vie des luminaires. L’éclairage festif a été volontairement exclu de la future réglementation, représentant des usages qui restent spécifiques et exceptionnels, estime Loïc Martin-Cocher.

Des enseignes lumineuses dans le centre de Nouméa. En Métropole, des mouvements citoyens se sont créés pour éteindre les vitrines des boutiques à la nuit.

 


Quel bénéfice ?

Selon Loïc Martin-Cocher, manager du cluster Synergie, il est difficile d’avoir une notion précise du bénéfice attendu par rapport à la situation actuelle, qui est hétérogène en fonction des communes, voire entre certaines zones d’une même commune. Mais les nouveaux réseaux et les réfections réalisées dans les plus grosses villes prendraient déjà en compte les recommandations proposées. « Cela est beaucoup plus difficile pour les petites communes. »

 


Des préconisations de l’Académie nationale de médecine

Dans un rapport rendu public en juillet, l’Académie nationale de médecine propose plusieurs recommandations parmi lesquelles le fait d’inclure l’exposition à la lumière la nuit dans la liste des agents perturbateurs endocriniens et de réglementer les éclairages nocturnes à visée publicitaire ou décorative.

 


C’est quoi, Synergie ?

Le cluster a été créé en 2009 à l’initiative d’entreprises qui partageaient le constat qu’il n’y avait pas de cadre incitatif pour le déploiement des énergies renouvelables sur le territoire. Aujourd’hui, Synergie représente 54 entreprises, soit 1600 emplois directs. L’association regroupe des sociétés qui ont toutes un lien avec la transition énergétique (maîtrise de l’énergie, énergies renouvelables, solaire thermique et écomobilité).

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)