Ultimes préparatifs en Brousse, après une campagne très calme

Le collectif Les Voix du Non a mené plusieurs réunions de proximité en brousse durant la campagne. De son côté, le comité indépendantiste de non-participation a limité les sorties, qui ont consisté
à expliquer sa stratégie à la population. Indépendamment, les mairies se sont préparées pour la bonne tenue du référendum, ce dimanche 12 décembre.

Qu’ils soient bleu-blanc-rouge ou aux couleurs indépendantistes, les drapeaux sont bien plus rares en bord de route de Brousse que d’accoutumée, à quelques jours d’un référendum. L’aspect asymétrique de la campagne référendaire et la situation sanitaire liées au Covid-19, qui a limité les regroupements, ont rendu l’ambiance très calme, durant cette campagne officielle.

À la mairie de Koumac, les cartes électorales ont toutefois été récupérées avec le même enthousiasme que lors des précédents scrutins de 2018 et en 2020. Et les procurations continuent d’être enregistrées. « Les électeurs indépendantistes aussi viennent retirer leur carte. Dans leur discours, certains disent qu’ils viendront voter », témoigne Dominique Brown, secrétaire en charge du service élections.

Des bureaux de vote à réorganiser

À l’heure d’installer les isoloirs dans les bureaux de vote, les mesures sanitaires à mettre en place préoccupent. « Il ne faut pas que les gens se croisent. Nous avons récupéré les tables, les chaises et les barrières des deux vaccinodromes pour organiser un sens de circulation et faire des marquages au sol », explique Dominique Brown. Outre les présidents des deux bureaux de vote et les assesseurs, le personnel municipal et les gardes champêtres seront présents pour gérer les flux.

Du gel hydroalcoolique a été mis à disposition par le haut-commissariat et les électeurs sont invités à venir équipés de leur propre stylo pour remplir les listes d’émargement. Alors que des intempéries sont attendues, un passage prioritaire dédié aux électeurs les plus éloignés et aux personnes à mobilité réduite sera installé.

À Thio, qui a connu une recrudescence de cas positifs, la préoccupation sanitaire prime également. Les vingt-quatre agents qui tiendront les quatre bureaux de vote du village, de la tribu de Saint-Pierre et de Borendy présentent tous un schéma vaccinal complet. Et les élus sont mobilisés aussi. Samedi matin, ils se réuniront pour effectuer des autotests. « Si jamais nous avons des cas positifs, car nous ne sommes à l’abri de rien, nous appellerons d’autres collègues en remplacement », détaille Enrico M’Boueri, deuxième adjoint au maire.

« Faire la part des choses » dans les communes indépendantistes

Dans une commune à forte majorité indépendantiste, l’équipe municipale saura « faire la part des choses », assure le deuxième adjoint. « Nous avons reçu les consignes du FLNKS. En tant qu’élus de la République française, nous sommes appelés à tenir les bureaux de vote. C’est une obligation, c’est la loi et on ne va pas faire autrement », insiste Enrico M’Boueri.

Sur la commune, 2 218 électeurs seront appelés aux urnes. Les observateurs de l’ONU ont récemment été reçus et des renforts sont attendus, cette semaine, à la brigade de gendarmerie. Situation analogue à Koné, où une trentaine d’effectifs supplémentaires de gendarmerie sont prévus. « Mais je pense que cela va être aussi calme que lors des deux derniers scrutins », estime Thierry Gowecee, le maire.

Interrogé sur l’éventuel manque d’anonymat du vote non indépendantiste en tribu, le premier édile de Koné se montre confiant. « Nous avons encore eu une réunion, samedi. Nous avons lancé un appel pour bien expliquer qu’il faut respecter et laisser le libre accès au vote », indique Thierry Gowecee. « Aucune crainte de ce genre ne m’est remontée. Les mairies indépendantistes ont reçu la consigne d’ouvrir et de tenir les bureaux de vote. Et puis les loyalistes votent en majorité au village », fait valoir le premier magistrat de la commune.

En cas d’intempéries, un bureau de vote de repli enregistrera les votes des électeurs éloignés à l’école Téari. Après avoir été convertie en centre de vaccination du pôle sanitaire du Nord, durant plusieurs semaines, la salle Au Pitiri fera bien office de bureau centralisateur.


Appel au civisme

Dans le Grand Nord, le conseil coutu- mier de l’aire Hoot Ma Whaap, a appelé, samedi 4 décembre, « à faire preuve de civisme pour que le référendum se tienne dans le calme ». L’instance demande « de ne pas organiser et de ne pas participer à des actions qui pourraient perturber cette journée de vote ».


Des électeurs aux sentiments mitigés

« C’est dommage que les indépendantistes ne participent pas. C’est compliqué pour eux. Alors que c’est le point final, on se ferme la porte et on s’enferme dans l’inconnu. C’est le moment de s’impliquer », avance Benoît. Quant à Fred, il est sceptique. « On nous pose une question binaire alors que cela fait 30 ans que nous vivons ensemble. Chacun a sa lecture de l’accord et nous avons perdu du temps. Je vote tout le temps, par principe. Mais là, pour la première fois, je vais voter blanc », conclut-il.


Les Voix du Non et Calédonie ensemble en campagne à Koné

Gil Brial, Sonia Backes, Naïa Watéou, du collectif Les Voix du Non, et Philippe Gomès, président de Calédonie ensemble, ont animé une réunion commune vendredi 3 décembre, à Koné. Une vingtaine de personnes sont venues les écouter et échanger avec eux.

Sonia Backes

« Plus la participation sera importante, plus cela sera confortable pour les non-indépendantistes »

«Nous avons été très présents sur le terrain. Nous avons tenu près de 25 réunions par semaine, un peu partout, au niveau des Voix du Non. Nous avons été obligés d’organiser plus de réunions parce que la jauge limite le nombre de personnes présentes. Nous avons voulu montrer que nous étions capables, sur l’essentiel, d’être unis. Nous avons rédigé une tribune (NDLR : parue dans Le Monde, lire page 4) avec Le Rassemblement, Calédonie ensemble, tous les partis politiques partisans du Non et nous avons des réunions en commun. En province Nord, très souvent, quand nous allons voir les électeurs, ils nous disent : « Unissez- vous, unissez-vous parce que nous, ici, nous sommes minoritaires. Nous avons besoin que vous soyez forts ». Nous savons très bien que les indépendantistes écoutent la consigne, mais il se peut très bien, pour une raison ou une autre, qu’elle change au dernier moment et que les électeurs indépendantistes aillent voter. Ensuite, évidemment, plus la participation sera importante, plus cela sera confortable pour les non-indépendantistes dans la discussion. »

Philippe Gomès

« Le taux de participation sera faible pour plusieurs raisons »

« Les Calédoniens d’origine kanak qui votent Non vont hésiter à aller dans les bureaux de vote avec la consigne de non-participation du FLNKS. Nous ne pouvons pas mener une véritable campagne de terrain, eu égard aux limites sanitaires. Il y a le virus qui circule et cela peut conduire certains électeurs à éviter de fréquenter le lieu très embouteillé qu’est un bureau de vote un dimanche. Toutes ces raisons vont conduire à un taux de participation qui sera faible. C’est pour cela que nous avons choisi d’affirmer une action commune. Nous sommes dans un cycle de 30 ans qui s’arrêtera le 12 décembre. C’était facile parce que tout était calibré, tout était organisé, tout était rythmé, avec trois référendums à la sortie. Personne n’a bougé de sa zone de confort. Maintenant, c’est fini. C’est le vide pour les 24 mois qui viennent. Qu’est-ce qu’on conclut pour sortir de ce vide ? Qu’est-ce qu’on conclut pour se substituer à l’Accord de Nouméa dans la constitution de la République ? Qu’est-ce que l’on construit pour faire en sorte qu’il y ait un véritable accord partagé par tous les Calédoniens, qu’ils soient indépendantistes ou non-indépendantistes ? »

Gédéon Richard

©G.R.