Un budget de survie

Le gouvernement a adopté, mardi, son projet de budget supplémentaire 2020 en collégialité. Un budget hors norme qui porte le budget propre de la Nouvelle- Calédonie à 117 milliards de francs. Les turbulences ne font cependant que commencer. Les années à venir devraient être particulièrement difficiles.

La crise sanitaire aura eu de lourdes conséquences, mais pas forcément là où on les attendait. Du point de vue sanitaire, la Nouvelle-Calédonie fait figure, au même titre que quelques rares autres endroits dans le monde, d’îlot préservé. Sur le plan économique, les choses sont néanmoins différentes. Le confinement en lui-même et les mesures de quatorzaine ne seront pas neutres. Mais comme l’illustre la situation polynésienne, où la Covid-19 se répand comme une traînée de poudre après la levée des mesures de quatorzaine, la préservation des populations est à ce prix. C’est dans ce contexte que le gouvernement a dû préparer son budget supplémentaire pour l’année 2020.

S’il est d’ordinaire un simple budget d’ajustement permettant de lancer des opérations nouvelles grâce aux reliquats de l’année précédente, c’est loin d’être le cas cette année puisque le BS est l’occasion de restructurer le budget dans son ensemble. Le prêt de l’AFD garanti par l’État a notamment permis de passer le cap de cette année si particulière. Sans cela, le casse-tête budgétaire aurait certainement été insoluble. Outre ce prêt, le gouvernement a également pu compter sur le soutien de l’État et la révision à la hausse de ses participations dans le cadre des contrats de développement.

Ces contrats vont permettre de donner un peu d’air aux entreprises, au bord de l’asphyxie, en particulier celles du BTP. La date limite de 2021 a été reportée à 2022, un moyen de redonner des marges aux collectivités qui pourront répartir ces investissements sur une année supplémentaire. L’État a également fait un geste significatif en augmentant ses participations aux contrats de développement avec la Nouvelle-Calédonie et ceux conclus avec les intercollectivités de près de quatre milliards de francs (*). Ces décisions assurent un maintien des investissements tout en permettant de décharger le gouvernement et son budget pour un montant de l’ordre de 5,1 milliards de francs.

Comme l’a indiqué Yoann Lecourieux, membre du gouvernement en charge du budget, ces éléments ont vocation à intégrer un plan de relance économique actuellement travaillé par les services de l’exécutif, glissant au passage que le terme de relance était peut-être un peu fort. Réaliste, le membre du gouvernement est conscient des difficultés qui attendent les collectivités et les institutions pour les années à venir. À demi-mots, Yoann Lecourieux a glissé que la situation doit s’envisager sur trois, quatre, voire cinq ans et qu’au-delà des économies, il faudrait mener une réforme de fond. Toute la question étant de savoir si le Congrès parviendra à réformer le système économique du territoire en tenant compte d’une certaine urgence à agir.

Recettes fiscales en baisse

Le premier des trois budgets est le budget de reversement qui consiste à reverser les taxes affectées aux différents établissements publics. De 75,9 milliards de francs en 2019, il passe à 73,1 milliards cette année. Les établissements publics ne seront pas épargnés. Des fusions ont d’ores et déjà commencé afin de rationaliser leurs coûts et de réaliser des économies, notamment de personnel. Le second budget, celui de répartition, est en légère hausse. Il passe de 133,2 milliards en 2019 à 135,7 milliards de francs. C’est ce budget qui couvre les dotations aux collectivités que sont les provinces et les communes. S’il est en progression, tout le monde n’aura pas pu avoir les dotations initialement prévues, mais, de manière générale, le gouvernement est parvenu à « sauver les meubles ».

Le dernier budget est le budget propre du gouvernement. Il explose littéralement, passant de 66,5 milliards de francs à 117 milliards de francs. Mais attention, si le budget augmente sensiblement en raison des coûts liés à la crise, une grande partie de ce montant est constitué d’écritures d’ordre, terme comptable qui consiste en des régularisations, mais non en des dépenses réelles. Autrement dit, le budget réel propre pour 2020 s’élève à environ 80 milliards de francs, prenant en compte les dépenses importantes des mesures sanitaires (24,8 milliards de francs au total entre les différentes réquisitions d’avions et d’hôtels, les mesures de chômage partiel, les reports et pertes de recettes fiscales ou la provision pour une garantie d’emprunt pour le secteur aérien).

Si les dotations pour les différentes collectivités sont préservées, c’est en grande partie parce que le gouvernement en a fait les frais, prenant à son compte la baisse des recettes fiscales. Cette année, le gouvernement table sur une diminution de l’ordre de 7,7 milliards de francs dont une grande partie sur la TGC. Après le « trou » enregistré l’année dernière, le gouvernement avait décidé de revoir à la baisse les recettes attendues. Ces recettes devraient être du même niveau que celle de l’année dernière, toujours inférieures aux prévisions. Le rendement de nombreuses taxes est également en baisse, comme l’IRVM, la taxe sur les produits pétroliers ou encore le fret maritime et aérien. Autant de signes d’un ralentissement économique. Et ce n’est pas le reliquat du prêt qui servira à relancer la machine puisque l’intégralité a été consommée. Les trois milliards n’ayant pas servi à financer les mesures directement en lien avec la Covid seront fléchés au Ruamm.

* L’avenant au contrat de développement prévoit notamment que l’État participe au financement du chantier d’extension de l’aérodrome de Wanaham. Il prévoit aussi quelques opérations nouvelles telles que la rénovation de Jules-Garnier, la poursuite de celle du lycée Escoffier. La bibliothèque Bernheim y est aussi inscrite pour un montant de 1,1 milliard de francs, ainsi que celle du site sportif de Magenta pour 1,6 milliard de francs.

M.D.