Vers une nouvelle politique monétaire

L’IEOM a réalisé un travail d’analyse du système bancaire et de son évolution. L’institut relève que la rentabilité des banques diminue, mais que le système reste néanmoins assez solide et concurrentiel. Une nouvelle politique monétaire plus favorable sera mise en place dans les années à venir afin de soutenir l’activité de la Nouvelle-Calédonie.

Le système bancaire peut sembler bien complexe. L’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), la banque des banques, en a réalisé une analyse sur les vingt dernières années afin de mieux comprendre les grandes tendances de son évolution. Le premier constat est que le marché est plutôt concentré, c’est-à-dire que peu d’établissements sont présents sur le territoire. Paradoxalement, l’institut note que système bancaire est plutôt concurrentiel. Les experts rappellent que ces dernières années ont été une période d’intenses renégociations des crédits qui s’est traduite par « une bagarre entre les banques pour gagner des parts de marché ».

Un manque de dépôts

Une compétition qui a placé la Banque calédonienne d’investissement (BCI) dans une situation délicate, en 2018, et mis en exergue une autre particularité du système bancaire. En rachetant des crédits à tour de bras, la banque a vu ses liquidités se raréfier, au point de ne plus pouvoir accorder de nouveaux prêts. Une situation potentiellement dangereuse pour l’économie qui voit sa principale source de financement se gripper. Ce problème d’accès aux liquidités est récurrent pour les banques calédoniennes qui doivent notamment trouver de l’argent en dehors du territoire. Une nécessité qui résulte du manque de dépôts sur place lié en partie aux placements réalisés en dehors du territoire et en particulier dans des assurances-vie. Le déficit de place, à savoir l’écart entre les encours de crédit et les ressources disponibles pour les banques, progresse en moyenne de 7,6 %. Une des conséquences est un prix du crédit plus élevé.

Des crédits surtout dédiés à l’habitat

En dépit de cette situation, l’IEOM note que le crédit a été un moteur important de la croissance calédonienne de ces dernières années. Entre 2001 et 2018, la croissance annuelle des encours de crédit a progressé de 7,6 %, soit davantage que le PIB qui a, quant à lui, augmenté de 5,1 %. L’institut estime qu’il s’agit d’une progression assez forte sur une période aussi longue. À noter que la plupart des crédits sont destinés à l’habitat. Si le montant des encours continue de progresser, le rythme de croissance est nettement plus faible. C’est le cas pour l’endettement des ménages et des entreprises, mais le contraire pour les collectivités dont le niveau d’endettement explose depuis 2009. Toujours sur la question des encours, le rapport de l’IEOM montre que les créances douteuses n’ont pas vraiment augmenté, malgré le ralentissement économique. Quelques signes de fragilité doivent toutefois appeler à la vigilance. C’est le cas de la progression du taux de créances douteuses même s’il reste à un niveau relativement faible. C’est également le cas du renforcement des tensions de trésorerie pour les entreprises.

Le produit bancaire en stagnation

La rentabilité des banques connaît une érosion sensible depuis quinze ans. Les experts soulignent que le niveau est aujourd’hui historiquement bas, le résultat d’une hausse des charges sans augmentation des marges, sans compter les négociations sur la baisse des prix dans le cadre de la lutte contre la vie chère et les investissements importants dans le numérique que doivent réaliser les banques. On assiste à une stagnation du produit net bancaire, l’équivalent du chiffre d’affaires pour les banques. La rentabilité des établissements calédoniens demeure toutefois comparable à celle des banques de la région. Ce ralentissement pousse néanmoins les banques à chercher de nouveaux gisements de croissance, notamment au travers des crédits à la consommation qui étaient encore peu investis, selon l’IEOM. Un marché qui présente des risques de surendettement pour la population.

Une politique monétaire plus souple

Dans ce contexte de ralentissement et de constante difficulté des banques à accéder à des ressources financières, l’IEOM a annoncé qu’elle allait faire évoluer la politique monétaire conduite sur le territoire. La banque centrale peut agir auprès des banques au travers du dispositif de réescompte. L’institut apporte des liquidités à taux zéro, mais avec des conditions relativement limitatives au niveau des secteurs d’activité et des zones géographiques où sont réalisés les investissements. La nouvelle politique monétaire devrait commencer à être mise en place progressivement à partir de cette année.

Elle sera beaucoup plus souple puisque les critères seront plus ouverts et les montants plus importants. Actuellement, le réescompte représente environ 10 milliards de francs d’encours, ce qui est peu par rapport au niveau total d’encours, de l’ordre de 1 200 milliards de francs (soit 120 % du PIB). Autant dire que la politique monétaire était plutôt discrète et son importance marginale. Le volume de réescompte devrait être multiplié par quatre. Une politique à laquelle le Premier ministre, Édouard Philippe, a, en quelque sorte, donné le coup d’envoi lors du dernier Comité des signataires, le 10 octobre 2019, en accordant 17 milliards de francs supplémentaires au dispositif de réescompte.

M.D. ©M.D./DNC