[DOSSIER] Un nickel, couleur de cendres

La SLN pendant les événements. Photo : Archives DNC/ Y.M

Les économistes, les politiques et les chefs d’entreprises inscrivent, depuis des années, la réflexion dans leurs analyses : le secteur du nickel a des effets d’entraînement important sur l’économie calédonienne. Mais la mécanique ne tourne pas à plein régime.

Les soucis de compétitivité ont longtemps plombé les complexes métallurgiques, avant le coup de massue porté par la surabondante production indonésienne sur le marché.

À ces difficultés financières et stratégiques sont venus s’ajouter, depuis lundi 13 mai, d’énormes dégâts sur fond de contestations politiques. Des groupes s’en prennent aux outils, cassent, brûlent par opportunisme, colère politique ou opposition à l’exploitation minière, l’intention n’est pas toujours claire. Le résultat est toutefois désolant : l’économie du nickel est quasiment à l’arrêt, et des familles de la ville, des villages ou des tribus se retrouvent au chômage. Une crise sociale approche.

« DIFFICULTÉS ENTREMÊLÉES »

Selon Andrew Mitchell, analyste principal du marché du nickel chez Wood Mackenzie, les émeutes ont déclassé la Nouvelle-Calédonie en tant que producteur fiable sur le marché. « Les difficultés liées à la viabilité économique des usines ont toujours été entremêlées aux questions politiques et à leur résolution », précise l’analyste auprès de DNC.

Mais avant d’aborder les éternels problèmes de rentabilité, de coût de l’énergie ou de divergences d’opinion dans l’hémicycle du Congrès, l’urgence peut être résumée en une observation : battus par tant de violences, les trois complexes métallurgiques, sur lesquels était fondé beaucoup d’espoir de développement, se relèveront-ils?

Les investisseurs aux portes de la Nouvelle-Calédonie oseront-ils encore faire le pas ? Une économie centenaire peut-elle s’effondrer ? La défaillance simultanée des trois usines conduirait à une augmentation du chômage sur le territoire d’environ 50 %, ont écrit l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’économie dans leur rapport publié en juillet 2023. Ils poursuivent : l’équilibre des comptes sociaux et des revenus fiscaux en serait davantage affecté. Le nickel est un pilier de l’économie et le mettre à terre reviendrait à ébranler les institutions. Son sauvetage se fera par une aide extérieure et des réformes.

Yann Mainguet et Gilles Caprais