Un lien historique avec la mine

New Caledonia, North Province, Vavouto, harbour of KNS factory (Koniambo Nickel SAS) under construction (Photo by Julien Thomazo / Photononstop / Photononstop via AFP)

L’industrie du nickel utilise de la main-d’œuvre étrangère depuis plus d’un siècle : d’abord les Japonais, puis les Vietnamiens, les Indonésiens et les Océaniens. Pour la construction des deux usines du Nord et du Sud, les Asiatiques ont été sollicités.

♦ Les débuts

La mine se développe d’abord, dès les années 1880, grâce aux forçats et aux engagés japonais, dont la plupart quittent le territoire à la fin de leur contrat. Ces derniers, environ 5 500 seront recrutés entre 1892 et 1919, représentent alors « les plus gros bataillons des ouvriers du nickel », mentionne Yann Bencivengo, docteur en histoire, dans un article du Journal de la Société des océanistes en 2014*, même si d’autres ethnies sont employées en petit nombre (Néo-Hébridais et Kanak). Le gouvernement de Tokyo exige qu’ils soient traités comme les Européens mais, en réalité, ils sont « soumis à de dures conditions ».

Durant l’entre-deux-guerres, le secteur fait largement appel aux Indonésiens et aux Vietnamiens, ce qui conduit à l’immigration de milliers de travailleurs venant des colonies françaises, comme l’Indochine et le Tonkin, ou d’autres empires. Eux, en revanche, relèvent d’un statut juridique inférieur et sont très dépendants de leur employeur. Après 1945, c’est au tour des Wallisiens et des Polynésiens d’être sollicités.

♦ Années 2000 : Goro…

Parmi les travailleurs étrangers présents sur site, les ouvriers philippins constituent le quota le plus important – ils auraient été jusqu’à 3 000 (il y a aussi quelques Canadiens et Australiens puis, un peu plus tard, des Irlandais, dont la venue provoque l’opposition du collectif des entreprises kanak du Grand Sud). Leur présence est une des raisons de la longue manifestation menée en 2006 par la CSTNC (Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie) demandant, entre autres, leur départ.

Si le gouvernement estime que cela serait « un des meilleurs moyens de faire échec aux constructions des deux usines », il reconnaît « des dérives concernant les tâches confiées à certains » d’entre eux et précise avoir demandé à l’inspection du travail d’être plus vigilante, rappelant que leur présence est temporaire et qu’elle se justifie en raison de la « technicité particulière de ces chantiers » et de « l’urgence exigée en 2002 lors de la décision de construire ces usines », développe l’historienne Isabelle Merle, directrice de recherche au CNRS, dans une publication de 2012**.

♦ … et Vavouto

Là aussi, le personnel étranger employé est essentiellement asiatique (chinois pour la fonderie, coréen et thaïlandais pour les chaudières à charbon de la centrale électrique et philippin pour les échafaudages). La question de l’emploi local ressurgit. En novembre 2010, sur 3 000 employés, à peine plus de la moitié sont calédoniens.

À l’époque, Paul Néaoutyine s’en explique dans une interview aux Nouvelles calédoniennes. « Il a toujours été entendu qu’il n’y aurait pas suffisamment de capacités locales, ni en termes entrepreneurial, ni en termes de ressources humaines, et qu’il faudrait faire venir des gens de l’extérieur. » Le président de la province Nord indique avoir « demandé des garde-fous », « on ne voulait pas répéter les dérapages qui ont eu lieu en province Sud », afin que les ressources humaines étrangères ne prennent pas la place de celles locales. En tout, environ 5 000 ouvriers étrangers auraient participé à la construction de KNS.

♦ Depuis

Les deux usines utilisent aussi des bras étrangers lors de chantiers spécifiques et ponctuels. C’est le cas, par exemple, en 2017, selon un rapport de la Direction du travail et de l’emploi. 430 demandes d’autorisation de travail de l’industriel KNS sont accordées cette année-là contre 274 en 2016, la majorité dans le cadre de « la reconstruction du four n°2 » de l’usine à la suite d’incidents techniques, qui ont « mobilisé principalement la profession de briqueteur-réfractaire ». En juin 2017, 268 demandes sont également accordées dans le cadre de projets non miniers, la majorité concernant « l’arrêt technique planifié pour des besoins de maintenance à l’usine Vale NC ».

 

*Naissance de l’industrie du nickel en Nouvelle- Calédonie et au-delà, à l’interface des trajectoires industrielles, impériales et coloniales (1875-1914).

**Autour de la condition ouvrière en Nouvelle-Calédonie – Le recrutement des travailleurs asiatiques entre les deux guerres et aujourd’hui sur les chantiers de mines.

 


Ce que dit la loi

Une loi relative aux règles applicables aux entreprises établies hors de la Nouvelle-Calédonie et qui effectuent une prestation de service avec du personnel salarié est votée en 2002, afin d’encadrer leur intervention dans le cadre de travaux « de construction, d’installation, de modification ou d’extension de structures et d’infrastructures minières et métallurgiques ». Elle stipule la durée de séjour des salariés étrangers, de un à quatre ans, et impose le respect du code du travail calédonien, garantissant le salaire minimum. Concernant le temps de travail, l’entreprise peut être autorisée, en cas de besoin, à aller jusqu’à 60 heures par semaine.

Les futurs salariés n’ayant pas la nationalité française doivent demander une autorisation de travail avant de venir sur le territoire. De son côté, l’employeur a le devoir de s’assurer qu’il « n’existe pas de main-d’œuvre locale susceptible d’occuper l’emploi proposé ». La DTE est chargée d’instruire le dossier, et l’autorisation est délivrée par le gouvernement en fonction de plusieurs critères, dont la situation de l’emploi (présente et à venir) dans la profession demandée.

 

Anne-Claire Pophillat (© Julien Thomazo/Photononstop via AFP)