Le gouvernement Mapou est tombé le 24 décembre au soir. Le nouvel exécutif, présidé par Alcide Ponga, est entré en fonction mercredi 15 janvier, sans majorité au Congrès, et l’attribution des portefeuilles fait débat. Un changement qui interroge, alors que le pays est dans l’ornière politique, économique et sociale.
À écouter Philippe Gomès, les griefs étaient devenus insurmontables. Louis Mapou (UNI) menait le pays à sa perte. « Il était nécessaire de le faire tomber », pose l’élu Calédonie ensemble, groupe à l’origine de la chute du gouvernement le 24 décembre avec la démission de son représentant, Jérémie Katidjo Monnier. Les principaux reproches ? « Un dévoiement institutionnel », avec un exécutif « qui se considérait comme indépendant et s’affranchissait de l’approbation du Congrès », amenant à des décisions « qui portaient gravement atteinte à la Nouvelle-Calédonie ».
Celle concernant les prêts, qui endettent le territoire, alors que le représentant au Congrès plaide pour des subventions. Et celle de revoir la pression fiscale, avec l’augmentation de la CCS et la réforme de la TGC, à laquelle Calédonie ensemble s’oppose. Dans la foulée, le parti propose un contrat de gouvernance et Philippe Dunoyer à la présidence. La fin de non-recevoir entraîne la démission de l’intéressé. Un échec ? « Mettre le gouvernement Mapou hors d’état de nuire est déjà un succès », répond Philippe Gomès.
Ces critiques, Jean-Pierre Djaïwé les examine avec circonspection. Faire tomber le gouvernement ? Une mauvaise idée exécutée avec un mauvais timing. « Politiquement, ce n’est pas raisonnable dans le contexte actuel et pour à peine dix mois », déplore le président du groupe UNI au Congrès, qui défend le précédent exécutif. « Nous sommes aussi pour des subventions, mais quand l’État dit : “Je vous donne des avances et pas des subventions”, le gouvernement ne va pas revenir les mains vides. »
DES TENSIONS
L’UNI n’a soutenu aucune candidature pour la présidence. L’UC s’est prononcée en faveur de Samuel Hnepeune. Les non-indépendantistes ont porté leur voix sur Alcide Ponga. « On a fait la majorité nécessaire pour élire un président, pas pour gouverner », précise Philippe Gomès. L’ancien chargé des relations extérieures à KNS a accepté le poste « pour ne pas bloquer les institutions, c’est une notion de responsabilité ». Ce choix est, affirme Christopher Gygès, « un bon signal de travail comme cela était déjà engagé », avec une « une capacité à rassembler les différentes sensibilités politiques ».
Si le nouvel exécutif est entré en exercice mercredi 15 janvier, les attributions et le vice-président seront connus vendredi 17. Les portefeuilles font débat. Tensions entre indépendantistes, rejet de l’UC par les non-indépendantistes et postures… Les débats sont intenses. Une ambiance qui ne colle pas trop avec l’image de « gouvernement d’union nationale » ou « d’intérêt général » évoquée par beaucoup. Il faut mettre de côté les dissensions, appuie Samuel Hnepeune, qui insiste cependant sur une juste répartition des portefeuilles. « Il faut mettre en place une gouvernance qui soit à peu près équilibrée et se mettre rapidement au travail. Si c’est juste pour figurer et être assis sur un strapontin, c’est hors de question. »
APPORTER L’EXPÉRIENCE DU PRIVÉ
Alcide Ponga sera confronté aux mêmes problématiques que son prédécesseur. Notamment celle de gouverner sans majorité au Congrès. « On s’inscrit dans une majorité de construction, insiste Christopher Gygès. C’est ce qu’on avait fait avec le PS2R, et je suis convaincu qu’on trouvera des majorités sur des textes importants. » Un vœu pieux ? Il n’est pas évident, non plus, pour les loyalistes, de porter des réformes augmentant la pression fiscale alors qu’ils n’y sont pas favorables. Pourtant nécessaires pour obtenir le troisième tiers des 27 milliards annoncés par l’État. La solution, affirme Christopher Gygès, un vote de la TGC modifiée a minima. « On revient juste sur des exonérations. Cela suffira pour dire qu’une réforme a été faite. Après, s’il faut en faire une plus en profondeur, un travail sur le plus long terme doit être fait. »
Les priorités, elles, sont définies. Alcide Ponga compte travailler de « façon concertée » avec le Congrès et apporter son expérience du privé. « J’ai une vision d’entreprise, de performance, de compétitivité, que j’ai déployée à la mairie de Kouaoua. » Une philosophie. « Je pense que l’État ne devrait pas nous imposer des choses. C’est nous qui devrions montrer ce qu’on est capable de faire, dire “je fais ça” et maintenant j’ai besoin de ça. »
Le président du Rassemblement assure qu’il fera son possible pour obtenir des subventions. « Ce sera la capacité à convaincre. Je ne dis pas que je vais y arriver parce que ce sera compliqué. » Et s’attacher à réaliser des économies. « Ensuite, on demandera à l’État et aux Calédoniens. » Autre point important, selon Samuel Hnepeune, la reprise des plans S2R et quinquennal. « Les deux ne s’opposent pas, bien au contraire. Ils se complètent. François-Noël Buffet le déclarait au Sénat. »
Anne-Claire Pophillat