Une rentrée dominée par la peur des parents

La rentrée scolaire en demi- groupe chez les primaires et les maternelles a débuté lundi dans un climat particulièrement anxiogène. Beaucoup de parents ont choisi de garder leurs petits à la maison par peur de la contamination. Un phénomène particulièrement marqué en Brousse.

Cette rentrée n’a rien de serein. Si certains parents sont plutôt satisfaits de pouvoir à nouveau déposer leur progéniture à l’école, ce n’est pas le cas de tout le monde. Loin de là. Beaucoup ont d’ailleurs choisi de garder leurs enfants à la maison.

Pour l’UGPE, l’Union des groupements des parents d’élèves qui rassemble 3 000 adhérents, cette situation est assez préoccupante. « Depuis quelques jours, nous recevons des témoignages de parents très inquiets qui souhaitent exercer leur droit de retrait jusqu’à la fin de l’année. Nous devons prendre leur peur en compte, mais nous n’avons pas le temps de discuter avec tous pour la désamorcer », regrette Florenda Nirikani, animatrice de l’UGPE, qui informe et sensibilise inlassablement les adhérents.

Elle leur répète que même si les enfants attrapent le Covid, ils ne développeront pas de formes graves. « Personnellement, ma fille va à l’école. Je sais que si elle l’attrape, elle peut me le transmettre. Mais je n’ai pas peur alors que beaucoup de parents sont extrêmement angoissés », reconnaît-elle. Pour elle, ce sentiment est la conséquence d’une communication maladroite depuis le début de cette crise. « Cela fait des semaines qu’on nous annonce tous les jours des morts, il ne faut pas s’étonner que les gens soient effrayés ! », lance-t-elle, un brin agacé.

Caren Euriboa, habitante de Houaïlou et maman de deux enfants de 7 et 5 ans, fait partie de ces parents apeurés. « Je n’enverrai pas mes petits à l’école jusqu’à la fin de l’année », certifie la jeune femme. Elle avoue avoir très peur pour eux, car sa nièce de 7 ans a contracté le Covid il y a deux semaines et développé des symptômes assez forts. « Des difficultés respiratoires, de fortes fièvres et une grande fatigue », énumère Caren.

Elle craint par ailleurs que son papa de 76 ans qui habite chez elle ne soit également contaminé. Particulièrement méfiante, elle admet « ne plus avoir confiance en rien ni personne ». Rien ne la rassure, surtout pas les autotests et les précautions mises en place à l’école. « Je ne crois pas que les autotests soient fiables et les mesures de protection à l’école ne sont pas suffisantes. Je travaille dans un établissement et je n’ai pas été convaincue », estime-t-elle.

« On attend de voir »

Stéphanie est davantage rassurée, mais elle reste très méfiante. Maman de cinq enfants, elle a accepté que ces grands reprennent le chemin du collège et du lycée la semaine dernière. « Tout se passe très bien, ils font leurs autotests », précise-t-elle. En revanche, pour les plus jeunes, elle se pose beaucoup de questions. « J’ai choisi de ne pas les envoyer, car celui qui est en primaire a des problèmes de santé. J’ai demandé l’avis au médecin qui ne m’a pas vraiment rassurée. J’ai appelé les instituteurs, ils me disent qu’ils ont mis les moyens pour protéger tout le monde, mais j’hésite beaucoup. J’attends de voir avant de les emmener », affirme Stéphanie.

Plus inquiétant, l’UGPE voit apparaître des phénomènes de phobie scolaire. « Nous avons reçu des témoignages d’élèves totalement effrayés par cette maladie et qui ont développé une phobie, assure Florenda Nirikani. Ils ont présenté quasiment les mêmes symptômes que le Covid avec une détresse respiratoire et de la fièvre, alors qu’ils n’avaient pas été contaminés. » Si ces cas extrêmes sont heureusement rares, le phénomène reste préoccupant.


Les autotests font aussi leur rentrée chez les petits

Ils sont destinés à rassurer les parents et à isoler les cas positifs de manière précoce afin de limiter le risque épidémique. « Nous avons distribué des autotests par boîte de cinq à tous nos élèves qui ont commencé lundi et nous les distribuerons également aux enfants du deuxième groupe ce jeudi », explique Cédrick Sangarne, directeur de l’école Gustave-Clain, l’une des écoles primaires les plus importantes de la commune avec 170 élèves.

L’établissement a demandé aux élèves de se faire dépister le lundi soir, « mais ce n’est pas une obligation donc on ne peut pas contrôler s’ils l’ont vraiment fait », remarque le directeur qui précise qu’aucun cas positif n’a été détecté. Ces tests sont à faire une fois par semaine, de préférence le soir précédent la reprise de l’école.


L’absentéisme chez les petits, un nouveau marqueur social ?

Cette rentrée n’est pas la même d’une école à l’autre et d’une province à l’autre. Dans certains quartiers de Nouméa, comme à l’école Marie-Havet de Ouémo, la plupart des élèves sont présents. « Nous fonctionnons évidemment en demi-groupe comme partout ailleurs en province Sud et dans cette configuration, nous avons très peu d’absentéisme, à peine 5 % », relate Pascale Geoffroy, la directrice.

À l’école Gustave-Clain à Dumbéa, c’est environ la moitié des élèves censés être présents qui ne sont pas venus. « L’absentéisme est particulièrement marqué dans les quartiers modestes, en Brousse, à Dumbéa ou à Païta », décrit Christophe Dabin, chargé de l’enseignement primaire à l’UT CFE-CGC. L’absentéisme en primaire et maternelle semble très lié au niveau d’information dont dispose les parents. « C’est un peu dur à dire, mais ça semble être le cas », regrette Christophe Dabin.


Fort taux d’absentéisme dans le secondaire en Brousse

Même si la tolérance à l’absentéisme est pratiquée jusqu’à la fin du mois, Isabelle Champmoreau, en charge de l’enseignement, engage publiquement les élèves de tous niveaux à rejoindre leur établissement. Pourtant, l’absentéisme en Brousse reste important.

Au collège de Wani, à Houaïlou, où les cours ont repris il y a deux semaines, les élèves ne sont pas nombreux. « Il y a 30 % des effectifs de la 6e à la 4e et 50% des 3e. Il y a beaucoup d’inquiétudes chez les familles, constate Arnaud Richard, principal du collège. La commune de Houaïlou compte huit morts dus au Covid-19, c’est une des communes les plus touchées de la province Nord et plusieurs personnes sont en réanimation à l’hôpital. » Si les conséquences de l’épidémie sont moins importantes sur Canala et Kouaoua, le taux d’absen- téisme scolaire y est également très important.

Virginie Grizon