Une enquête inédite sur les 14-15 ans

Health problems and social issues. Teenagers smoking electronic cigarette in park.

« Bien dans mes claquettes », inspirée de la fameuse « méthode islandaise », constitue une photographie des comportements des collégiens de 3e en province Sud. Les résultats, dont certains sont préoccupants, notamment concernant les violences et les addictions, doivent permettre à la province, aux communes et aux établissements scolaires d’ajuster leurs politiques en faveur de la jeunesse.

En 20 ans, la délinquance et la consommation d’alcool, de tabac et de drogues des adolescents islandais ont chuté grâce au programme Planet Youth du professeur américain Harvey Milkman, passé en Nouvelle-Calédonie en 2018 et 2019. Il préconise, entre autres, l’instauration d’activités sportives et culturelles, ainsi qu’un meilleur accompagnement familial. Depuis, la méthode a essaimé dans 16 pays, dont l’Irlande, l’Espagne, l’Écosse, la Belgique, le Canada, les États-Unis et, plus près de nous, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La province Sud s’est appuyée sur cette démarche pour « Bien dans mes claquettes », qui découle de sa stratégie jeunesse adoptée en décembre 2021. Le questionnaire, destiné aux élèves de 3e, reprend le modèle islandais. Quelques retouches y ont été apportées. « On a adapté le vocabulaire qui ne correspondait pas pour une meilleure compréhension, et on a ajouté des questions », indique Pascale Domingue Mena, médecin responsable du programme baromètre et études à l’Agence sanitaire et sociale (ASS), en charge de l’enquête. Seul le domaine de la sexualité n’est pas exploré, « le sujet étant déjà bien développé dans le Baromètre santé jeunes, explique Carmella Fernandes Da Rocha, chargée de mission projets stratégiques jeunesse à la province Sud. On voulait vraiment que cela reste de l’ordre du social. »

VIOLENCE, DÉLINQUANCE
ET COUCHE-TARD

Les données, affinées par commune, par collège et, pour la ville de Nouméa, par secteur géographique, seront distribuées aux collectivités et aux établis- sements scolaires afin de servir de support pour leurs actions. « L’idée est que chacun s’approprie les résultats et que cela provoque des échanges. » Ce qui ne devrait pas manquer. Des éléments interpellent, estime Carmella Fernandes Da Rocha, à l’image de la place de la violence. « Ils l’utilisent, ils en sont victimes ou témoins : quatre jeunes sur dix ont déjà agressé physiquement et 5 % ont subi des violences sexuelles. » Tout comme les actes de délinquance, le fait d’avoir déjà volé ou agressé, note Pascale Domingue Mena. « L’île des Pins est la commune où le taux des jeunes ayant déclaré commettre souvent des vols est le plus élevé, avec 18,5 %. »

Les chiffres montrent également « une vraie tolérance vis-à-vis de l’alcool et de la cigarette électronique dans beaucoup de foyers ». L’heure du coucher, entre 22 heures et minuit pour un quart des 3e interroge, poursuit Carmella Fernandes Da Rocha. « Je pensais aussi que les parents connaissaient ceux des amis de leurs enfants, mais pas forcément. Parfois, ils ne connaissent même pas les copains. La question se pose de savoir avec qui sont les enfants. »

EXPÉRIMENTATION
ET DISPOSITIF CLICK & MOUV’

L’ensemble des réponses est toutefois loin d’être préoccupant, rassure-t-elle. « Ils aiment leur quartier et se sentent plutôt en sécurité dans leur établissement scolaire. » Et certaines attitudes sont plutôt habituelles à cet âge. « Les jeunes sont dans l’expérimentation, ils se cherchent un peu. » Le travail d’analyse doit être poursuivi avec le croisement des données. « On va demander à l’Agence sanitaire et sociale d’essayer d’identifier les facteurs de risque ou ceux qui vont être protecteurs, développe Carmella Fernandes Da Rocha. On sait, par exemple, que le temps passé en famille a un impact sur l’âge des premières consommations addictives. » L’enquête sera reconduite tous les deux ans afin de suivre les évolutions. Il va falloir attendre un peu pour en constater, considère Pascale Domingue Mena. « On verra plutôt des changements dans cinq ou six ans, le temps que les comportements se modifient. » Quelques semaines après la présentation de « Bien dans mes claquettes », qui révèle qu’un tiers des jeunes ne pratiquent pas d’activités, la province Sud a annoncé la mise en place du dispositif Click & Mouv’, une application web qui permet à chaque jeune scolarisé de 11 à 15 ans d’obtenir 15 000 francs pour découvrir des occupations culturelles, artistiques et sportives. Un premier pas.

Anne-Claire Pophillat

 

2 481 collégiens de 3e ont répondu sur 3 016 élèves inscrits dans les collèges de la province Sud, soit 82 %.

88,2 % sont scolarisés dans Nouméa (45,7 %) et Grand Nouméa (20,6 % à Dumbéa, 11,9 % à Païta et 10 % au Mont-Dore).

40 % parlent une autre langue que le français à la maison.

25 % des jeunes se lèvent avant 5 heures. Ils sont plus de 43 % à Païta et 34 % au Mont-Dore.

 

DISPARITÉ ENTRE FILLES ET GARÇONS
Carmella Fernandes Da Rocha, chargée de mission projets stratégiques jeunesse à la province Sud, remarque des différences marquées entre les filles et les garçons sur le sentiment de mal-être, la bienveillance de la part des pairs, les activités de loisirs : « elles font plus de l’artistique et du culturel, donc elles sont moins actives en termes de sport », mais aussi concernant les violences, qui les touchent davantage. « Du coup, elles semblent surinvestir le champ scolaire et se jugent meilleure élève. » Les filles sont notamment plus nombreuses à avoir été victimes de violences verbales et sexuelles, se sentent moins respectées par les adultes au collège et sont moins satisfaites de leur vie.