Si le 24 septembre, qui a marqué le 171e anniversaire de la prise de possession du territoire par la France, mais aussi désormais la « Fête de la citoyenneté », n’a pas généré de troubles majeurs, cette journée a révélé les profondes fractures après l’éclatement des émeutes.
La Fête de la citoyenneté, adoptée en 2004, tend à rassembler les Calédoniens le 24 septembre, un jour historiquement clivant sur le territoire, puisque cette date marque l’anniversaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France en 1853. La noble intention des autorités a échoué cette année. D’une part, parce que les regroupements, festifs ou non, étaient interdits sur décision du haut-commissaire. D’autre part, parce que le frais souvenir des émeutes sur fond de contestation du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral provincial a posé une épaisse chape de plomb. Les rues du centre-ville de Nouméa étaient vides. Les Calédoniens, du moins de l’agglomération, redoutaient une résurgence d’affrontements en cette date symbolique. Il n’y en a pas eu. Seuls des départs de feu et une bataille de drapeaux ont été observés.
Premier constat, l’État avait cette fois anticipé tout débordement en déployant un dispositif de sécurité impressionnant : « 41 unités de forces mobiles avec des renforts de la Sécurité civile » étaient engagées, « soit près de 6 000 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers », chiffre le haut-commissariat. L’effectif était, en ce jour, « près de sept fois supérieur à celui en place pour le 13 mai », a commenté Théophile de Lassus, directeur de cabinet du haut-commissaire, vendredi 20 septembre. Dans les rangs, 3 200 gendarmes, dont plus de 150 militaires du GIGN. Du jamais vu. L’idée était bien là et demeure : tout mouvement jugé suspect est contenu.
CRC EN LUMIÈRE
Si la CCAT, ou cellule de coordination des actions de terrain, n’avait pas annoncé d’opérations particulières pour le 24 septembre, un groupe profrançais, créé en opposition, a pris la lumière ‒ deuxième observation ‒ en proposant deux actions : entonner l’hymne national La Marseillaise diffusé à midi sur les ondes de la radio RRB et parader, drapeaux tricolores au vent, sur l’anse Vata. Né sur la base de la coordination de voisins vigilants, le CRC, ou Collectif de résistance citoyenne, est composé de 57 référents de quartier et de 1 200 membres, selon ses comptes. « Nous sommes en droit d’exprimer nos opinions dans le respect de la démocratie », plaide le porte-parole Willy Gatuhau, qui mentionne « aucune présence d’armes » sur les barricades. Pour le maire déchu de Païta, « nous serons toujours là tant que la situation ne sera pas à un retour de la sécurité ».
un impressionnant dispositif de sécurité était en place.
Le haut-commissaire avait insisté : le 24 septembre
ne peut devenir un nouveau 13 mai. ( ©Y.M)
Ce 24 septembre a été marqué, troisième point, par une initiative d’Inaat ne Kanaky à Maré devant des représentants des huit aires coutumières, une majorité des 62 chefferies, bref au total, 400 participants, d’après ses informations. Le conseil national des chefs, par « la déclaration unilatérale de souveraineté des chefferies sur leurs territoires coutumiers », revendique une autonomie de gouvernance des chefferies pour y inscrire des projets de tous ordres. Cette démarche, dont l’articulation restait à préciser mercredi 25 septembre, vient bousculer la ligne du Sénat coutumier. Inaat ne Kanaky n’avait d’ailleurs pas été avare de critiques envers l’institution de Nouville.
Yann Mainguet
Il reste les plus durs
« Nous avons constaté une diminution très nette du nombre d’insurgés », a souligné le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie, vendredi 20 septembre au haut-commissariat. « Le premier facteur est le nombre d’interpellations réalisées : plus de 2 500 personnes en quatre mois. Je crois aussi que beaucoup ont compris que la violence était une impasse. » Un chiffre avait circulé en mai : 10 000 émeutiers, c’est-à-dire 5 000 à Nouméa et autant dans les communes périphériques. « Aujourd’hui, nous ne constatons plus du tout la même mobilisation », ajoute le haut-gradé. Mais « il y a encore quelques radicaux, notamment chez les plus jeunes. Nous les connaissons, ce sont les délinquants de d’habitude, des gens qui s’inscrivent dans une démarche de contestation violente de l’autorité bien avant le 13 mai ».