Une première bougie qui sent le soufre

Le 1er avril 2015, Philippe Germain était élu dans la précipitation à la présidence du gouvernement. Pour obtenir la majorité, le candidat de Calédonie ensemble avait alors bénéficié des suffrages du Palika et de la voix de Jean- Louis d’Anglebermes de l’Union calédonienne, récompensé d’ailleurs par une place de vice-président. Tout juste un an après, tout concorde pour dire que la stabilité promise n’est pas au rendez-vous et que bon nombre des engagements pris à l’époque sont restés lettre morte.

Il est de tradition, à la date anniversaire, de se livrer à l’exercice souvent pénible du bilan d’une institution, quelle qu’elle soit, en l’occurrence du gouvernement Germain.

Après l’épisode avorté du Contrat de gouvernance solidaire, qui, rappelons-le, a pris fin prématurément à l’initiative de Calédonie ensemble au motif que le Front pour l’unité refusait de voter en l’état une réforme fiscale jugée à bien des égards inégalitaire voire confiscatoire, que reste-t-il de ces 365 jours passés par Philipe Germain dans le fauteuil de président ?
Ce qui domine, c’est incontestablement la gestion pour le moins hasardeuse du conflit des rouleurs et des petits mineurs et l’entêtement du patron de l’exécutif qui a conduit au blocage de Nouméa et de ses principaux axes routiers en août 2015.
Il est d’ailleurs symptomatique que ce dossier se retrouve cette semaine au cœur de l’actualité politique et économique du pays sans que des décisions concrètes et tangibles aient été prises pour tous les requérants.

Le constat est à la portée de tous : c’est objectivement l’échec d’une méthode, celle qui consiste à laisser peu de place à la concertation et au dialogue en privilégiant la politique du fait accompli. Ce gouvernement souffre fondamentalement et presque génétiquement d’une gouvernance défaillante, tant à l’égard des partenaires sociaux que de ses propres équipes. Il suffit, pour s’en persuader, d’observer ce que l’on pourrait qualifier de fuite des cerveaux avec le départ précipité de nombreux hauts responsables de l’administration calédonienne vers d’autres corps, parfois même moins prestigieux. Ces défaillances n’ont pas échappé à ceux qui ont porté Philippe Germain à la présidence, et Daniel Goa, le président de l’Union calédonienne, qui avait fait en son temps pencher la balance, ne mâche pas ses mots pour dire que le compte n’y est pas.

Reculades et promesses

En décembre, à l’heure d’élaborer le budget de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement a fait le constat que le pays était entré dans une situation de crise et qu’il lui serait impossible de maintenir le niveau d’engagement qui était le sien au cours des exercices précédents. Les conséquences en matière de dotation aux collectivités s’en feront sentir tout au long de cette année et sans doute encore en 2017. Alors certes, la crise est là, et avec elle, les risques sur l’emploi et plus généralement sur le niveau d’activité des entreprises du pays. Mais ce sont les solutions mises en place dont le gouvernement Germain sera comptable, comme il sera jugé responsable de l’arrêt d’une grande partie de l’activité minière sur la côte Est, si arrêt il doit y avoir, pour ne pas avoir voulu entendre les alertes lancées depuis des mois en raison de promesses démagogiques.

Les reculades sur la mise en œuvre de la TGC, taxe générale à la consommation, le refus incompréhensible de vouloir se pencher sérieusement sur un ajustement des tranches de l’impôt sur le revenu des personnes physiques au seul motif que cette réforme est portée par d’autres, les engagements indicibles avec le Palika en faveur d’une doctrine nickel dont chacun peut constater aujourd’hui la dangerosité ou le cadeau fiscal accordé à la SMSP, sont autant de stigmates qu’il sera difficile de faire disparaître avec de simples discours.

Que dire de la gestion du dossier de la vie chère pourtant longtemps considéré comme faisant partie de l’ADN du président Germain. Quelle lenteur pour mettre en œuvre le fameux agenda partagé, pourtant considéré comme étant la priorité des priorités. Sur ce thème, le silence de l’intersyndicale fait froid dans le dos mais témoigne aussi d’un des rares succès de ce gouvernement. Il en faut bien quelques-uns.

Et cette réussite indéniable, c’est la capacité du gouvernement Germain, du moins sa « majorité », de donner l’impression de l’action alors qu’il ne se passe rien, de faire mine d’être engagé dans des réformes alors que l’on est debout sur le frein et figé sur le rétroviseur. Fort de ces constats d’évidence, la rumeur d’une chute prochaine anime le microcosme politico-médiatique jusque dans les couloirs de l’immeuble de la route des Artifices. Des noms circulent, des stratégies, souvent bancales, sont ébauchées dans l’urgence et oubliées tout aussi vite. Au final, Philippe Germain pourrait rester dans son fauteuil pour quelque temps encore.

Alors, en ce 1er avril, bon anniversaire M. le président.

C.V.