« Une petite dépense de prévention, c’est l’économie de grosses réparations »

L’idée d’une redevance « fait grincer des dents », constate Joseph Manauté, membre du gouvernement chargé de la Politique de l’eau, mais les travaux sont indispensables et le paiement incitera les utilisateurs à la sobriété, estime-t-il. Dans l’agriculture et le nickel, une approche « parcimonieuse » est plus que jamais nécessaire. Interview.

DNC : Quelle est la situation de la gestion de l’eau à l’échelle du pays ?

Joseph Manauté : À Yaté, à Poum, vu l’immense superficie et la faible population, il est impossible de se doter d’un service de l’eau. On a un gros besoin d’assistance technique. À Nouméa, c’est l’inverse. Il est donc difficile de généraliser, mais globalement, la population a accès à l’eau, même si on a un vaste territoire. Je trouve que la situation est plutôt satisfaisante, d’autant qu’il y a une prise de conscience, chez les responsables, de la nécessité de protéger la ressource.

La loi créera une redevance pour financer le Fonds de l’eau. Comment l’imaginez-vous ?

Le paiement de l’eau est un sujet un peu tabou. Et pourtant, c’est un moyen de faire prendre conscience du caractère précieux de la ressource. L’eau va se raréfier, les territoires s’urbanisent, s’imperméabilisent. Avoir une approche parcimonieuse de l’utilisation dans l’agriculture ou la métallurgie, notamment, c’est indispensable. La protection de la ressource passe parfois par des travaux, comme la restauration d’un bassin versant. Il faut donc des recettes. Soit on les perçoit auprès du consommateur, avec une redevance. Soit auprès du contribuable, par les impôts. Ça fait grincer des dents, mais je reste persuadé qu’une petite dépense de prévention, c’est l’économie de grosses dépenses de réparation.

 

Les Conseils de l’eau font appel à l’intelligence collective, c’est leur force.

 

Qu’attendez-vous des Conseils de l’eau ?

Ce sera un outil de plus, notamment pour les coutumiers, puisque la gestion de l’eau leur revient sur leurs terres. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’outil qui leur permettrait de déléguer toute ou partie de la gestion, si besoin.

Partout, les Conseils de l’eau exploitent l’intelligence collective, c’est leur force, et c’est pour cela qu’ils inquiètent parfois les collectivités, qui peuvent craindre de perdre du pouvoir. Mais plusieurs maires ont déjà compris l’intérêt. C’est un super outil de concertation. On peut aussi lui déléguer la gestion de l’eau, même s’il n’y a aucune obligation.

 

Il faut encourager ces pratiques agricoles beaucoup plus respectueuses de l’environnement.

 

Sur mines, que faire pour limiter les dégâts sur les cours d’eau ?

La Dimenc administre le Fonds nickel. La Davar intervient sur la plaine. Aujourd’hui, on constate des frictions sur les domaines de compétence. Ce qu’il faut arriver à faire, c’est avoir une politique de l’eau unique, où que l’on soit. Il y aussi la question du passif. Pour les mines orphelines et les mines actives qui ont été exploitées avec des pratiques d’un autre temps, Thio, par exemple, comment fait-on ? Si on laisse faire la nature, des millions de tonnes de gravats et de stériles vont descendre.

Ma vision, c’est de rapprocher les deux directions concernées et de parvenir à une politique de prévention homogène. Ça passe notamment par le code minier. Sans mettre les mineurs en difficulté, il faut trouver un juste milieu. Il faudra avoir des discussions avec le secteur du nickel parce que l’on arrive à un moment, avec le changement climatique, où l’on est confronté à des problèmes qui prendront de l’ampleur.

Et du côté de l’agriculture ? Ne faut-il pas encourager des pratiques moins gourmandes en eau, l’agroforesterie, par exemple ?

Pour moi qui suis forestier de formation, la transition alimentaire passe par l’usage parcimonieux de l’eau, la protection des sols. Quand on utilise peu ou pas d’intrants, ça va dans le bon sens. Il faut encourager ces pratiques agricoles beaucoup plus respectueuses de l’environnement.

Il ne faut pas forcément des dizaines de milliards, mais il faut inciter. Et l’élan existe déjà. Les agriculteurs vont vers l’agroforesterie, pas parce qu’ils aiment se faire mal, mais parce que ça marche.

 

Propos recueillis par Gilles Caprais (© G.C)