Un grand débat pour relancer l’économie

Le gouvernement a officialisé le lancement du « grand débat entreprises », le mardi 27 août, en présence des représentants du patronat et de la société civile. L’idée est d’associer le monde de l’entreprise au plan de relance qui devrait être présenté fin octobre. Le membre du gouvernement qui en a la charge a toutefois annoncé quelques mesures qui semblent faire consensus.

Les mois se succèdent et la situation économique calédonienne ne se redresse pas. Les rapports et études se suivent et se ressemblent, soulignant l’atonie de la croissance alors que celle de nos voisins reprend des couleurs, comme en Polynésie ou au Vanuatu. Emploi, consommation et dans une moindre mesure investissements sont autant d’indicateurs en berne. C’était l’une des promesses de campagne de l’Avenir en confiance lors des provinciales de mai dernier que de mettre en œuvre un grand plan de relance passant notamment par un choc de confiance.

Pour la confiance, Christopher Gyges, le membre du gouvernement en charge de l’économie et de la relance, compte sur la méthode. C’est tout l’enjeu du « grand débat entreprises, la parole aux entrepreneurs » d’écouter les chefs d’entreprise et en particulier les plus petits, pour construire le plan de relance. Cette méthode aux accents macronistes du « grand débat national » vise à redonner une place à la société civile après une mandature jugée plutôt autoritaire par de nombreux acteurs. C’est notamment le cas du Conseil économique, social et environnemental. « Tout le monde attend des mesures concrètes, mais aussi que l’on soit entendu, a souligné Daniel Cornaille, le président du Cese. Il est important que les critiques et les recommandations de la société civile soit écoutées. » Un sentiment confirmé par Jenny Seagoe, la présidente de la Chambre de commerce et d’industrie. « Le monde économique a été complètement mis à l’écart ces dernières années. On a besoin de redonner confiance aux entreprises ».

Premier rendez-vous à la Maison des artisans, le 9 septembre

Sur la forme, le premier rendez-vous aura lieu à la Maison des artisans, le 9 septembre. Un lieu privilégié pour les petites entreprises artisanales qui représentent la grande majorité du tissu économique calédonien. Les provinces et la commission des affaires économiques et fiscales du Congrès ainsi que l’administration seront associées à ce débat. « Je veux que l’on entende ceux que l’on n’entend pas habituellement, insiste Christopher Gyges. Ce ne sera peut-être pas toujours agréable, mais nous en avons besoin. » D’autres rendez-vous seront organisés sur le même format dans les provinces Nord et Îles dans les semaines à venir. Une plateforme numérique a également été mise en place pour recueillir les avis de la population. Si le débat est clairement orienté « entreprises » et vise à prendre les avis des chefs d’entreprise, une opportunité est également donnée à l’ensemble des Calédoniens de s’exprimer. On notera l’absence des syndicats de salariés, à l’origine des accords économiques, sociaux et fiscaux qui semblent aujourd’hui définitivement enterrés.

Une seule thématique concerne toutefois directement la population, celle du pouvoir d’achat. La consultation sera organisée autour de quatre grandes questions : la simplification administrative, la relance économique, la relance du pouvoir d’achat et la transformation de la diversification de l’économie. D’une manière générale, la vision de l’exécutif est de relancer l’économie par un soutien des entreprises. Au- delà du grand principe, le contenu du plan reste à écrire même si plusieurs mesures ont pu être annoncées par Christopher Gyges.

C’est notamment le cas du remboursement anticipé des taxes sur les stocks, perçues avant la mise en place de la taxe générale sur la consommation. Le gouvernement entend ainsi redonner de la trésorerie à des entreprises qui en manquent cruellement. La mesure sera discutée en séance de collégialité du gouvernement d’ici une quinzaine de jours. Elle représente une restitution de près de quatre milliards de francs. Le remboursement est prévu d’ici la fin de l’année au lieu d’un étalement sur quatre ans, comme c’était initialement prévu. Des négociations avec le payeur et les banques ont été engagées et un accord a été trouvé, selon le membre du gouvernement. Peu de détails ont été donnés, mais il y a fort à parier que des intérêts devront être assumés par la collectivité. Cette dernière ne disposant pas de trésorerie, le financement devrait être assuré par les banques.

D’autres pistes qui semblent faire consensus ont également été dévoilées. Le plan devrait aborder la question des délais de paiement et permettre la création de zones franches. Il est également question d’exonérer de charges sociales les heures supplémentaires. Autant d’exemples de mesures qui visent à redonner des marges de liberté aux entrepreneurs en réduisant leurs charges, leurs contraintes administratives tout en leur redonnant de la trésorerie et de la liberté en matière de fixation des prix. Alors que la loi sur l’encadrement des prix touche à sa fin, Christopher Gyges a clairement fait savoir sa préférence pour un dispositif type bouclier « qualité prix » mis en œuvre dans les autres territoires d’outre-mer plutôt que d’imposer de nouveaux contrôles aux entreprises.

« L’obsession » de l’emploi

Des positions qui peuvent poser des questions quant à l’amélioration du pouvoir d’achat des Calédoniens de la même façon qu’en matière de lutte contre les inégalités sociales, deux problématiques particulièrement importantes. « J’ai une obsession, a martelé Christopher Gyges, c’est l’emploi ! Les entreprises doivent retrouver le chemin des bénéfices. Ce sont ces entreprises bénéficiaires qui recrutent des salariés. On ne peut plus accepter la chute de l’emploi privé. » Il a également précisé qu’il ne sert à rien de baisser les prix si l’on ne crée pas d’emploi, en d’autres termes, sans consommateurs nouveaux, la baisse des prix n’a pas de sens pour les entreprises.

Une position qui répond partiellement aux deux grandes problématiques qui touchent la société calédonienne. Si les embauches sont une réponse partielle à la pauvreté et aux personnes sans emploi, elles ne répondent pas à la perte de pouvoir d’achat qui a frappé l’ensemble des Calédoniens ces dernières années comme l’a montré une étude du cabinet Syndex réalisée en 2018. Une baisse qui touche tout particulièrement les faibles revenus et les personnes occupant des emplois précaires. Le gouvernement a toutefois quelques idées sur la question du pouvoir d’achat. Il envisage une prime d’activité, à l’instar de celle qui existe en Métropole. Ce dispositif vise à apporter un complément de revenu, financé par la puissance publique, à destination des travailleurs les plus modestes. Christopher Gyges a également fait allusion à l’intéressement qui pourrait faire l’objet de nouvelles négociations entre les partenaires sociaux.

Le plan de relance devrait être présenté d’ici fin octobre. Il comprendra un volet sur l’évaluation des politiques publiques afin d’engager le plus efficacement possible la dépense publique. Il sera suivi de la présentation d’une loi de programmation fiscale, vers le mois de mars 2020. Cette loi permettra aux entrepreneurs de disposer d’une vision sur plusieurs années de l’évolution envisagée des impôts et taxes. La simplification de la TGC sera au cœur de cette loi. Qu’il s’agisse de planification fiscale ou de relance économique, les réflexions ne pourront pas être déconnectées de la réforme de la protection sociale. Cette dernière, qui s’annonce délicate, aura des profondes conséquences. La réforme posera notamment la question de savoir comment financer la protection sociale, par le travail, la consommation, mais aussi celle de la justice sociale et de la solidarité.

Pour contribuer au « grand débat entreprises », il suffit de se rendre sur www.debatentreprises.nc