Un troisième Non, les mêmes divisions

Sans surprise, le Non à l’indépendance s’est largement imposé lors du troisième et dernier référendum de l’Accord de Nouméa, avec 96,49 % des suffrages exprimés. Un scrutin marqué par une abstention record, l’appel des indépendantistes à la non-participation ayant été massivement suivi. Si une page a bien été tournée, sans aucun débordement, la division est toujours prégnante entre partisans du maintien dans la France et de l’indépendance.

À trois reprises, les Calédoniens ont donc dit Non à l’accès à la pleine souveraineté. Cette fois, 96,59 % des électeurs se sont prononcés pour le Non et seulement 3,51 % pour le Oui. Avec une participation de 43,87 % (56,13 % d’abstention) contre 81 % en 2018 et 85,69 % en 2020.

Le premier enseignement est que les partisans du Non sont restés mobilisés même si les chiffres montrent un certain effritement, qui peut s’expliquer de multiples façons (campagne sans adversaires, lassitude, crise sanitaire, etc.) Le deuxième est que l’appel à la non-participation des indépendantistes a été massivement suivi. Le scrutin confirme une carte électorale géographique totalement clivée, en miroir des deux premiers référendums.

Irréprochable sur le plan juridique

Les résultats ont officiellement été annoncés par le président de la commission de contrôle de l’organisation et du déroulement du référendum, Francis Lamy. Celui-ci a observé que le scrutin s’était déroulé dans un très grand calme, que les bureaux de vote avaient été bien complétés sous l’œil des délégués de la commission et des différents observateurs de l’ONU et du Forum des îles du Pacifique, que les maires avaient rempli leur rôle d’agents de l’État. On peut ajouter que les opérations électorales se sont également bien déroulées dans le contexte de crise sanitaire avec gestes barrière et distanciation sociale et, globalement, une incidence à moins de 50, bien en-deçà des objectifs fixés initialement par les différentes parties, hors indépendantistes.

Les forces de sécurité, prévues en nombre dans l’éventualité initiale d’un scrutin binaire et non-unilatéral, ont comme convenu, « bleui le territoire », de manière quelque peu surprenante mais la mission, heureusement, n’a pas nécessité trop d’actions.

En pratique, le scrutin s’est donc bien déroulé et rien, pas même la très forte abstention, comme l’a confirmé Francis Lamy, n’est en mesure de remettre en question sa régularité ni sa sincérité sur le plan juridique (sous réserve de l’avis du Conseil d’État s’il devait être saisi).

« Mascarade »

Mais si ce référendum a eu le mérite de n’exposer ni vainqueur, ni vaincu, tout en achevant le processus dans la paix, sur le fond, concrètement, rien n’est réglé. Les indépendantistes, vent debout contre l’État pour avoir « confisqué ce scrutin », ont annoncé qu’ils ne reconnaissent ni sa légitimité, ni sa validité. Ils promettent, d’ailleurs, de s’organiser pour dénoncer cette « mascarade » au plan national et international.

Les indépendantistes ont obtenu que les discussions ne débutent pas avant l’élection présidentielle. En attendant, ils vont devoir consulter leurs bases et établir un positionnement pour la suite. Il s’agira notamment de voir s’ils acceptent de discuter « entre Calédoniens » d’abord, comme le préconisent les non-indépendantistes, en sortant du tout bilatéral.

Sortir du binaire

L’ensemble des parties devra examiner la fameuse « situation ainsi créée ». Les non-indépendantistes et l’État ont répété que le cadre était bel et bien français désormais. Mais que les indépendantistes revendiquent toujours leur droit à l’autodétermination par un acte sincère. Mercredi, le Palika a, par exemple, déclaré qu’il n’accepterait pas de discuter d’un énième accord sur un statut au sein de la République synonyme « d’avilissement ». « Il n’y a plus de progrès supplémentaires que puisse offrir le maintien au sein de la Constitution française en dehors de l’assimilation ou l’intégration qui ont été à la base du système colonial français. »

Hors cadre politique enfin, et c’est aussi un enseignement, le peuple calédonien dans son ensemble est avant tout abîmé par trois référendums successifs et tant d’oppositions. On ne pourra donc pas se passer de construire, imaginer, innover, et ce, sans le cadre établi par nos prédécesseurs.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)