Un nouveau navire au service de la science

Depuis décembre, la communauté scientifique a son nouveau bateau semi-hauturier pour ses campagnes océanographiques dans tout le Pacifique sud. Plus grand, plus moderne et mieux équipé : l’Antéa remplace l’Alis, arrivé en fin de vie.

Adieu l’Alis. Bateau cher au cœur des « IRDiens ». Le navire de recherche a pris sa retraite après plus de 30 ans de bons et loyaux services. Depuis novembre, il est officiellement désarmé et devrait être déconstruit dans l’année. « C’était un bateau âgé. Il était difficile de continuer à le faire naviguer », indique Olivier Lefort, directeur de la Flotte océanographique française.

Pour réconforter la communauté scientifique, un nouveau bateau a pointé le bout de sa proue à Port-Moselle, en décembre. Un navire qui a déjà du bagage. Jusqu’en 2021, il opérait des campagnes scientifiques en mer Méditerranée, dans les océans Atlan- tique et Indien. Il est plus grand, plus long et bien mieux équipé que son prédécesseur. Bienvenue à bord de l’Antéa.

 

La Flotte océanographique française est présente sur toutes les mers du monde. Elle possède quatre navires hauturiers, six navires semi-hauturiers et côtiers, sept navires de station et des engins sous-marins capables d’intervenir jusqu’à 6 000 mètres de profondeur.

Elle est l’une des trois plus importantes flottes de recherche européennes, avec celles de Grande- Bretagne et d’Allemagne.

 

Le catamaran de 35 mètres de long a été construit en 1996 aux Sables-d’Olonne. « C’est un bateau en aluminium qui, à l’époque, était commandé par l’Orstom, qui a précédé l’IRD », rappelle Olivier Lefort. Ses atouts se listent en chiffres : 12 mètres de largeur, 18 jours d’autonomie en carburant et en vivres, 9 places pour les scientifiques, 40 m2 de QG scientifique, 2 laboratoires, 4 types de chaluts… De quoi changer la vie aux habitués de l’Alis.

PLUS DE MODERNITÉ

Avec sa taille intermédiaire (semi-hauturier), l’Antéa réalise des missions près des côtes grâce à son faible tirant d’eau, jusqu’à 10 mètres de fond. Il peut aussi traverser les océans et travailler au-delà du plateau. L’an dernier, le bateau a été remis au goût du jour avant de jeter l’ancre dans le Pacifique. « On a fait de très gros travaux. Le moteur est plus moderne que l’Alis, donc moins polluant, et il est mieux équipé niveau scientifique », précise Olivier Lefort.


L’équipage de l’Antéa organisait les derniers préparatifs, mardi, avant de prendre le large pour la mission Swotalis.

L’Antéa est aujourd’hui muni de nouveaux sondeurs, à la fois pour mesurer la colonne d’eau mais également les courants. « L’année prochaine, il sera doté d’un sondeur multifaisceaux, de plus grande profondeur que celui de l’Alis, qui va permettre de cartographier les zones jusqu’à 3 000 mètres de profondeur. » Les fonds marins n’auront bientôt plus de secret… Ou presque, grâce à Ariane. Ce robot mobile d’1,8 tonne sera piloté depuis la surface à l’aide d’un joystick, de manettes et de six écrans de contrôle.

157 JOURS DE MISSION

À bord de l’Antéa, les scientifiques évalueront l’abondance des populations de poissons, réaliseront des mesures, prélèveront du plancton, filtreront l’eau… Des plongeurs pourront également embarquer avec leur caisson hyperbare. Un nouveau bâtiment indispensable pour la recherche dans la région. « Le fait d’avoir positionné un bateau comme celui-ci, c’est une vraie démonstration de notre engagement à mieux comprendre le fonctionnement de l’océan au sens large, en termes de biodiversité, de changement climatique », souligne Olivier Pringault, représentant de l’IRD au comité directeur de la Flotte océanographique.

Cette année, 157 jours de mission sont programmés à travers le Pacifique sud, de la Nouvelle- Calédonie à la Polynésie française, en passant par la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cinq campagnes dont une déjà entamée depuis mardi (lire par ailleurs). L’Antéa a de beaux jours devant lui. Jusqu’à ce qu’un navire flambant neuf vienne le remplacer. Un projet qui devrait se concrétiser dans les années à venir.

Edwige Blanchon

Photos © E.B.

WARMALIS : l’écosystème pélagique étudié à la loupe


Valérie Allain, chargée de recherche halieutique à la Communauté du Pacifique (CPS)

D’octobre à novembre, les équipes de l’IRD et de la Communauté du Pacifique (CPS) poursuivront les travaux du projet Warmalis, de la Polynésie française jusqu’à la Papouasie-Nouvelle-Guinée. L’objectif est de comprendre le fonctionnement de l’écosystème pélagique, milieu où le thon évolue.

L’étude de leurs déplacements servira aux pays de la région qui doivent gérer leurs ressources en thon. « On a besoin de comprendre toute la chaîne alimentaire. On ne va pas pêcher le thon, on va regarder le micronecton : petits poissons et petits calamars qui constituent leur alimentation », indique Valérie Allain, chargée de recherche halieutique à la CPS.

 

SWOTALIS  : la dynamique de l’océan observée depuis la mer… et l’espace

Sophie Cravatte, océanographe physicienne à l’IRD.

Une équipe scientifique a embarqué à bord de l’Antéa, mardi 14 mars, direction la région des monts sous-marins, au sud de l’île des Pins, dans le parc naturel de la mer de Corail. L’exploration de la dynamique de l’océan, soit les mouvements verticaux, est au cœur de la campagne Swotalis, première mission océanographique du navire dans les eaux calédoniennes.

« Au sud de la Nouvelle-Calédonie, il y a beaucoup de biodiversité et notamment des mammifères marins qui se mettent autour de certains monts et nous ne savons pas exactement pourquoi. Pour mieux comprendre ce qui structure tous les écosystèmes dans la région, c’est important de comprendre tous les aspects de l’océan, de la dynamique à la biologie, en passant par la biogéochimie », explique Sophie Cravatte, océanographe physicienne à l’IRD et cheffe de la mission.

Pilotée par l’IRD, dans le cadre d’une collaboration internationale, cette campagne est en phase avec le lancement du nouveau satellite d’observation de la terre et des océans : SWOT. Les données collectées en mer et par satellite permettront d’étudier les « ondes de marée interne », ces oscillations au sein de l’océan visibles depuis l’espace. « Le nouveau satellite va observer avec une précision et des détails qui n’ont jamais été accessibles jusqu’à présent », souligne Sophie Cravatte. Les scientifiques devraient être de retour fin avril-début mai.

 

Les autres campagnes en 2023…

KASEAOPE (pilotée par l’Ifremer) prévoit le déploiement d’une ligne de mouillage et d’un observatoire autour des monts sous-marins dans le parc de la mer de Corail.

CACAO (pilotée par l’IRD) s’intéressera au rôle du guano sur le cycle de l’azote et la chimie des eaux côtières, à proximité des récifs coralliens, en Nouvelle-Calédonie.

ICONIC (pilotée par l’IRD) vise à étudier comment le changement climatique affecte les connexions entre les populations d’espèces marines côtières, en particulier au sein des récifs coralliens, en Polynésie française.