Valoriser les scories, une idée à creuser

Les scories se forment à partir de différents processus industriels tels que la combustion ou la fusion de métal. Elles peuvent être utilisées en tant que coproduits. À la SLN, elles sont vendues au prix de 800 francs la tonne pour une utilisation classique, 1 500 F/t pour le béton noble. / © SLN

Et si la Nouvelle-Calédonie faisait fructifier les 20 millions de tonnes de scories accumulées par la SLN ? Alors que le stock augmente d’un million de tonnes chaque année, ses usages ont régressé dans le BTP. La province Sud et l’industriel cherchent à impulser une nouvelle dynamique.

C’est une montagne de résidus souvent présentée comme un amas de « déchets », « une conséquence négative de l’usine de Doniambo », de l’avis même de Nathalie Bakhache, secrétaire générale de la SLN qui s’exprimait à la conférence organisée par son entreprise et la province Sud, le 23 juin, à l’attention des professionnels de la construction. Pourtant, la scorie est un matériau bien connu des Calédoniens, utilisé pour les remblais, les routes, les agglos et les dalles.

Il y a ici un savoir historique en la matière, remontant au début du XXe siècle. Les résidus de nickel ont été utilisés pour construire des avancées sur la mer à Doniambo, Sainte-Marie, Ouémo, la Vallée-du-Tir, en baie de la Moselle, au port autonome, ou encore à l’aéroport de Magenta. C’est ainsi que Nouméa s’est étendue de 37 à 50 km 2 entre 1854 et 2005. « 25% de la capitale est construite sur du remblai renfermant des scories issues de Doniambo. »

Fut un temps, le produit entrait dans la composition du revêtement des routes, principalement dans le Grand Nouméa. Il revient pour un essai sur une route de montagne à Voh, en remplacement du schiste. Depuis 20 ans, on produit aussi des agglos avec de la scorie en remplacement du sable naturel. On la trouve enfin dans les acropodes qui servent à protéger le littoral, au port de Tadine à Maré.

« IL FONCTIONNE »

Pourtant, les usages ont peu à peu régressé. Plusieurs raisons à cela, selon Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud : un savoir-faire peu transmis aux jeunes générations d’ingénieurs, des questions de responsabilité qui poussent à chercher « le top du top ». Parfois, la scorie, issue du minerai de fer, est ainsi importée, en raison de son meilleur pouvoir hydraulique.

La SLN vend 5 000 tonnes annuellement pour ces applications traditionnelles. Parmi les pistes privilégiées de développement présentées par le directeur de Doniambo Scories, Yves Veran : son utilisation en remplacement du sable naturel, l’un des composants habituels du béton. Depuis une dizaine d’années, la SLN a fait réaliser des travaux sur cette application par des universités spécialisées en Australie et le Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton, le centre de référence métropolitain du BTP.

Elles ont permis de qualifier, dans les normes françaises et australiennes, la scorie calédonienne comme un granulat pour du béton de qualité. Un nom commercial lui a même été donné : le Sland. « Il ne remplacera pas le sable naturel mais aidera à ce qu’on en utilise moins car il fonctionne », insiste le directeur qui vante sa propreté, sa stabilité, son caractère inoffensif. La SLN a réussi plusieurs chantiers prouvant son efficacité : une infirmerie, un poste électrique en bord de mer ou la route Perlini pour les gros-porteurs.

UN PRODUIT CALÉDONIEN

Que manque-t-il donc pour revoir la scorie dans nos constructions ? De la pédagogie et une inscription dans un cadre normatif. Ce sera bientôt le cas avec la rédaction du référentiel de la construction calédonienne (RCNC) par les services du gouvernement (DAPM). Pour le béton noble, c’est-à-dire prêt à l’emploi, un travail est engagé avec les bétonniers sur les formulations. Pour les utilisations, les regards se tournent vers la puissance publique. Selon Olivier Thirionet, directeur du bureau d’études LBTP, « elle a le devoir de dire comment elle veut voir utiliser les produits dans ses ouvrages. Énormément de freins seront levés et les privés suivront ».

La province Sud y est favorable, la démarche répond à ses engagements en faveur de la valorisation des déchets, du développement durable, de l’économie circulaire. En tant que « premier investisseur du territoire, avec un budget de 12 milliards d’investissement », elle pourrait apporter sa « puissance de feu » avec déjà, des idées. « On a ressorti des cartons la liaison entre Koutio et Ducos pour désengorger la voie de dégagement. Si on doit faire un remblai, on a un matériau sous la main. »

L’export reste néanmoins le meilleur moyen de faire des gros volumes. 120 000 tonnes ont été vendues en deux ans à Houston aux États-Unis (sable pour décaper les surfaces), 40 000 partiront début août. Après un essai en 2022, 35 000 tonnes devraient être envoyées à Tonga au second semestre. Des contacts ont été pris au Vanuatu, aux îles Marshall. « Tous les pays du Pacifique sud-ouest sont susceptibles de prendre de la scorie, car ils ne veulent plus détruire leurs plages ou draguer le fond de leur lagon », note Yves Veran persuadé que la protection du littoral va devenir un « enjeu majeur » et que la scorie pourra les intéresser pour la protection des berges. D’un point de vue industriel, la scorie serait le deuxième produit dans le monde après l’eau. « Elle est de plus en plus utilisée, de moins en moins disponible et coûte de plus en cher. » Peut-être une opportunité dans le cadre de la relance économique.

Chloé Maingourd