Actés à Paris par la délégation transpartisane et les présidents des chambres parlementaires, la méthode et le calendrier de discussions sur l’avenir institutionnel se heurtent aux positions de l’Union calédonienne. Ce qui questionne une nouvelle fois les avancées possibles.
Le climat d’instabilité n’a jamais été aussi pesant des deux côtés du globe. À Nouméa, la rumeur d’une chute du gouvernement présidé par le Palika Louis Mapou a encore gonflé cette semaine. Au point où les coups de fil pour déceler le vrai du faux se sont intensifiés entre les états-majors politiques. Les partis Calédonie ensemble et l’Éveil océanien, très critiques à l’égard du président indépendantiste, sont accusés d’être à la manœuvre, sans confirmation des intéressés à ce stade.
À Paris, l’adoption de la motion de censure à l’encontre de l’exécutif du LR Michel Barnier plonge le pays dans une grande incertitude. Et cette confusion ruisselle naturellement vers la Nouvelle-Calédonie soutenue à bout de bras par l’État avec encore plus de vigueur depuis les émeutes du 13 mai. Les maires, les patrons du BTP, les comptables… sont inquiets : l’examen du projet de loi de finances 2025 qui contient une garantie d’emprunt de l’État pour 1 milliard d’euros en faveur de la Nouvelle-Calédonie a été renvoyé à une date ultérieure.
CONVERGENCES ET DIVERGENCES
Les craintes ne s’arrêtent pas aux urgences financières. « La nomination d’un nouveau Premier ministre et d’un nouveau gouvernement est essentielle pour les discussions sur l’avenir institutionnel », expliquent en résumé divers élus. Une méthode est en place. À la suite de la visite des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat inscrite dans une mission « de concertation et de reprise du dialogue », les chefs de groupe du Congrès se sont réunis mardi 19 novembre ‒ sauf l’UC en pleine préparation de son rassemblement politique annuel à Canala, semble-t-il.
L’idée : poser sur la table et commencer à croiser les réflexions tirées des différents rapports et propositions des experts Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien mais aussi des Loyalistes, ou encore de Calédonie ensemble et des indépendantistes… L’entretien des membres de la délégation transpartisane du Congrès en début de mois avec les présidents des deux chambres du Parlement, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, a permis d’acter deux points de calendrier.
Tout d’abord, « “les discussions calédoniennes” engagées localement se poursuivraient jusqu’au 15 janvier, date à laquelle sera remis à l’État un premier bilan de nos convergences et de nos divergences sur la sortie de l’accord de Nouméa », selon la délégation. Puis, une séquence s’ouvrira, « sous l’autorité de l’État, en sa qualité de partenaire des accords, dans la perspective de construire un consensus portant sur l’avenir du pays, au plus tard au 31 mars », une date butoir pour la tenue d’élections provinciales en novembre. Le site Public Sénat ajoute, dans son compte-rendu de la réunion, que le dialogue s’appuiera « sur les forces politiques représentées au Congrès ».
« SEUL LE FLNKS »
Ce détail rapporté par la chaîne parlementaire n’en est pas un, aux yeux de l’Union calédonienne. Puisque, écrit son nouveau président Emmanuel Tjibaou, « seul le FLNKS a la légitimité de la discussion, négociation sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Un Front donc version 43e congrès de Koumac, c’est-à-dire présidé par Christian Tein, avec la CCAT et sept nouvelles formations indépendantistes, mais sans le Palika et l’UPM. De plus, selon l’UC, le FLNKS tiendra son congrès dans la deuxième quinzaine de janvier 2025, et « les négociations débuteront après ce rendez-vous pour ce qui reste notre ultime objectif, l’accession à la pleine souveraineté », mentionne Emmanuel Tjibaou.
La méthode ainsi que le calendrier établis entre des élus du boulevard Vauban et les présidents des chambres parlementaires sont balayés. Or, devant les médias, après le 55e congrès de l’Union calédonienne à Canala fin novembre, le leader de l’UC avait affirmé vouloir aller « aux discussions ». Certes, le timing n’était pas précisé. Un autre point mérite une clarification : le président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès, Pierre-Chanel Tutugoro, également 1er vice-président de l’UC, figurait dans la délégation transpartisane lors des récentes rencontres à Paris. Il y a ainsi une ambiguïté.
Ce contexte rappelle des séquences de l’année 2023 et de début 2024, lorsque Gérald Darmanin était aux affaires des Outre-Mer. Un jeu du chat et de la souris avait été observé. Des questions identiques reviennent aujourd’hui : l’UC et ainsi le FLNKS veulent-ils des discussions uniquement avec l’État, en bilatéral ? Avec le risque d’un cafouillage dans les initiatives de négociation. L’UC est-elle toujours dans une démarche de compromis ? Le tempo donné par le futur Premier ministre et son ministre des Outre-Mer apportera un éclairage.
Yann Mainguet