Un coup de pression de Glencore ?

Karl Therby, président directeur général de la SMSP, actionnaire de KNS, rappelle que « Glencore n’a pas dit qu’il partait », indiquant « le Massif a une valeur importante, il ouvre le champs des possibles ». (© A.-C.P.)

Le 27 septembre, le négociant en matières premières suisse annonçait son intention d’arrêter de financer KNS à partir du 1er mars 2024 si aucune autre source de financement n’était identifiée d’ici là. Des discussions sont en cours avec les partenaires, la SMSP et l’État. Des solutions pourraient venir de ce côté-là.

Glencore va-t-il arrêter de soutenir KNS a la fin du mois de février 2024 ? C’est ce qu’il pourrait se passer si aucune autre solution de financement n’était trouvée pour Koniambo Nickel, selon la déclaration du géant du négoce en matières premières, le 27 septembre.

Depuis le rachat de Xstrata (fin 2012), l’actionnaire (à hauteur de 49
%) a versé plus de 444 milliards de francs à KNS. Or, l’usine du Nord n’est toujours pas rentable en raison notamment de sa faible production, 25 000 tonnes en 2022. Même si ces derniers mois ont été encourageants, affirmait, il y a quelques semaines, Neil Meadows, KNS ayant produit, pour la première fois, 3 000 tonnes par mois pendant trois mois consécutifs (mai, juin, juillet). Du jamais vu.

Neil Meadows évoquait également la volonté de KNS de convertir sa production de ferronickel en matte, à destination du marché des batteries, comme préconisé dans le rapport de l’IGF (Inspection générale des finances), précisant qu’un premier essai visiblement concluant avait été réalisé avec une filiale de Glencore au Canada.

« NE PAS FINANCER LES PERTES INDÉFINIMENT »

Ces quelques avancées ne suffisent pas. Si le négociant reconnaît des progrès, les tentatives pour atteindre la rentabilité et les efforts pour parvenir à un avenir viable restent vains : « KNS continue de lutter financièrement et subit d’importantes pertes en raison de facteurs qu’elle ne maîtrise pas, la structure du coût et le marché », souligne le communiqué envoyé par Peter Fuchs. Le vice-président des affaires corporatives nickel insiste : « Glencore ne peut pas financer les pertes indéfiniment ».

Pendant les cinq prochains mois, l’actionnaire va veiller à ce que l’activité de KNS se poursuive normalement. Parallèlement, les échanges avec les partenaires, dont l’État français, vont continuer afin de voir si les solutions identifiées dans le rapport de l’IGF peuvent être mises en œuvre, explorer d’autres procédés et, surtout, solliciter des « sources de financement alternatives ».

L’activité pourrait être mise en sommeil si Glencore le décidait. (© Astride Wema / Frederic Briand)

« UNE MISE EN VEILLE DE L’USINE »

Glencore avait déjà fait part de son intention à la SMSP, l’autre actionnaire, lors d’une rencontre au moment des discussions sur le nickel menées à Paris début septembre. « C’est un sujet d’attention depuis plusieurs mois, entre les effets de la crise Covid et l’explosion des coûts de l’énergie. » Une réunion avait aussi été fixée à la mi-octobre afin de discuter de la suite.

Si Karl Therby « prend l’annonce très au sérieux », il tempère. « Ils n’ont pas dit qu’ils mettraient la clé sous la porte et partiraient le 1er mars. Pour l’instant, ils proposent une mise en veille de l’usine, une surveillance et maintenance dans l’intérêt de protéger les salariés et les sous-traitants. » Ce scénario, la SMSP souhaite l’éviter à tout prix, insiste le président directeur général.

Les regards sont tournés vers l’État, qui « se positionne en investisseur. C’est dans la vision de la SMSP ». En ligne de mire, « des partenariats qui débouchent sur l’alimentation en nickel pour les usines de batteries en France ». Mais aller vers du nickel batterie nécessite des investissements pour avoir une énergie verte et convertir la production actuelle. « Un investisseur qui a besoin de ces produits pourrait être un financeur », glisse Karl Therby.

Emmanuel Macron a affirmé, lors de son discours fin juillet, que l’État accompagnerait la transition énergétique en Nouvelle-Calédonie. En outre, des « discussions sont menées par Glencore sur l’énergie ». L’annonce de l’actionnaire pourrait ainsi permettre d’avancer plus rapidement et assurer un débouché au nickel du Koniambo, Glencore ne pouvant traiter l’ensemble de la production.

 

♦ EN CHIFFRES

KNS représente environ 1 350 emplois directs et 300 à 400 sous-traitants au quotidien sur le site.

La dette de Koniambo Nickel vis-à-vis de Glencore atteint 1 600 milliards de francs.

Glencore a réalisé un bénéfice net de près de 2 000 milliards en 2022, en hausse de 248 %.

♦ UN DOSSIER QUI « NE PEUT PAS ÊTRE TRAITÉ
DE FAÇON PARTISANE »

KNS est un « outil indispensable de rééquilibrage du pays », qui « ne peut être traité de façon partisane, tout comme les autres usines métallurgiques », affirme Nicolas Metzdorf dans un communiqué le 28 septembre. « La politique n’a pas sa place dans ce dossier. » Il estime que le « sauvetage de cette entreprise (…) nécessite toute notre attention et action commune » avec les exécutifs de la province Nord et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Le député a également demandé à l’État de nommer une personne chargée de coordonner le dossier du nickel calédonien entre l’État, les multinationales et les acteurs locaux.

 

Anne-Claire Pophillat