Une solution venue de la montagne

Jean-Gabriel Faget, directeur général d’Enercal, a présenté le projet de la Step de Tontouta au ministre des Outre-mer, Manuel Valls, dimanche 23 février à Boulouparis. © Y.M.

Travaillé par Enercal et EDF, le projet d’une station de transfert d’énergie par pompage à Tontouta apparaît comme « une solution de stockage durable » en faveur de la décarbonation de la métallurgie. Une impulsion de la puissance publique est souhaitable.

Du haut de la colline entourée de panneaux photovoltaïques à Boulouparis, Manuel Valls s’est intéressé aux explications fournies. « Ce type de projet donne une attractivité. Il démontre que l’on peut voir loin » a insisté, à l’issue de l’échange, le ministre des Outre-mer, dimanche 23 février, devant un plan coloré.
La Nouvelle-Calédonie, dont la principale industrie est axée sur le traitement du minerai de nickel, s’est engagée sur la voie de la transition énergétique. Cette résolution s’appuie sur trois piliers, pour une meilleure stabilité. Tout d’abord, des centrales thermiques pilotables avec des moteurs au gaz. Puis, des installations solaires, abondamment. Enfin, et surtout, des moyens de stockage, puisqu’en milieu de journée, le niveau d’électricité d’origine intermittente est déjà potentiellement considérable. Ce dernier chapitre intègre deux familles : les batteries et, depuis bien plus longtemps, la solution hydroélectrique avec les stations de transfert d’énergie par pompage, ou Step.
« Il y a une complémentarité, a précisé à Boulouparis Jean-Gabriel Faget, direc- teur général d’Enercal. Mais nous pensons qu’étant donné les volumes qu’il va falloir absorber et le taux de décarbonation nécessaire pour les usines métallurgiques, il faut de grosses installations avec une capacité de stockage sur des décennies et des décennies. » Des outils donc durables et économiques.

À 700 MÈTRES D’ALTITUDE
Avec le groupe Électricité de France (EDF) et sa division hydro, la société Enercal a trouvé un site capable d’accueillir une Step : au nord de Tontouta, sur une concession minière en fin de vie exploitée par la Société minière Georges Montagnat (SMGM).
Le projet consiste à créer un circuit d’eau fermé. Le principe : en journée, pomper l’eau du bassin inférieur implanté dans la plaine vers le bassin supérieur situé à 700 mètres d’altitude grâce à l’excédent d’énergie solaire disponible ; et le soir, faire descendre l’eau du bassin supérieur vers des turbines qui fabriquent de l’électricité aux heures de forte demande et non ensoleillées, et récupérer l’eau dans le bassin inférieur.
Le projet d’Enercal affiche une capacité de 900 mégawattheures de stockage. Ce qui correspond par exemple à l’alimentation de Prony Resources New Caledonia (PRNC). Le réservoir d’eau disposera de 550 000 m3 de volume utile. « Le site est idéal », a souligné Jean-Gabriel Faget, citant tout d’abord la réhabilitation d’une ancienne mine, puis la proximité de la rivière La Tontouta pour le remplissage initial du réservoir et de la ligne de transport de l’électricité. La structure est enfin envisagée dans une zone à fort potentiel de production solaire.
« Nous avons un projet désormais dérisqué et prêt à démarrer. Nous y travaillons depuis trois ans, a ajouté le directeur général. Il est à la disposition des pouvoirs publics pour une décision, et nous pouvons le faire dans des délais courts. » Si l’accord est donné aujourd’hui, la mise en service peut intervenir dans cinq ans, soit autour de 2030.

PARTICIPATIONS ET EMPRUNT
L’investissement dans une telle Step est significatif : 50 milliards de francs. Enercal assimile ce projet à un grand barrage, en termes à la fois de montant mais aussi de durabilité et de valeur ajoutée pour les entreprises locales, à peu près 40 % du budget total à travers des travaux de terrassement, de génie civil, d’électrotechnique…

Lors de la première phase de la transition énergétique pour la distribution publique, la Nouvelle-Calédonie est passée d’un 80 % – 20 % en répartition énergie fossile – renouvelable, à aujourd’hui un petit tiers en énergie fossile et deux-tiers en énergie renouvelable. L’étape numéro 2 maintenant : la métallurgie.

Comment financer ce plan qui s’inscrit dans le Schéma de la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie, ou Stenc 2 ? Les porteurs du projet ont travaillé depuis deux ans avec la Banque des territoires, la Banque européenne d’investissement et l’Agence française de développement, pour combiner des prises de participation au capital et de l’emprunt.
Des industriels pourraient être intéressés, « cela ferait sens, a observé Jean-Gabriel Faget. Parce que « c’est pour eux, c’est l’outil de décarbonation de la métallurgie ».
Le dossier sera en outre éligible à la défiscalisation. L’État peut intervenir sous diverses formules : subvention, prise de participation au capital donc apport de fonds propres, et emprunt favorable, c’est-à-dire sur des maturités très longues… ou des combinaisons de toutes ces options.
À la sortie, le prix de l’électricité sera ainsi véritablement compétitif, assure la société Enercal, et réellement décarboné. Une condition, la Step nécessite un métallurgiste a minima en exploitation.

Yann Mainguet