Une association à la mémoire de Jacques Lafleur

(FILES) -- A file picture taken on June 26, 1988 shows (from L) the representatives of the New Caledonian separatist Kanak Socialist National Liberation Front (FNLKS), Yeweine Yeweine and Jean-Marie Tjibaou, and the representatives of the loyalist Rally for Caledonia in the Republic (RPCR), Jacques Lafleur and Dick Ukeiwe, posing at the Hotel Matignon, the Prime Minister's official residence, in Paris, after signing the Matignon agreements. Twenty five years ago, on June 26, 1988 the Matignon agreements headed by French Prime Minister Michel Rocard and signed in Paris between the separatist FNLKS and the loyalist RPCR brought the violence to an end in New Caledonia, providing the gradual transfer of powers from France to the government in New Caledonia. AFP PHOTO / JEAN-LOUP GAUTREAU

Gérard Salaün a travaillé dix-sept ans aux côtés de Jacques Lafleur. Aujourd’hui, il souhaite créer une association pour honorer et maintenir le souvenir du dirigeant calédonien disparu en 2010 et rappeler l’ampleur de sa contribution à la construction de la Nouvelle-Calédonie. Une réunion publique d’information est organisée le mercredi 13 mai à L’Eau vive, à Nouméa.

DNC : Quand et pourquoi avez-vous décidé de monter cette association en mémoire de Jacques Lafleur ?

Gérard Salaün : J’ai eu cette idée il y a environ un an, parce que je trouve que l’on parle souvent de ce qu’a fait Jean-Marie Tjibaou, mais beaucoup moins de ce qu’a fait Jacques Lafleur. Même les politiques actuels ne font pas état de ce qu’il a accompli. J’ai donc pensé qu’il fallait commémorer cette contribution pour la Nouvelle-Calédonie. Il a fait beaucoup de choses, à la fois en politique, au niveau institutionnel, mais aussi en matière de développement. J’ai pensé qu’il fallait rendre un hommage à la hauteur de l’homme qu’il était et beaucoup de personnes attendent cette association depuis un an.

Pourtant on évoque souvent les accords, la poignée de main…

Oui, c’est sûr, mais cela reste très symbolique et succinct. Jacques Lafleur était un très grand homme politique. Lorsque j’ai travaillé avec lui, beaucoup de dirigeants venus de Métropole saluaient d’ailleurs son envergure. Gabriel Kaspereit, sénateur, ministre sous Jacques Chirac, m’avait ainsi dit à l’époque : « Gérard Salaün, vous êtes à côté d’un homme politique de grande envergure, un des plus grands hommes politiques de France » et il avait rajouté : « C’est le seul, avec sa fille Claude, qui tient tête à Jacques Chirac ». Tous les Calédoniens ne se rendent pas forcément compte de cela et c’est important de le rappeler.

Vous souhaitez également que la Calédonie se souvienne de ce qu’il a entrepris en matière de développement, expliquez-nous….

J’ai travaillé longtemps à ses côtés, donc je connais bien ce qu’il a accompli. C’est immense. Jacques Lafleur était tout simplement un grand Calédonien. Les gens ont tendance à l’oublier, mais c’est lui, par exemple, qui est à l’intiative du Surf Hôtel, du Méridien, du golf de Tina et puis il y a eu l’histoire minière, la mine de Ouaco, ce qu’il a cédé aux indépendantistes pour qu’ils puissent s’investir dans la gestion du territoire. Il ne faut pas oublier qu’il est également à l’origine de la réforme foncière. Jacques Lafleur a notamment morcelé le domaine de Ouaco pour qu’un grand nombre puisse accéder à la propriété. C’est l’occasion de rappeler tout cela.

C’était un visionnaire, précurseur dans bien des domaines, qui souhaitait toujours aller plus loin. Et puis Jacques Lafleur avait un grand amour pour la Calédonie et pour les gens, quelles que soient leurs origines. Il a rendu énormément de services, soutenu de nombreuses personnes. Il y a peut-être des choses à raconter que les gens ne savent pas. Il ne faisait pas état de sa générosité…

Comment va se concrétiser ce travail de mémoire par l’association ?

L’idée de donner le nom de Jacques Lafleur à l’aérodrome de La Tontouta avait été émise. Nous avons trouvé que c’était un très beau geste, étant donné que Jean-Marie Tjibaou a son monument et le centre culturel, ce qui est très bien et qui devait être fait. D’ailleurs, Jacques Lafleur a inauguré le centre Tjibaou en 1998, il ne faut pas l’oublier. J’ai pensé que les politiques allaient effectivement faire quelque chose, mais il n’en a rien été. L’association aura donc notamment pour but de relancer cette idée d’aéroport international qui porterait le nom de Jacques Lafleur. Mais c’est assez difficile à mettre en place parce que l’État doit intervenir. Donc à travers cette association, nous allons relancer tout cela. Ce serait une belle reconnaissance.

Par ailleurs, je trouve dommage que ce pan de l’histoire ne soit pas mentionné dans les programmes scolaires. On n’apprend pas aux élèves l’histoire des accords, ce qu’a fait Jacques Lafleur, ce qu’a fait Jean-Marie Tjibaou. C’est triste quand on sait ce que cela représente pour la Nouvelle-Calédonie. Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ont été récompensés à titre posthume de la Colombe de la paix, les gens l’ont peut-être oublié et il serait bon de le rappeler. Nous pourrions donc aussi intervenir sur ce sujet. Il pourrait y avoir des commémorations, des ouvrages. L’idée est vraiment que ce souvenir perdure dans le temps et l’histoire.

Pourriez-vous travailler avec la famille Tjibaou ?

Vous savez, la première chose que j’ai faite, après avoir eu cette idée, a été de demander l’accord de la famille Lafleur et je l’ai obtenu. Mais ils ont souhaité que la mémoire de Jean- Marie Tjibaou soit associée à celle de Jacques Lafleur. C’est essentiel. Et d’ailleurs dans les statuts de l’association, il a bien été précisé que des choses pourraient être faites pour rappeler en particulier la poignée de main de ces deux hommes. Le but de l’association est aussi de rassembler les personnes.

Vous érigez cette association en pleine année référendaire. Est-ce voulu ?

C’est une simple coïncidence parce qu’après avoir eu cette idée, nous avons pris du retard parce nous étions tous bien occupés. Mais la fin d’année correspondra aussi au dixième anniversaire de sa disparition. Et puis dans ce contexte référendaire, je pense que cette association peut effectivement rapprocher les Calédoniens de toutes ethnies et leur faire comprendre que si Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur se sont serré la main, ce n’est pas pour que trente ans après, on soit en train de se déchirer.

Quel sera l’objectif de votre première réunion ?

Elle sera l’occasion d’installer le bureau. Nous appelons le plus grand nombre de personnes à nous rejoindre. Tous ceux qui sont intéressés par ce travail que nous menons sont les bienvenus. L’association est ouverte à tout le monde, au-delà des partis politiques. Il n’y a pas de couleur politique, les indépendantistes peuvent venir. Nous invitons aussi les jeunes qui ne connaissent pas forcément bien l’histoire mais pourront, c’est certain, apprendre des choses.

La réunion de l’association pour la mémoire de Jacques Lafleur aura lieu mercredi 13 mai, à 18 h, au restaurant L’Eau vive, à Nouméa.