Un plan pour le handicap en Calédonie

Le gouvernement a annoncé le lancement du schéma directeur handicap et dépendance. Ce grand chantier doit à la fois permettre d’améliorer la prise en charge des personnes en situation de handicap, faire face au nombre grandissant de personnes dépendantes, tout en ciblant les dépenses en période de contraintes budgétaires.

 

Réclamé depuis longtemps par les associations et les professionnels, le schéma directeur handicap et dépendance (SDHD) voit enfin le jour. Près de huit ans après l’entrée en vigueur des premiers textes réglementaires sur le sujet, cinq ans après la création du Conseil du handicap et de la dépendance et quelques tentatives de plans avortés trop vite, force est de constater que les inégalités persistent en termes d’accès aux droits fondamentaux que sont l’emploi, l’accessibilité, la mobilité…

Et c’est sans dire que le contexte budgétaire contraint, la situation plus que difficile des régimes sociaux et le nombre grandissant des personnes dépendantes ne nous permettent plus de ne pas être parfaitement précis et efficaces dans les dépenses…Il est donc question de réunir dans une « démarche concertée et participative » l’ensemble des collectivités et acteurs du secteur pour établir un diagnostic, améliorer ce qui doit l’être rapidement en « toilettant » les lois et établir une feuille de route pour les quatre ou cinq prochaines années à venir.

Priorités

La première étape de ce schéma consiste à dresser un état des lieux pour le mois de juillet. « Il s’agit d’avoir des données d’ensemble que le territoire n’a pas aujourd’hui, des données précises sur les populations, leur handicap, leur quotidien, leurs difficultés. Et d’interroger par ailleurs les dispositifs qui existent déjà pour eux, leurs familles, les employeurs, etc. », précise Isabelle Champmoreau, en charge du secteur au gouvernement.

À l’issue de ce diagnostic, un plan d’action prioritaire sera identifié. Il devrait être achevé fin 2016 et être présenté pour approbation aux élus du Congrès. Parmi les ambitions avancées, un travail en particulier sur la loi sur l’emploi des travailleurs handicapés – une des principales priorités – ou encore la réussite scolaire des enfants (qui sont scolarisés à 80 %), mais aussi le financement, la prévention le diagnostic et les soins, l’habitat et les transports, la vie sociale… Des groupes de travail plancheront sur ces sujets au courant de l’année en profitant des passerelles qui existent déjà avec le projet éducatif de la Nouvelle Calédonie ou le plan Do Kamo pour la santé.

En attendant la rédaction de ce grand plan d’action, le gouvernement envisage des actions à application plus rapide dans les prochains mois : la révision de la loi du pays sur le régime d’aide « pour un meilleur accès aux allocations et pour améliorer la rapidité de traitement des demandes » ou encore la mise en place de déductions fiscales en matière d’aide à la personne.

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Les chiffres

  •  En 2014, 4 620 personnes ont pu bénéficier des aides du régime handicap et dépendance parmi lesquelles 76 % d’adultes, 10 % d’enfants et 14 % de personnes âgées en perte d’autonomie.
  • Le régime handicap et dépendance a représenté plus de 5 milliards de francs de dépenses et il pourrait atteindre 6,1 milliards en 2015 avec une augmentation de 8 % des bénéficiaires.
  • En 2015, 2 893 personnes étaient reconnues travailleurs handicapés, dont 69 % en province Sud, 22 % en province Nord et 9 % dans les Îles. Elles représentent 53 % des adultes en situation de handicap.
  • + 800 emplois en 2013 sur les services d’aide à la personne, un secteur
    « porteur et pourvoyeur d’emplois ».
  • 3 % de la population est reconnue ici en situation de handicap contre 15 % de manière générale dans le monde. On estime donc qu’il y a beaucoup de personnes non identifiées.

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Entretien avec Richard Fournier, président du Collectif-handicaps, et Catherine Peyrache, chargée de mission au sein de ce collectif.

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DNC : C’est un nouveau départ, ce schéma ?

Richard Fournier : Nous sommes très satisfaits parce que nous demandions depuis des années un schéma sur le handicap en Nouvelle-Calédonie. Malheureusement, les changements politiques ont porté un tort énorme à l’avancement de ce schéma. Nous n’avions jamais le même interlocuteur. Aujourd’hui, il y a une certaine stabilité au gouvernement et une volonté d’aller de l’avant avec les associations.

DNC : Quelles sont selon vous les priorités ?

Richard Fournier : Le diagnostic va permettre de cibler les moyens que l’on va mettre en place comme les moyens d’encadrement, de maisons, de transports et cela risque même de nous faire faire des économies.

Catherine Peyrache : La priorité des priorités, c’est effectivement de connaître ce que représente le handicap sur le territoire et de revoir ensuite les compétences de chacun. On peut, en effet, imaginer avoir une meilleure coordination entre le gouvernement, les provinces, les communes. Le handicap est territorial et avec l’avènement des lois de pays, les provinces se sont désengagées finalement de la prise en charge du handicap mais il ne faut pas oublier que ces personnes restent des citoyens comme les autres.

DNC : Comment être efficace tout en s’occupant de situations très diverses ?

Richard Fournier : Il faut absolument que les structures puissent s’adapter à différents types de handicap, que l’on puisse mutualiser les moyens en termes de salles, de transport, etc.

Catherine Peyrache : C’est indispensable de s’adapter au type de handicap. Les besoins ne sont pas les mêmes. Cela doit commencer dès l’école. En ce qui concerne la formation professionnelle, on va pouvoir l’améliorer pour certains types de handicap mais il faut aussi penser que d’autres ne pourront jamais y accéder donc il faut penser au milieu protégé. Pour l’instant, on a un seul établissement en Nouvelle-Calédonie, il n’existe rien dans le Nord ni dans les Îles. Et puis, il y a par ailleurs toute la problématique des personnes handicapées vieillissantes. On manque aujourd’hui de structures pour adultes. L’espérance de vie des personnes en situation de handicap augmente parce qu’ils vivent mieux et parce que la population vieillit en général.

DNC : L’image des personnes en situation de handicap a-t-elle évoluée ?

Richard Fournier : Oui, mais j’ai encore l’impression que les gens ont peur des personnes en situation de handicap ! Il y a une grande méconnaissance. Je me promène avec une canne blanche et les gens vont être plus attentionnés avec moi qu’avec une personne en fauteuil roulant qui « prend de la place » ! Pour moi, tout se fait par l’éducation et il va falloir même rééduquer des personnes.

Catherine Peyrache : C’est l’acceptation de la différence. Aujourd’hui, le fait d’inclure davantage les enfants à l’école a un impact formidable. En fait, moins les personnes sont insérées, moins elles sont acceptées. C’est la même chose à l’école, au travail, etc. Il n’y a rien de pire que la « ghettoïsation ». Il faut absolument voir les personnes en situation de handicap comme des gens à part entière, des hommes, des femmes, des travailleurs et pas des handicapés. Toutes les personnes sont en capacité d’évoluer.

C.Maingourd