Trump, président

Surprise (mondiale) ce mercredi. Contre toute attente, les citoyens américains ont porté Donald Trump à la tête du pays. Le milliardaire, candidat républicain, va devenir le 45e président des Etats-Unis. Retour sur une victoire pleine d’enseignements… 

Tous donnaient l’avantage à Hillary Clinton. Les sondages, les médias, les observateurs Américains et étrangers. Tous ont insisté longuement sur la personnalité atypique voir « effrayante » du candidat Trump, 70 ans. Les célébrités, jusqu’au couple présidentiel, ont travaillé d’arrache pied pour la démocrate. Et on a relevé sans cesse les débats désastreux de l’« homme orange », ses ambitions grotesques ou ses attitudes passées et scandaleuses envers les femmes et les minorités en général.

Oui, tout semblait plié. Et pourtant.

Donald Trump a déjoué tous les pronostics en décrochant 290 électeurs contre 228 pour sa rivale démocrate. Le candidat républicain a réussi l’exploit de s’imposer dans la quasi-totalité des États clé qu’il devait remporter pour espérer accéder à la Maison-Blanche : La Floride, l’Ohio, la Caroline du Nord, la Géorgie, l’Iowa et le Wisconsin. Après huit années passées sous la houlette d’Obama,  les Américains ont tout donné au clan républicain qui conserve la majorité au Sénat, à la Chambre des représentants… et qui compte de nouveaux sièges de gouverneurs…

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Plus sobre

Au terme d’une campagne âprement menée, la pire dit-on de l’histoire des États-Unis, Donald Trump a pu savourer sa victoire. Dans son discours, il a salué sa rivale, Hillary Clinton. «Elle s’est bien battue. Elle a travaillé durement et longuement, nous lui devons notre gratitude pour son service pour le pays » a-t-il déclaré. Trump a poursuivi dans un ton étonnement sobre et rassembleur. « C’est l’heure de panser les plaies de la division. Je dis aux démocrates et républicains qu’il est temps de se rassembler pour former un seul et unique peuple » a-t-il répété. Puis après avoir vilipendé plusieurs pays lors de sa campagne, le futur président s’est dit prêt à entretenir des relations apaisées sur la scène internationale : « Nous serons juste avec toutes les nations et nous ne chercherons pas les conflits ». Donald Trump a aussi promis un avenir économique radieux à son pays. « Nous avons un projet de croissance et de renouveau national. Nous allons doubler la croissance et nous aurons l’économie la plus forte au monde » a-t-il assuré.

Programme et interrogations

Passée la sidération, la victoire de Trump apporte son lot de questions. Trump, le candidat de l’incertitude… Comment va-t-il gouverner le pays ? Le président sera-t-il à l’image du candidat ? Ses propositions sont pour le moins floues. Mais elles annoncent une politique musclée. Donald Trump veut « mettre KO » l’État islamique et se dit pour cela ouvert à une coopération avec la Russie. Il veut augmenter la taille de l’armée américaine. Il veut construire un mur géant le long de la frontière avec le Mexique. Il prône la tolérance zéro pour les étrangers auteurs de crimes. Il veut aussi durcir la politique des visas et avait annoncé qu’il fermerait provisoirement les frontières des États-Unis à tous les musulmans.

Sur le commerce, Trump veut tout miser sur le « Made in USA » en mettant en place des barrières tarifaires sur les produits chinois et en surtaxant les entreprises américaines qui délocalisent vers le Mexique. Il rejette le Partenariat transpacifique (TPP), et envisage de renégocier l’Alena, l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique entré en vigueur en 1994.

Donald Trump a proposé d’emblée un investissement de 1 000 milliards dans les infrastructures dans les 10 ans. Objectif : créer 25 millions d’emplois. Il veut baisser les impôts pour tous et propose de ramener le nombre de tranches d’imposition de sept à trois avec des taux de 12 %, 25 % et 33 % pour la tranche la plus élevée (contre 39,6 % actuellement). Il supprimerait l’impôt sur les successions et baisserait l’impôt sur les sociétés de 35 à 15 %, pour relancer la croissance et l’emploi et diminuer la dette. Trump veut juguler cette dette publique en dopant l’emploi et en faisant la chasse aux gaspillages de fonds publics. Les budgets du département de l’Éducation et de l’Agence fédérale de protection de l’environnement seraient par exemple réduits.

Il ne touchera pas aux budgets des programmes fédéraux de santé Medicare (pour les seniors) et Medicaid (pour les populations à faible revenu), mais veut supprimer l’Obamacare, la couverture sociale américaine. Il soutient le droit de se défendre par les armes et s’oppose à la vérification d’antécédents pour les acquéreurs d’armes à feu. Sur l’environnement enfin, il nie l’impact de l’homme sur le réchauffement climatique, souhaite relancer l’industrie du charbon et se dit prêt à revenir sur l’accord de Paris, ou l’annulation du projet d’oléoduc Keystone XL, qui devait relier le Canada au Golfe du Mexique.

« Wait and See »

Ce qu’a dit et proposé Donald Trump durant sa campagne provoque à juste titre, bien des inquiétudes tant sur le plan national qu’international. Mais il va falloir essayer maintenant de savoir ce que veut concrétiser ce nouveau président, loin de l’ambiance torride et des annonces de la campagne. Et le président évidemment ne pourra pas faire absolument comme il l’entend, le pouvoir présidentiel restant relativement muselé aux Etats-Unis.

Ce qui est certain, c’est que cette élection représente un tournant majeur. Un avertissement, un retour au populisme, un vote antisystème, que l’on sent poindre depuis des années. C’est une épreuve pour la communauté internationale. Mais c’est peut-être aussi pour l’Occident, pour l’Europe, la France une nouvelle chance de se ressaisir, et d’écouter d’avantage le message que porte une partie grandissante de la population, aussi réactionnaire et angoissant puisse-t-il parfois être.


Quelle équipe ?

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On en sait finalement très peu au terme de cette campagne sur ce à quoi pourrait ressembler le gouvernement Trump à la Maison Blanche. Le très conservateur Mike Pence (photo) prendra la vice-présidence du pays et devrait jouer un rôle majeur dans l’administration. Rudy Giuliani, l’ancien maire républicain de New York, salué par le nouveau président lors de son premier discours et très présent durant la campagne, devrait diriger le département de Justice. Newt Gingrich pourrait devenir secrétaire d’Etat chargé des Affaires étrangères et l’ancien chef du renseignement américain, le Lieutenant Général Michael Flynn pourrait devenir secrétaire d’État à la défense ou de la sécurité nationale. Il se dit aussi que Steven Mnuchin responsable des finances de la campagne et à l’origine de l’élaboration du programme économique du candidat, pourrait être au Trésor et que l’homme d’affaires Lew Eisenberg serait en voie d’occuper le poste de secrétaire d’État au commerce.


Investiture le 20 janvier

Le 19 décembre 2016, les grands électeurs désignés par les Américains voteront directement pour le président. Le dépouillement de leur vote aura lieu quinze jours plus tard au Sénat, à Washington. Ce n’est qu’à ce moment-là que le candidat sera déclaré  vainqueur. Donald Trump sera officiellement investi le 20 janvier 2017 à midi lors de l’« Inauguration Day ». Ce jour-là, devant le Capitole, à Washington, il devra prêter serment la main sur une bible.


Hillary, si près du but

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Elle aura mené un « beau combat » selon Donald Trump. Coup de massue en tout cas pour Hillary Clinton, qui ne s’attendait sûrement pas à ce résultat, et un air de déjà-vu aussi. En 2008 déjà, l’ancienne première dame était donnée grande favorite des primaires démocrates avec une belle notoriété, une expérience, un réseau financier solide. Pourtant, au terme d’une campagne alors jugée désastreuse, Hillary Clinton a dû laisser la place au jeune sénateur Barack Obama, porteur d’un message d’espoir et de changement. Huit ans plus tard et malgré la récupération d’une partie de son équipe, d’une manne d’argent énorme et du soutien de l’establishment, Hillary Clinton s’est effondrée sur la dernière marche. Parmi les causes qui peuvent expliquer cette nouvelle défaite, l’effet Bernie, l’affaire des mails, le manque de confiance des Américains à son égard, la montée du populisme… À 69 ans, celle qui avait prévu de grandes festivités à New York, passe a priori définitivement à côté du bureau ovale et ne réalisera pas son rêve de devenir la première femme présidente des États-Unis.


Réactions 

« Il ne faut jamais faiblir quand on fait le bien. Ne nous décourageons pas. Je suis très reconnaissante d’avoir eu la possibilité de vous représenter ». Hillary Clinton.

« «Tout ce que nous voulons c’est la réussite de notre pays. Nous voulons une transition en douceur ». Barack Obama, 44e président des États-Unis.

« L’Allemagne et les États-Unis sont liés par des valeurs, la démocratie, la liberté, le respect du droit, de la dignité de l’homme indépendamment de sa couleur de peau, de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de ses convictions politiques. C’est sur la base de ces valeurs que je propose une coopération étroite au futur président. » Angela Merkel, chancelière allemande.

« Cette élection ouvre une période d’incertitude. J’engagerai sans tarder une discussion avec la nouvelle administration américaine. Mais je le ferai avec vigilance et franchise car certaines positions prises par Donald Trump durant la campagne américaine doivent être confrontées aux valeurs et aux intérêts que nous partageons avec les États-Unis ». François Hollande, président de la République Française.

« Le peuple américain a fait un choix souverain. Cette nouvelle donne mondiale, il faut la regarder en face en restant fidèles à nos valeurs ». Manuel Valls, Premier ministre français.

« L’élection de Donald Trump à la présidence américaine exprime le refus d’une pensée unique qui refuse de voir la réalité du rejet d’un commerce mondial qui n’est ni loyal ni équitable, une pensée unique qui ne voit pas l’exigence des peuples quant à la maîtrise de l’immigration et au respect des frontières, cette pensée unique qui ignore la nécessité des mesures difficiles qu’il y a à prendre pour protéger les citoyens du terrorisme islamiste ». Nicolas Sarkozy, Les Républicains.

« Félicitations au nouveau président des États-Unis Donald Trump et au peuple américain, libre ! » Marine Le Pen, présidente du Front National.

« Je le félicite. L’amitié italo-américaine est solide ». Mateo Renzi, président du Conseil Italien.

« Je suis certain qu’un dialogue constructif sera établi entre Moscou et Washington », Vladimir Poutine, président Russe.

Je suis impatient de travailler avec lui en faveur de la sécurité, la stabilité et la paix dans notre région » Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien.

« Je souhaite que le Mexique et les États Unis continuent de renforcer les liens de coopération et de respect mutuel » Enrique Pena Nieto, président Mexicain.


Le yo-yo des marchés financiers

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La réaction des marchés financiers à la victoire de Donal Trump à l’élection présidentielle américaine s’est retournée au fil des heures mercredi, les investisseurs semblant soulagés de la désignation d’un locataire pour la Maison-Blanche et se prenant à espérer qu’il saura faire preuve de pragmatisme

Dans un premier temps, la réaction des marchés mondiaux a été vivement négative avec un recul de la plupart des marchés des actions et une fuite vers les valeurs refuges comme l’or, le franc suisse et le yen mais aussi les obligations d’État, car personne ne s’attendait à la victoire du candidat. En Asie, le nikkei a clôturé mercredi soir à -5,3 %. Mais après la stupeur, le mouvement s’est progressivement retourné au fil des heures après l’élection, les investisseurs semblant avoir été rassurés par le ton plutôt conciliant adopté par le candidat républicain dans son discours de victoire. La devise américaine s’est reprise même pour évoluer en hausse au moment de la clôture et les Bourses européennes ont toutes terminé en progression sensible. Pour exemple, après avoir perdu près de 3 % à l’ouverture, l’indice CAC 40 a clôturé en hausse de 1,49 %. La perspective de voir la Fed renoncer à la hausse de taux annoncée pour le mois prochain dans un climat d’incertitude accrue a pu aussi contribuer à ce yo-yo des marchés.

La majorité des investisseurs désorientés estiment finalement que l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche pourra se révéler positive pour Wall Street. Seul bémol, la victoire de Donald Trump a eu l’effet d’un ouragan sur les marchés mexicains, faisant chuter la Bourse mexicaine de 3,18 % et le peso de 7,18 %, dans la crainte de conséquences négatives pour l’économie du pays. Mais le gouvernement mexicain s’est voulu rassurant et le président Enrique Peña Nieto a même tendu la main au milliardaire républicain. Reste à savoir maintenant comment vont se comporter les marchés financiers mondiaux dans les jours et les semaines à venir car le phénomène Trump va apporter beaucoup de volatilité et d’incertitude car la politique Trump, c’est l’Amérique d’abord, une situation nouvelle qui peut avoir des conséquences très forte sur l’économie mondiale.


Un homme sorti des affaires

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Donald Trump, 69 ans a grandi dans le Queens, à New York. Il a commencé sa carrière grâce à l’entreprise de son père, Frederick Trump, qui avait fait fortune dans l’immobilier et dans la gestion d’appartements locatifs dans certains quartiers de New York. Le jeune Donald Trump investit à son tour dans l’immobilier et multiplie les projets. Il suffit de penser à la fameuse Trump Tower de New York ou encore à ses casinos à Atlantic City et à Las Vegas, ou encore, à ses tours à appartements à Toronto et Vancouver. Partout où il passe, il met son nom sur chacun des immeubles. Donald Trump, c’est aussi un producteur et animateur de télévision. Le milliardaire à la chevelure blonde a été la vedette de l’émission de téléréalité The Apprentice, de 2004 à 2015. Il a aussi été derrière l’organisation de Miss Univers. Selon le magazine Forbes, sa fortune est estimée à 4 milliards de dollars américains provenant de 168 sources différentes. Mais Trump n’a pas connu que le succès. Ses entreprises ont fait quatre faillites en 18 ans. La première, la plus retentissante, était celle du casino Trump Taj Mahal, en 1991, où il s’était endetté de 3 milliards de dollars.

Engagé en politique à partir des années 1980, il devient de façon inattendue le candidat du Parti Républicain à l’issue des primaires de 2016 qu’il remporte sans avoir jamais détenu jusque-là de mandat électif. Marquée par de nombreuses polémiques, sa campagne s’est caractérisée par des propositions radicales visant à réduire l’immigration, un positionnement isolationniste et protectionniste et une opposition à l’establishment et au politiquement correct. Sa victoire aux présidentielles ce mercredi a déjoué tous les pronostics. Il sera investi 45e président des Etats-Unis le 20 janvier 2017.

C.M/ C.S / AFP

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