Le Sénat coutumier soumet actuellement aux autorités calédoniennes un projet de loi du pays qui propose de désigner ses membres par vote. Les femmes de statut coutumier, par effet ricochet, pourraient être candidates.
Pour beaucoup, autour de l’institution de Nouville, il s’agit d’une « révolution ». Il y a même une double innovation. Aux côtés du ministre des Outre-mer samedi 22 février, le président Mahé Gowe a indiqué engager « le changement du mode de désignation des sénateurs et des présidents des conseils coutumiers qui seront désormais élus par le corps des grands électeurs coutu- miers ». Et ce, dès « cette année ».
Un projet de loi du pays, qui promeut donc une désignation par scrutin, et non plus par les us et coutumes, est actuellement dans les canaux juridiques et administratifs des autorités. L’ambition étant de voir un vote du texte au Congrès avant la fin de la mandature, c’est-à-dire d’ici le mois d’août, de façon à ce que le dispositif soit opérationnel pour les prochaines nominations des représentants des structures coutumières issues du nouvel accord politique. Ce travail va de pair avec la volonté de faire du Sénat coutumier, créé par l’accord de Nouméa en 1998 et la loi orga- nique de 1999, la deuxième chambre « dans une formule de bicaméralisme parlementaire avec le Congrès », a souligné Mahé Gowe.
« NOUS ASSUMONS »
Toute personne de statut coutumier pourra être candidat à l’élection, d’après le projet. À condition de respecter certains critères comme l’absence de pouvoir de grand-chef et de mention au casier judiciaire, mais aussi un délai minimum après une carrière militaire ou politique…
La candidature devra être appuyée par une attestation du parcours personnel, qui permettra de cerner la capacité du postulant. Ou de la postulante. Car voilà bien la deuxième et réelle révolution. La personne de statut coutumier candidate peut être une femme, future sénatrice. Cette perspective fait un peu bondir dans certains endroits de la Nouvelle-Calédonie, « mais nous assumons », relève Mahé Gowe, président du Sénat coutumier, qui pointe une évolution et une adaptation. Bien des femmes et militantes associatives ont critiqué le défaut d’ouverture de cet espace « obligatoirement consulté sur les sujets intéressant l’identité kanak », comme le stipule l’accord de Nouméa.
Le candidat sera autorisé ou non par son chef de clan, au premier niveau. Jusqu’à une validation finale par le bureau de vote, toujours selon la réflexion en cours. Il y en aura huit, un par aire, qui se voudra « neutre », composé d’assesseurs coutumiers et de « personnalités reconnues » telles que d’anciens sénateurs… L’élection se tiendra sur une journée, avec des horaires identiques d’ouverture et de fermeture du scrutin sur le territoire.
Qui votera ? Un collège électoral composé de grands électeurs coutumiers sera appelé aux urnes. C’est-à-dire des chefs de clan jusqu’aux grands-chefs, soit autour de 6 000 électeurs.
UN CANDIDAT DE DROIT COMMUN ?
Des points sont toujours travaillés. Un exemple, faut-il toujours un Sénat coutu- mier avec 16 membres, à raison de deux par aire, étant donné la surface de certaines zones ? L’idée serait ainsi de revoir la répartition de ces représentants ou d’inscrire des sénateurs supplémentaires. Les moyens mis à disposition entrent aussi en ligne de compte. Une autre discussion porte, outre la durée de la mandature aujourd’hui calée à cinq ans, sur le mode de désignation du président de l’institution.
Plus encore, une question doit être filtrée par les appareils administratifs et juridiques : une personne de droit commun, reconnue pour son implication dans les tâches coutumières, peut-elle être candidate ? Il y a visiblement débat. Le profil personnel, l’investissement et le positionnement par rapport à l’identité kanak doivent-ils l’emporter sur le statut ? Vaste sujet.
Mahé Gowe ne le cache pas, ce projet de loi du pays qui propose de passer des us et coutumes au scrutin rencontre « des réticences justifiées ». Toutefois, « il est de notre devoir de continuer à expliquer ». Car il y a, à ses yeux, encore une fois, un lien avec l’objectif d’attribuer au Sénat coutumier un pouvoir décisionnel sur tous les dossiers. Le délai d’ici août est court. Mais, pour le président, un cap est tracé.
Yann Mainguet
La discussion a débuté sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Des hypothèses sont sur la table. Des intentions sont aussi rapportées. Et la disparition du Sénat coutumier ou d’institutions coutumières, « c’est impensable », appuie le président Mahé Gowe. « Nous sommes sur une trajectoire qui consiste à faire en sorte que les gens s’entendent sur un minimum. »
Dès le départ, « c’est un choix de nos représentants politiques de faire en sorte que la voix kanak, la voix des autochtones, soit entendue ». Mahé Gowe et ses collègues ont avancé une proposition au ministre Manuel Valls : la poursuite de l’accord de Nouméa avec des réformes « sur le plan du modèle économique, social et culturel », sur une période de transition de dix ans, « avec au terme un référendum d’autodétermination qui portera sur le projet d’indépendance avec partenariat ou association comme le souhaitent 90 % des citoyens autochtones ».