Un nouveau scandale autour des produits phytosanitaires ?

Les produits phytosanitaires défrayent régulièrement la chronique. Cela a encore été le cas, récemment, avec la sortie d’un livre, Le crime était presque parfait. Le journaliste Fabrice Nicolino y relaie l’appel lancé en 2018 par un collectif de scientifiques sur la dangerosité pour la santé humaine d’une famille de pesticides très largement utilisés, y compris en Nouvelle-Calédonie.

SDHI. Il s’agit de l’acronyme de Succinate DeHydrogenase Inhibitor qui regroupe une famille de fongicides (tueurs de champignons) utilisés dans l’agriculture depuis plus de quarante ans. Des chercheurs viennent de lancer l’alerte sur un risque potentiel pour la santé humaine de ces produits. En avril 2018, un collectif, regroupant des chercheurs français de premier plan, avait publié une tribune dans le quotidien Libération. Les scientifiques de l’Inserm, de l’Inra ou encore du CNRS pensent qu’il est urgent de suspendre l’utilisation de ces antifongiques tant qu’une estimation des dangers pour la santé n’aura pas été réalisée. Dans la foulée de cette tribune, l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a décidé de procéder à une évaluation sanitaire de cette famille de substances. Elle avait conclu à l’absence d’alerte sanitaire, ce qui a conduit à ne pas remettre en question son autorisation de mise sur le marché. En parallèle, l’Agence a toutefois lancé un appel à la vigilance au niveau européen et international afin de mieux mesurer les effets toxicologiques sur l’être humain.

Dans un communiqué, l’Anses précise que la famille des SDHI comprend 11 substances fongicides qui bloquent la respiration cellulaire des champignons. Il est également précisé qu’aucune de ces substances n’est reconnue comme cancérigène avérée ou présumée dans la réglementation européenne. Ce n’est pas le cas au États-Unis, où l’Agence de protection de l’environnement américaine a classé le Boscalid, le plus utilisé des SDHI, dans le groupe D. Cela signifie qu’il existe des preuves suggérant un effet cancérigène, mais pas suffisantes pour estimer le potentiel de toxicité sur l’humain. Plus certainement, les scientifiques américains ont mis en lumière des conséquences importantes pour la faune et la flore. Les scientifiques à l’origine de l’alerte estiment que ces produits provoquent des modifications épigénétiques. Elles dérégleraient les gènes et seraient à l’origine de cancers et de tumeurs. Ces modifications pourraient potentiellement être transmises de génération en génération.

La Calédonie potentiellement concernée

Dans son communiqué, l’Anses reconnaît bien volontiers ne pas disposer de suffisamment d’informations sur cette famille de fongicides pour être complètement formelle de son innocuité. Plusieurs études ont été lancées afin mieux mesurer les effets des SDHI sur la santé humaine. Les résultats d’une première étude devraient notamment être présentés dans le courant du premier semestre 2020 autour de la question du cumul des expositions au travers de l’alimentation.

Certains voient cette alerte comme une action militante et potentiellement intéressée, les chercheurs essayant de récupérer des budgets. D’autres y voient, au contraire, une nouvelle illustration du manque d’application du principe de précaution. Le Monde relève plusieurs cas litigieux qui ont conduit, après validation de l’Anses, à la suspension de substances par des tribunaux administratifs, les juges estimant que l’Agence avait fait des erreurs d’appréciation.

La Nouvelle-Calédonie est directement concernée par ce problème puisque l’homologation des produits phytosanitaires sur le territoire s’appuie sur les homologations métropolitaines et européennes. De fait, les SDHI sont autorisés sur le territoire, en particulier le Boscalid. Nous avions sollicité la Direction des affaires vétérinaires alimentaires et rurales pour avoir les volumes importés, mais n’avons toujours pas eu de réponse au moment du bouclage de notre édition.

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