[DOSSIER] Un compromis ou le désastre social

Les forces tant politiques qu’économiques de Nouvelle-Calédonie ont participé à ce Forum samedi 8 février à Paris. (© Ministère de l'Économie et des Finances)

Le Forum économique, tenu en marge des discussions bilatérales, autour des ministres Amélie de Montchalin et Manuel Valls, a tenté de tracer des perspectives post-émeutes.

Le Forum économique s’est déroulé à Bercy, et en visioconférence à la CCI de Nouméa, samedi 8 février, autour du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, et de la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, avec l’ensemble des délégations présentes à Paris pour relancer le processus politique sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ainsi que les acteurs économiques et sociaux.

Le ministre d’État a tenu d’emblée à situer la hauteur des enjeux : « L’économie de la Nouvelle-Calédonie est à terre, donc il faut la relever. » Il n’a pas manqué de souligner, non plus, que les accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa avaient toujours été précédés par des accords économiques. En clôture du Forum, il insistera sur sa conviction qu’« il ne peut pas y avoir de relèvement économique sans un compromis politique, tout comme il ne peut pas y avoir de solution politique durable sans relèvement économique ».

Alors que, depuis des mois, le gouvernement et le Congrès de Nouvelle-Calédonie tiraient chacun de leur côté ‒ l’un défendant son plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction, les autres plaidant pour un plan quinquennal de reconstruction et d’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie ‒, ce Forum, en marge des discussions bilatérales, aura d’abord eu pour mérite de remettre tous les acteurs autour de la table et de les inciter à la « coordination ». Symboliquement, il n’était pas anodin de voir le président du gouvernement, Alcide Ponga, et la présidente du Congrès, Veylma Falaeo, assis côte à côte face aux deux ministres.

9 000 EUROS PAR HABITANT

Autre mérite, celui de préciser et de garantir le soutien de l’État dans ce travail de reconstruction. « L’accompagnement de l’État ne s’est pas démenti et ne se démentira pas », a assuré Amélie de Montchalin, énumérant l’ensemble des mesures de soutien mises en œuvre depuis le 13 mai ‒ au total, en 2024, l’ensemble des aides de l’État représente 9 000 euros (plus d’un million de francs) par habitant ‒ et celles que la promulgation attendue du projet de loi de finances pour 2025 permettra d’engager.

Celui-ci intègre notamment un soutien de 200 millions d’euros (23,8 milliards de francs) pour la reconstruction des écoles et des bâtiments publics, de nouveaux dispositifs de défiscalisation et un prêt d’un milliard d’euros (119,3 milliards de francs) de l’Agence française de développement (AFD) garanti par l’État, prêt portant sur la période 2025-2027. L’État se portera également en soutien du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour compenser « en partie » les pertes de recettes du budget de répartition engendrées par la crise.

Ces engagements n’ont pas tout à fait suffi à rassurer certains participants, à l’image du député Nicolas Metzdorf qui a estimé que le prêt garanti sur trois ans était « largement en deçà de nos besoins », ou du président de Calédonie ensemble, Philippe Gomès, qui conteste que cette aide soit accordée sous forme de prêt et non de subvention, conduisant à un surendettement « extravagant » du territoire.

Plus généralement, il déplore des aides versées « au compte-gouttes ». Ce qui a quelque peu agacé le ministre des Outre-mer. « Le soutien de l’État a été sans faille depuis le 13 mai, a-t-il rappelé. Il est imparfait, bien sûr, mais les gouttes ressemblent parfois à des ruisseaux et les ruisseaux peuvent être des rivières, malgré l’état de nos finances publiques. »

« UNE PART DE RESPONSABILITÉ »

Manuel Valls s’est dit « particulièrement vigilant » sur deux points. Un, le soutien au dispositif de chômage partiel, prévu jusqu’à la fin du mois de mars. « Nous savons que ce ne sera pas suffisant pour que les entreprises locales puissent se relever, a-t-il convenu. Nous devons être au rendez-vous pour que le marasme économique ne puisse pas se transformer en désastre social qui, lui-même, accentuerait les fractures politiques. »

Il s’est engagé à « trouver les moyens de poursuivre l’appui dont le territoire a besoin ». Deuxième point de vigilance, les assurances : « Il est nécessaire d’accélérer les procédures d’indemnisation et nous travaillons avec le ministère de l’Économie et des Finances sur le sujet spécifique de la garantie émeutes », a-t-il précisé.

« L’État peut peut-être avoir une part de responsabilité dans ce qui s’est passé il y a quelques mois », a reconnu le ministre. Mais, a-t-il insisté, « ce soutien de l’État ne peut être efficace que s’il s’accompagne de réformes ambitieuses, robustes, pour l’économie et les finances publiques de la Nouvelle-Calédonie », en appelant tous les acteurs à la mobilisation. Cependant, a-t-il tenu à souligner, « les ajustements qui doivent être faits doivent respecter deux impératifs : ne pas aggraver la récession et ne pas dégrader la situation de nos concitoyens les plus vulnérables ». « Nous devons être ensemble au rendez- vous historique que nous vivons, a conclu le ministre. Il faut un accord, un compromis, un chemin politique commun. »

Peu avant, il avait tenu à remercier les participants. « Merci d’être tous là. Au fond, c’est une belle image de la Nouvelle-Calédonie. L’économie peut plus peut-être que la politique. » Comme s’il pointait à regret qu’il n’en aille pas de même pour les discussions politiques. Car, sur ce plan, il y a encore du chemin à faire.

À Paris, correspondance