Un début d’équilibre au gouvernement

Une semaine après son élection à la tête du 17e gouvernement, Louis Mapou a pu constituer son exécutif. Les non- indépendantistes ont finalement accepté la vice-présidence en contrepartie de portefeuilles conséquents, tandis que les indépendantistes mettent la main sur les secteurs clés. Il faudra voir si cet équilibre tient dans la durée, tant les visions sont traditionnellement opposées.

Il aura fallu cinq mois pour installer ce gouvernement, mais une seule semaine pour le constituer. Un motif de satisfaction pour Louis Mapou qui a présenté jeudi dernier, 22 juillet, l’attribution des portefeuilles de ses « ministres », une répartition approuvée à l’unanimité. Plusieurs principes ont animé le choix de la présidence : l’attribution de secteurs clés à la nouvelle majorité qui portera une  « approche différente », la répartition des portefeuilles selon les affinités ou ceux pris en charge précédemment, le partage des compétences sur certains secteurs et, plus largement, l’instauration d’un esprit de « collégialité » et de « sérénité » en vue du troisième référendum.

Le président sur les questions de fond

Comme Thierry Santa avant lui, Louis Mapou s’occupera de contrôler les relations extérieures, la sécurité civile. La mise en valeur des ressources minières est devenue la « stratégie minière ». À la place des comptes sociaux et de la promotion touristique dont se chargeait son prédécesseur, le nouveau président issu de l’UNI a centré le reste de son activité sur les affaires coutumières, le suivi des transferts de compétences, les questions relatives à l’identité, la citoyenneté et les relations avec le Sénat coutumier. Des questions plus politiques à cinq mois du référendum.

Madame vice-présidente

Seule femme du 17e gouvernement, Isabelle Champmoreau, sur proposition de l’Avenir en confiance, a finalement été élue à la vice-présidence, là encore, à l’unanimité. Traditionnellement ce poste revient à l’opposition, mais les loyalistes avaient d’abord refusé de se porter « caution » de la future politique des indépendantistes.

Louis Mapou avait demandé qu’ils se ravisent et c’est donc chose faite, grâce visiblement à une attribution des secteurs qui laisse une « capacité d’action suffisante ». Isabelle Champmoreau a néanmoins prévenu qu’elle mènerait une vice-présidence de « vigilance » et qu’elle espérait parvenir à une feuille de route « partagée ». À l’exception du handicap, elle conserve ses secteurs d’attribution (avec parfois une nouvelle formulation ou déclinaison) : l’enseignement et l’enseignement supérieur, la santé scolaire, les questions relatives à l’égalité des chances, des genres, la famille, la lutte contre les violences conjugales et le bien-être animal.

Le « super ministre »

Aux côtés de ce duo, un homme a de très lourdes attributions. C’est Yannick Slamet, lui aussi de l’UNI, ex vice-président de la province Nord, ancien directeur du centre hospitalier du Nord. Le porte-parole du gouvernement est chargé du budget, des finances, mais aussi de la santé et de la solidarité. Les dossiers les plus lourds et les plus urgents, la politique sanitaire, la gestion du Covid-19 et le suivi des comptes sociaux, reposeront sur ses épaules. Louis Mapou a considéré que le budget pouvait être rattaché aux comptes sociaux en raison du contexte actuel et concède que ce « fin connaisseur du système de santé (…) a du pain sur la planche ».

Les autres secteurs clés

Les trois autres membres indépendantistes ont aussi des secteurs centraux. L’ancien maire Palika de Yaté, Adolphe Digoué, est en charge de l’économie, du commerce extérieur, de l’agriculture, l’élevage, la pêche. Il s’occupera aussi des questions relatives à la distribution de l’énergie électrique (en partenariat avec Christopher Gyges, chargé de la transition énergétique).

Gilbert Tyuienon, de l’Union calédonienne, est aussi porte-parole, en charge de la fiscalité, du suivi des affaires minières, du Fonds nickel, du transport, de la mobilité, de la prévention routière, de l’aménagement, des infrastructures publiques. Il doit veiller à la cohérence de l’action publique. Le plus jeune de l’équipe, Mickaël Forrest, que l’on sait déjà impliqué dans les relations internationales, s’occupera avec le président du suivi des relations extérieures et de la promotion internationale du tourisme, de quoi satisfaire peut-être la province des Îles. Il gèrera aussi la culture et le social avec la jeunesse, le sport, la protection de l’enfance ou encore le plan de sécurité et de prévention de la délinquance.

Vaimu’a Muliava, de l’Éveil océanien, remonté après la démission de Samuel Hnepeune et dont le parti a servi la majorité aux indépendantistes, garde, pour sa part, la la construction, le patrimoine immobilier, l’urbanisme et l’habitat, la fonction publique, la transition numérique ou encore la modernisation de l’action publique. Il est en plus chargé, aux côtés du président, des relations avec Wallis-et-Futuna et la Polynésie française.

Pas mal lotis

Nous le disions, pour mobiliser toutes les sensibilités en cette période difficile, le président a souhaité que les représentants de l’opposition puissent disposer « d’attributions qui les intéressent » et de « moyens pour travailler ».

Thierry Santa, de l’Avenir en confiance, récupère les portefeuilles de Jean-Louis d’Anglebermes : le travail, l’emploi, la formation professionnelle. Il garde les questions relatives à la recherche et la mise en valeur des ressources naturelles et est également chargé du bien vieillir et du handicap. Yoann Lecourieux (AEC) garde le suivi des grands projets et du développement, les assurances, le droit civil et commercial, les questions monétaires ou encore la francophonie, l’audiovisuel. Christopher Gyges (AEC) conserve l’économie numérique et de la mer, la transition énergétique et les énergies renouvelables auxquels ont été ajoutés le dialogue social et le suivi des zones franches. Enfin, Joseph Manauté, de Calédonie ensemble, qui effectue son premier mandat, s’est vu confier le développement durable, l’environnement eu égard à son expertise en la matière. Il est notamment passé par la Direction de l’environnement dans le Nord et a été directeur du parc provincial de la rivière Bleue.

Globalement, ces répartitions font sens. Reste à savoir comment vont fonctionner les doubles (ou triples) attributions sur certains secteurs. Et surtout quelle sera l’approche des indépendantistes sur les secteurs clés, eux qui n’ont jamais été aux manettes du gouvernement depuis l’Accord de Nouméa.


Une programmation sur 14 mois

On regardera principalement, ces prochaines semaines, les initiatives sur les régimes sociaux, le budget, la vaccination, future « cause territoriale » qui doit notamment être lancée dans les tribus, la perspective de l’ouverture du sas sanitaire (un rapport la faisabilité de la bulle de voyage avec Wallis-et-Futuna est notamment attendu), le positionnement dans la région à l’aube du référendum. La déclaration de politique générale de Louis Mapou est attendue avant le 15 août. Au lieu de « simplement fixer les orientations du gouvernement », le président souhaite présenter une véritable « programmation » sur 14 mois. Son gouvernement, répète-t-il, s’inscrit au-delà de la consultation puisqu’il restera, quoi qu’il en soit, aux affaires durant la période de transition.

C.M.