Une année creuse pour l’igname ?

Les fortes pluies des derniers mois mettent en danger une partie de la production. Si, à Maré, les premières récoltes semblent correctes, plusieurs agriculteurs de la Grande Terre et des Îles savent que 2022 ne sera pas une bonne année pour le fragile tubercule.

La famille Waya a tremblé jusqu’au bout. Mardi, veille de la fête de l’igname à la tribu de Pénélo, à Maré, on a creusé avec un brin de fébrilité, avant de pousser un soupir de soulagement. « C’est bon ! Les ignames sont belles. Malgré le cyclone, ça a bien donné. » Guillaume Waya ne déplore que « cinq ou six » pieds abîmés par l’eau ou les éclairs, soit à peine 1 % de son champ. Noël, son fils, rend grâce au sol de l’île. « Notre terre est très fertile et très absorbante. L’eau ne stagne pas, elle s’infiltre, ce qui fait que nous n’avons jamais de boue dans le champ. » Tous les producteurs du pays ne connaîtront pas cette délivrance, hélas.

« Les pluies sont incessantes »

À La Foa, depuis des mois, « les pluies sont incessantes et il n’y a pas de soleil », constate Jean-Michel Delathière. « Les maladies du feuillage sont donc arrivées plus tôt que prévu et elles perturbent la croissance de l’igname » qui, à Pierrat, doit encore passer deux mois sous terre.

 

Près de 600 tonnes de tubercules tropicaux sont commercialisées chaque année en Calédonie. Difficile à évaluer, la production totale (incluant l’autoconsommation, le don…), pourrait être deux fois supérieure.

 

« L’an dernier, j’avais perdu 80 % de ma production. J’ai ensuite choisi de cultiver des parcelles plus drainantes, j’ai sélectionné des variétés d’igname plus résistantes à l’humidité, mais je ne suis pas sûr que cela suffise. » Les 20 000 plants ne donneront pas leur plein potentiel ‒ une vingtaine de tonnes d’igname.

S’ils donnent trois tonnes, de quoi semer trois mois plus tard, le pire sera évité.

« Des années difficiles »

À Lifou, Jean-Jacques Wejin a d’ores et déjà transmis sa déclaration de sinistre à l’assurance. Les 500 semences ne donneront rien. « Il y a trop d’eau. J’ai perdu toute ma production, c’est la première fois que cela m’arrive, constate amèrement l’agriculteur de la tribu de Kejëny, qui ne baisse pas les bras pour autant. Je vais racheter des semences. Et il faut compter sur nos prières. Dieu nous aidera. Il n’y a pas d’autre remède. »

Pothin Wadra, technicien de la Chambre d’agriculture, conseille toutefois les variétés résistances ainsi que quelques « gestes faciles » pour éviter le développement des maladies, comme « entrer dans la parcelle en étant bien sec pour éviter d’apporter les champignons ». Dans les Îles, il constate quelques dégâts causés par l’anthracnose, mais ne pense pas que l’année sera perdue pour autant.

Sur la côte Ouest, « ce sont des années difficiles pour l’igname », estime Jean-Michel Delathière, chez qui, en 2021, « c’est le taro qui a fait bouillir la marmite ». « Cela fait trois ans que l’on n’a pas connu de bonnes conditions météo. Pour tenir, il faut avoir les reins solides. »

 


L’agroforesterie, une solution

Dans le cadre du projet Protege, financé par l’Union européenne, la Chambre d’agriculture encourage l’agroforesterie. Quinze millions de francs ont été attribués afin de développer cette technique qui mise sur la présence d’arbres au milieu des cultures. La symbiose savamment entretenue est gage d’une meilleure qualité des sols, moins enclins à l’humidité excessive.

La province Sud y croit également : un appel à projets visant à « développer l’agroforesterie » a été lancé le 1er février. La collectivité compte soutenir, en 2022, « 25 projets soit plus de 11 000 arbres plantés ». Les agriculteurs intéressés sont invités à se renseigner au 20 38 00 ou sur le site web (www.province-sud.nc) et à répondre à l’appel à projets avant le 1er avril.

 

Gilles Caprais (© G.C.)