Une charte de l’arbre et des forêts en province Sud

Dans le but de préserver ses écosystèmes menacés et pour développer la sylviculture, la province Sud a l’ambition d’élaborer une stratégie de reboisement en s’appuyant particulièrement sur le savoir-faire des associations environnementales. Une charte a été signée en ce sens le 15 septembre.

La collectivité a pris l’engagement moral de travailler avec les associations et ONG environnementales à l’élaboration d’une stratégie de reboisement sur le long terme. Une politique rendue nécessaire par la diminution constante des surfaces forestières, à cause des activités humaines, des feux, des espèces envahissantes et du changement climatique et qui pourrait aussi bénéficier à la relance du secteur forestier et agroforestier. Une politique qui vise notamment à l’accession de « fonds verts » français ou européens. Et qui pourrait aussi se servir des fameuses compensations minières.

Les acteurs présents, le 15 septembre, vont se retrouver dans le cadre d’ateliers, de visites de terrain et devront déterminer, avant la fin de l’année, une feuille de route définitive avec des objectifs numériques, géographiques et financiers. Les associations vont apporter leurs connaissances, leur savoir-faire en matière de plantations, la province son soutien technique, sa caution morale, sa puissance de communication et la collaboration de la SAEM Sud Forêt. Charge à eux tous ensuite de proposer des projets, pilotes dans un premier temps, et d’accéder aux financements institutionnels ou privés, sachant que les subventions locales sont en voie de diminution.

L’ambition générale vise en particulier la protection, la gestion et la restauration des bassins-versants (drainés par les cours d’eau) et en priorité les espaces dégradés par les feux, la mine, les espèces envahissantes par l’utilisation d’une sylviculture « ambitieuse » et « respectueuse ».

Des plantations de substitution au maquis minier

La question des compensations minières est une source de réflexion concrète. Les sociétés minières sont tenues, on le sait, de planter suite au défrichement, mais force est de constater qu’elles ne respectent pas toujours leurs obligations. « L’idée est de proposer à celles qui ont pris du retard de remplacer les objectifs de maquis minier par des plantations de substitution bénéficiant à la sylviculture et aux associations environnementales », explique Philippe Blaise, vice-président de la province, en charge de l’environnement. Proposition sera faite qu’un tiers des surfaces à replanter ne le soit pas en maquis minier, mais en sylviculture, en reboisement de forêt sèche. Ces opérations seront financées dans le cadre des obligations des sociétés.

Interrogée sur les inquiétudes légitimes relatives à la monoculture de Pinus, dont on connaît, malheureusement, le potentiel envahissant, la collectivité répond qu’il y a eu, effectivement, une époque où l’on plantait « n’importe quoi, n’importe où », mais Sud Forêt avait les compétences pour gérer correctement les plantations. De fait, la province soutient son ambition de créer un modèle de sylviculture durable qui associe des espèces à rotation rapide, comme le Pinus, et lente, comme l’araucaria, le chêne gomme, des plantations à « haute qualité environnementale ».

« Tout l’intérêt de la plantation HQE, c’est qu’on crée des modèles économiquement pérennes qui permettent de financer du reboisement à vocation écologique. On finance avec des espèces à croissance rapide (25 ans) des plantations d’espèces à croissance lente (60, 90 ans) », illustre Philippe Blaise. Ricardo Pinilla Rodriguez, directeur général de Sud Forêt, attendait cette démarche. « Je suis très heureux parce qu’on travaille à la restructuration de la filière bois (sylviculture, forêt et construction bois), mais il manquait ce soutien pour le reboisement de restauration. On va créer réellement une richesse pour les générations futures. »

Changer les mentalités agricoles

Dans les environnements dits dégradés, un axe de travail concerne aussi le développement d’agroforesterie en milieu rural. L’idée est de faire évoluer notre modèle agricole « à l’australienne », comme l’a expliqué Philippe Blaise. « On a beaucoup rasé pour faire de la production intensive. Aujourd’hui, ce modèle est à bout de souffle et on souhaite donc réviser complètement notre politique de subventions et la formation des agriculteurs pour que, de plus en plus, ils replantent des arbres, notamment en bordure de propriété, de façon à avoir une agriculture qui concilie productivité et protection de l’environnement ».

La province a pris l’engagement de demander aux agriculteurs subventionnés de respecter les bonnes pratiques ainsi que le code de l’environnement, de reboiser les bords des rivières afin de lutter contre l’érosion et d’éviter que la terre et tout ce qu’elle comporte se retrouve dans les mangroves et le récif.

Des moyens insuffisants

Emmanuel Hernu, du collectif Bwärä tortues marines, ambassadeur de la Charte se bat depuis plus de quinze ans contre « les massacres organisés en bord de rivière » dans la région de Bourail. Selon lui, « on pousse les grandes exploitations à coups de subventions. Des arbres centenaires sont coupés parce qu’ils font de l’ombre ! » et il estime que la réglementation est « fictive ». « Personne ne prend ses responsabilités, les dérogations sont faciles et les contrôles inexistants ». Emmanuel Hernu juge qu’il faudrait se doter de réels moyens de contrôle et de sanction, « comme le service Eaux et Forêts de l’époque ». Et qu’il faudrait un code forestier.

Du côté de SOS Mangroves, on salue « le principe de base ». Mais Monique Lorfanfan, sa présidente, explique que la question des mangroves a été rajoutée sur le tard et qu’elles ne devraient pas être concernées par de grands chantiers ou recevoir de fonds « plutôt tournés vers la forêt sèche ». Dans l’hémicycle, elle a aussi appelé la collectivité à davantage de cohérence, notant une récente régression : une modification du code de l’environnement « pour permettre de détruire jusqu’à 100 m2 de mangroves », un écosystème pourtant d’intérêt patrimonial et protégé par l’Unesco. Elle évoque également les projets de la colline Guégan ou de la passerelle de Ouémo, qui vont à l’encontre de ces principes. Enfin, elle estime que le curseur des priorités n’est pas forcément au bon endroit. « Un hectare de mangroves apporte 400 à 600 kg de poisson par an et deux à trois millions de francs pour les familles. Ce n’est pas la forêt sèche qui nourrira le pays. »

Hubert Géraux pour le WWF, salue « cet affichage politique sur un sujet qui nous est très cher », mais tient à exposer les freins qui se posent aujourd’hui aux campagnes de reforestation. « On plante quelques dizaines de milliers d’arbres dans l’année, toutes associations confondues, mais on en détruit beaucoup plus. Dans un seul feu, il peut y en avoir des millions ! » Dernièrement, des sentiers vitrines, des plantations qui ont réuni beaucoup de monde, ont encore pris feu et la difficulté est « d’éviter l’éternel recommencement ». Autre frein soulevé par le WWF, la question des cerfs et des cochons. « Ça coûte très cher, mais on ne peut pas laisser la reforestation sans surveillance ou alors il faut être très originaux et utiliser, par exemple, la chasse pour protéger les plantations. »

L’intention du politique est donc jugée plutôt intéressante, mais ce qu’espèrent les associations, c’est une vraie cohérence sur le terrain et une capacité financière pour réellement « changer l’échelle entre ce que l’on gagne et ce que l’on perd ». Ce sera tout l’enjeu de cette stratégie.


Idées

Des pistes de réflexion concernent les chantiers d’insertion. « On dépense plusieurs millions pour faire couler du béton, pour la construction, alors qu’on pourrait très bien utiliser cet argent pour faire de la plantation, ce qui est extrêmement formateur pour les jeunes à réinsérer », souligne Philippe Blaise. Autre idée avancée lors du séminaire, la formation de la brigade de gardes nature par la Sécurité civile pour que des agents puissent venir en aide aux sapeurs-pompiers sur les feux.

C.M.

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