Un besoin de trésorerie vital

Les saccages coûtent très cher au territoire, qui n’a pas perçu les recettes fiscales escomptées. Photo : A.-C.P.

Si le territoire peut s’acquitter des dépenses courantes jusqu’à la fin du mois de juin, les moyens financiers lui manquent pour assurer celles de juillet. Le pays serait alors dans un état de cessation de paiements. 

Le situation est « dramatique », lâche Yannick Slamet. Le membre du gouvernement en charge du budget a réalisé tous les calculs, étudié tous les scénarii. Le constat est sans appel : « il me faut de la trésorerie le plus vite possible ». « Tout le monde sait qu’on assure a minima. En juillet, c’est la rupture. » C’est-à-dire la cessation de paiements, ce qui pourrait signifier, entre autres, l’impossibilité de verser les salaires des fonctionnaires, du moins dans leur intégralité.

Les inquiétudes sont fortes également pour d’autres fonds, comme la CLR, Caisse locale de retraites. La perte de recettes fiscales, amorcée avant le début des exactions, s’est envolée (et pourrait atteindre au moins 40 milliards de francs à la fin de l’année). Conséquence, « l’institution Nouvelle-Calédonie est mise sous cloche ». Et la collectivité se voit contrainte de présenter un budget supplémentaire négatif afin de réajuster les calculs entre les recettes prévues dans le budget primitif et celles effectivement perçues.

Par ricochet, cela affecte celui de répartition alloué aux provinces et aux communes. C’est déjà le cas pour la ville de Nouméa qui annonce, dans un communiqué, se retrouver ainsi « dans une situation financière dégradée » et, qu’en conséquence, le CCAS « n’est plus à même d’assurer les aides de première nécessite, alimentaires ou autres ».

La situation pourrait empirer. Près d’une trentaine d’organisations patronales (Medef, CPME, etc.), de syndicats (architectes, armateurs, pharmaciens, BTP…), de fédérations (industries, commerce, agents immobiliers…) demandaient, mercredi, au gouvernement, « un moratoire fiscal et social total jusqu’au 31 décembre », alors que les réponses « tardent à venir », estiment-ils, concernant « les urgences économiques en termes d’assurances et de financement immédiat des entreprises », à la fois de l’État et du gouvernement collégial. Une réaction de l’exécutif est « exigée » avant le 25 juin.

UN « GRAND EMPRUNT »

Trouver de l’argent constitue un impératif. Et « peu importe que cela soit sous forme de subvention ou de prêt », indique Yannick Slamet. Dans le courrier envoyé à Emmanuel Macron vendredi 7 juin, Louis Mapou demandait une aide de 30 milliards de francs afin de couvrir les dépenses courantes et celles liées au chômage « jusqu’en juillet – août ». Yannick Slamet suggère l’idée d’un « grand emprunt » de 80 milliards de francs ‒ qui engloberait le soutien déjà sollicité par le président du gouvernement ‒ afin de « survivre jusqu’à la fin de l’année ». Un chiffre qui ne prend pas en compte l’éventuelle fermeture d’une des usines métallurgiques ainsi que l’impact de l’annonce faite, mardi 18 juin, par Prony Resources, de recourir au chômage partiel en raison de l’arrêt de son activité.

L’exécutif collégial travaille quotidiennement avec les membres de la mission envoyée par Bercy. Les discussions portent notamment sur le montant – même si aucun chiffre précis n’a été donné – et la forme que l’aide pourrait prendre, ce qui ne se ferait pas sans contreparties : « réaliser des économies, réformer le Ruamm, réviser le modèle… Il faut faire preuve de bonne volonté ».

Anne-Claire Pophillat


Christopher Gygès, membre du gouvernement. Photo : A.-C.P.

Un package reconstruction en cours d’élaboration

  • LE CHÔMAGE PARTIEL ET TOTAL SPÉCIFIQUES ADOPTÉS

La commission permanente du Congrès a voté à l’unanimité, vendredi 14 juin, la création de deux types de chômage spécifiques, un partiel et un total, afin de soutenir les salariés touchés par les conséquences des exactions. L’indemnisation prévoit 70 % du dernier salaire net pendant trois mois (avec un plafond à 2,5 fois le SMG), puis 100 % du SMG et 66 % du SMG.

  • UN SITE INTERNET UNIQUE

Lors d’une conférence de presse jeudi 13 juin, Christopher Gygès a présenté un nouveau site unique, www.urgence-eco.nc, qui regroupe l’ensemble des aides destinées aux salariés et aux entreprises : chômage, fonds solidarité de l’État, modèle de courrier pour demander un report des charges sociales, etc. Le membre du gouvernement en charge du dialogue social a également annoncé qu’un FSE « prenant en charge les coûts fixes est en cours de préparation pour avoir des niveaux d’intervention qui seront supérieurs au premier ».

  • UN PACKAGE RECONSTRUCTION

Le gouvernement planche sur un ensemble de mesures visant à encourager les entrepreneurs à reconstruire. Il est prévu des démarches administratives simplifiées pour démolir les entreprises afin de nettoyer les sites rapidement, mais aussi de favoriser l’octroi des permis de construire pour les projets de restauration quasiment à l’identique dans le but d’accélérer les procédures. « Gagner plusieurs mois sur une reconstruction classique permet de soutenir la reprise économique et d’entraîner la création d’emplois. »

Un travail de recensement des matériaux disponibles sur le territoire est également en cours. Si certains venaient à manquer, il est question de « libérer les quotas pour les produits concernés ».

Le package comprendrait aussi des incitations fiscales et sociales, indique Christopher Gygès, afin « d’offrir des conditions attractives ». Selon le membre du gouvernement, d’autres mesures de relance doivent être proposées et validées par le gouvernement dans les prochaines semaines. « Nous travaillons déjà sur la suite, nous devons être dans l’anticipation. »

A.-C.P.